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Moyen-Orient - REPÈRE

Riyad renonce à un million de barils par jour pour faire monter les prix

Réunis dimanche à Vienne, les pays membres de l’OPEP+ ont longuement négocié pour annoncer finalement une réduction de la production saoudienne en juillet.

Riyad renonce à un million de barils par jour pour faire monter les prix

Le ministre saoudien de l'Energie Abdulaziz ben Salmane arrivant à la réunion de l'OPEP+ à Vienne, en Autriche, le 4 juin, 2023. REUTERS/Leonhard Foeger

Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dominée par l’Arabie saoudite, et ses alliés menés par la Russie se sont réunis, dimanche 4 juin, à Vienne, au siège de l’organisation. Après d’intenses discussions, une série de mesures ont été annoncées, impulsées par Riyad. Leur but : faire remonter les cours de l’or noir.

Les faits

• Le ministre saoudien de l'Énergie Abdel Aziz ben Salmane a annoncé dimanche que le royaume allait réduire d’un million de barils la quantité de pétrole qu’il exporte quotidiennement pour le mois de juillet. Portant la production à 9 millions de barils par jour (bpj) contre 10 millions en mai, il s’agit de la plus forte réduction depuis des années.

• En outre, les pays de l’OPEP+ se sont mis d’accord pour prolonger les réductions de leur production décidées depuis la fin 2022, et ce jusqu’à la fin de l’année 2024. Avec une baisse cumulée de 3,6 millions de bpj, l’OPEP+ devrait ainsi ajuster sa production à 40,5 millions de  bpj .en 2024.

• Les Émirats arabes unis, désireux depuis plusieurs années de voir leur production augmenter, ont obtenu l'autorisation de relever leur quota de production de brut pour 2024 à 3,2 millions de bpj. De leur côté, la Russie, l’Angola, le Nigeria et le Congo devront revoir à la baisse leurs objectifs de production.

Le contexte

• Les réunions de l’OPEP+ sont très observées par les marchés financiers et les analystes. Dimanche, chose rare, les débats et les discussions ont duré sept heures. Il s’agit de l'une des réunions les plus controversées de ces dernières années, sur fond d’inquiétudes concernant le ralentissement de la demande énergétique mondiale.

• Face à la crainte d’une récession mondiale et à la faiblesse de la demande chinoise, les investisseurs parient sur une baisse des cours du brut malgré plusieurs tentatives des pays membres de l’OPEP+ ces derniers mois pour faire remonter les prix. En avril, l’organisation décide notamment de baisser de 1,2 million de barils sa production, faisant brièvement grimper le prix du baril à 90 dollars.

• Avant la réunion du week-end dernier, le prix du baril de Brent se négociait autour des 76 dollars. Or, les analystes estiment que les Saoudiens ont besoin d’un baril à plus de 80 dollars pour financer leurs « mégaprojets » de développement visant à diversifier l'économie du pays. D’autant que les réserves financières saoudiennes ont chuté à 410 milliards de dollars en avril 2023, leur niveau le plus bas depuis 2010.

• Dans cette veine, le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane n’a pas hésité à couper la production de pétrole de l’OPEP+ de 2 millions de bpj en octobre dernier. Une décision vue comme un camouflet à Washington, alors que le président américain Joe Biden avait fait une escale à Djeddah en juillet dernier pour rencontrer le prince héritier et atténuer les tensions entre les deux partenaires.

Pour mémoire

Pourquoi Riyad a infligé un camouflet à Biden

• Un prix élevé du baril, monté en flèche suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, est en effet dans l’intérêt de Moscou, partenaire privilégié de Riyad au sein de l’OPEP+. En raison de sanctions occidentales, la Russie écoule son pétrole et son gaz à prix réduit, notamment vers l’Inde et la Chine.

• Si Moscou avait promis en février de réduire sa production de 500 000 bpj, en accord avec les autres membres de l’OPEP+, le Wall Street Journal affirme cependant qu’il n’y a pas de trace d’un tel changement dans les données disponibles concernant les exportations russes.

• Alors que la Russie a besoin de faire du volume pour financer l’effort de guerre, Riyad préfère baisser la production pour faire monter les prix. En 2020, les divergences entre les deux géants de l’OPEP+ avaient provoqué une guerre des prix, lorsque l’Arabie saoudite avait inondé le marché de pétrole, faisant alors chuter les prix de l’or noir en dessous de 50 dollars le baril.

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Avant sa réunion de dimanche, l’OPEP+ contrôle sa couverture médiatique

• Le royaume saoudien est le seul pays membre de l’OPEP+ à disposer de capacités de stockage et de production suffisantes pour pouvoir rapidement réduire et augmenter ses exportations et influencer le prix sur le marché du baril. Riyad est ainsi capable d’exporter jusqu’à 12 millions de barils par jour.bpj.

• Dimanche, le ministre saoudien de l'Énergie a qualifié de « gâterie saoudienne » la réduction unilatérale de production décidée à Vienne, qui s’ajoute à la baisse de 500 000 bpj actée en avril. Elle permettrait en effet aux autres pays producteurs de bénéficier d’une potentielle hausse des prix à moindre coût.

Les enjeux

• Si Abdel Aziz ben Salmane, demi-frère du prince héritier saoudien, s’est félicité de cette décision, évoquant une « cerise sur le gâteau » visant à « ramener la stabilité sur le marché », il n’est pas évident que l’effet escompté soit atteint. À l’heure de mettre sous presse, le prix du pétrole n’a augmenté que de 1 % lundi à la mi-journée aux États-Unis. Plusieurs analystes ont fait savoir ces derniers jours que seule une baisse forte et durable de la production pourrait avoir un effet sur les prix. Le ministre saoudien a ainsi déclaré que la baisse de production d’un million de bpj pouvait être reconduite après le mois de juillet, laissant planer le doute pour convaincre les spéculateurs.

• Si des signes de discorde entre Moscou et Riyad étaient attendus lors de la réunion de dimanche, l’OPEP+ a annoncé avoir fait front uni malgré la durée des négociations. « Nous n’avons pas eu de désaccords, c’est une décision commune prise dans l’intérêt du marché », a assuré le vice-Premier ministre russe Alexander Novak. Alors que la Russie est pointée du doigt pour ne pas avoir respecté la réduction de son quota de production décidée en février dernier, une évaluation doit être conduite pour déterminer son niveau de production au sein de l’organisation pour l’année prochaine. De quoi la laisser souffler encore un peu.

• Les États-Unis n’avaient pas encore réagi aux récentes décisions de l’OPEP+, alors qu'Antony Blinken, secrétaire d'État américain, se rend mardi en Arabie saoudite pour une visite de trois jours. Mais si les cours du brut remontaient effectivement, Washington et ses alliés occidentaux, qui luttent jusqu’à présent plutôt efficacement contre l’inflation, pourraient prendre des contre-mesures, comme par exemple de nouvelles sanctions contre la Russie. Depuis le conflit en Ukraine, les pays occidentaux accusent l'OPEP+ d’aider Moscou à financer l’effort de guerre en maintenant des coûts énergétiques élevés.

• Les Émirats arabes unis sortent gagnants de cette réunion. Alors qu’ils font pression depuis des années pour augmenter leur production de pétrole, les Émirats arabes unis ont été autorisés à relever leur production de 0,2 million de bpj à partir de 2024. Abou Dhabi cherche en effet à augmenter sa capacité de production à 5 millions de bpj d’ici à 2025 pour profiter d’une manne pétrolière lui servant à financer sa diversification économique en vue de l’ère postpétrole. Une stratégie qui attise la compétition entre les pays du Golfe, suivant des trajectoires similaires.

• À la suite de la réconciliation le 10 mars entre l’Arabie saoudite et l’Iran sous l’égide de la Chine, le secrétaire général de l’OPEP s’est dit prêt la semaine dernière au retour complet de la République islamique sur le marché pétrolier lorsque les sanctions seront levées, selon le site internet du ministère iranien du Pétrole. Les exportations de pétrole de l’Iran, membre fondateur de l'OPEP, sont soumises à des sanctions occidentales visant à freiner le programme nucléaire iranien. Alors que des négociations seraient en cours pour trouver un accord entre Occidentaux et Iraniens, notamment sur un échange de prisonniers et un dégel de certains avoirs iraniens, un retour du pays sur le marché international pourrait par ailleurs changer la donne quant à la stabilité des cours du pétrole. 

Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dominée par l’Arabie saoudite, et ses alliés menés par la Russie se sont réunis, dimanche 4 juin, à Vienne, au siège de l’organisation. Après d’intenses discussions, une série de mesures ont été annoncées, impulsées par Riyad. Leur but : faire remonter les cours de l’or noir.Les faits • Le ministre...

commentaires (2)

Comme si le baril autour de 80$ ne leur suffisait pas. Ils regretteront  leur gloutonnerie , car ils se rendront compte jour après jour, que le monde s'adapte progressivement à d'autres formes d'énergies que la leur.

Esber

07 h 33, le 06 juin 2023

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Commentaires (2)

  • Comme si le baril autour de 80$ ne leur suffisait pas. Ils regretteront  leur gloutonnerie , car ils se rendront compte jour après jour, que le monde s'adapte progressivement à d'autres formes d'énergies que la leur.

    Esber

    07 h 33, le 06 juin 2023

  • Si on diminuait notre consommation de 1 litre par jour, ça lui en boucherait un coin au petit roitelet… ceci dit, je me demande si l’OPEP+ ne tombe pas sous le coup de la loi antitrust?…

    Gros Gnon

    06 h 35, le 06 juin 2023

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