Au moment où plusieurs médias annoncent l’imminence d’une entente entre les principales parties chrétiennes sur la candidature de Jihad Azour pour la présidence de la République, il est de nouveau question de l’initiative lancée par le vice-président de la Chambre Élias Bou Saab. Ce dernier cherche depuis plusieurs jours à rapprocher les points de vue entre les différents blocs politiques pour faciliter l’élection présidentielle. Au moment où il avait mis au point son projet, les différentes parties ne dialoguaient pas encore entre elles et il a donc choisi d’éviter le piège des noms pour parler d’un projet global, de nature à faciliter le processus électoral, mais aussi les premiers pas du nouveau mandat sur la base d’un programme précis.
Devant le groupe des « Indépendants pour le Liban » qui s’est entretenu avec lui la semaine dernière, Élias Bou Saab a exposé son projet consistant à étudier avec les parties concernées six points qui devraient constituer le cœur du programme du nouveau président, au moins au début de son mandat. Le premier point porte sur la nécessité de changer le gouverneur de la banque centrale et de s’entendre sur son successeur. Le deuxième sur la nécessité d’adopter la décentralisation administrative élargie. Le troisième point porte sur la nécessité d’ouvrir le débat sur l’adoption d’une stratégie de défense nationale. Le quatrième point concerne l’accord avec le FMI, le cinquième point porte sur la nécessité d’adopter une nouvelle loi électorale et le sixième sur les relations arabes et internationales du Liban.
Bou Saab, qui a soumis les six points à tous les groupes parlementaires et aux différentes parties politiques, a ensuite fait le bilan des résultats de ses contacts. Il estime ainsi que l’atmosphère générale est positive et que toutes les parties consultées ont reconnu que ces points sont les plus importants à l’heure actuelle. En gros, toutes les parties sont d’accord sur la nécessité de nommer un nouveau gouverneur de la banque centrale, dès la formation du gouvernement après l’élection présidentielle. C’est aux parties représentées au sein de ce gouvernement de choisir le successeur de Riad Salamé. Par contre, les divergences apparaissent lorsqu’on arrive à la décentralisation administrative prévue dans l’accord de Taëf. Le CPL et les FL veulent ainsi qu’une décentralisation financière soit aussi adoptée, ce qui fait que chaque région pourrait avoir son propre système de taxes et de facturation, alors que d’autres souhaitent qu’elle reste centralisée. Au sujet de la stratégie nationale de défense, Bou Saab affirme que le Hezbollah est ouvert à la discussion. « Il a sa vision et ses arguments et il est prêt à en débattre », dit-il. Tout comme, selon lui, le parti chiite est d’accord pour mener des négociations avec le FMI, qui devraient aboutir à un accord pour relancer l’économie du pays. Seul le point portant sur le changement de la loi électorale fait l’objet de conflits, notamment entre le camp du président de la Chambre et les parties chrétiennes. Berry et son camp voudraient élargir les circonscriptions électorales pour favoriser, comme ils le disent, l’interaction entre les différentes communautés, adoucissant ainsi le discours électoral, tout en se débarrassant du vote préférentiel, alors que les parties chrétiennes veulent au contraire maintenir telle quelle la loi de 2018.
Devant ses interlocuteurs, Bou Saab reconnaît que son initiative complète l’approche du président de la Chambre qui a toujours prôné un package complet qui non seulement faciliterait l’élection présidentielle, mais permettrait aussi au nouveau président de démarrer son mandat dans un climat d’entente et de productivité.
Les contacts effectués ont convaincu Bou Saab que l’opposition, sous toutes ses formes, veut dialoguer. « Mais dès qu’on aborde la question des noms, après en avoir fini avec les 6 points précités, les positions deviennent plus radicales », dit-il. Bou Saab reconnaît que jusqu’à ces derniers jours, il n’a pas pu dégager un seul nom qui pourrait être accepté par toutes les parties, ou même par l’opposition.
Selon lui, le nom de Jihad Azour est celui qui revient le plus souvent. Toutefois, jusqu’à il y a quelques jours, le chef du CPL disait que pour l’accepter ouvertement, il veut d’abord consulter le tandem chiite, car selon lui il ne faut pas amener à la présidence un candidat qui serait perçu comme un défi pour qui que ce soit. Pour lui, ce serait en effet ajouter un nouveau problème à tous ceux qui existent déjà, alors que l’élection présidentielle devrait être le point de départ des solutions. Cette approche a valu à Bassil les critiques des FL et de leur chef, qui reconnaissent qu’il y a une profonde crise de confiance entre eux et le chef du CPL. De son côté, lors de son passage au Liban, Jihad Azour a déclaré à Élias Bou Saab qu’il ne veut pas être élu contre la volonté des chiites. Il ne veut pas ainsi être un candidat de défi pour qui que ce soit. Cette attitude pourrait donc griller ses chances auprès de certaines parties de l’opposition, sans nécessairement lui gagner les faveurs du tandem chiite. Hier encore, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad a déclaré que si les parties chrétiennes devaient s’entendre sur la candidature de Jihad Azour, il s’agirait principalement d’une manœuvre destinée à éliminer du même coup Sleimane Frangié et M. Azour pour chercher un troisième candidat.
Tous ces développements montrent que, sauf imprévu régional ou international, l’élection présidentielle est encore lointaine. Or c’est justement ce que Bou Saab avait voulu éviter, en mettant en avant le programme plutôt que les noms. Toutefois, une question reste sans réponse : pourquoi, lorsqu’on parle de programme, les positions semblent proches, mais dès qu’on aborde les noms, les divergences deviennent profondes ?
Au moment où plusieurs médias annoncent l’imminence d’une entente entre les principales parties chrétiennes sur la candidature de Jihad Azour pour la présidence de la République, il est de nouveau question de l’initiative lancée par le vice-président de la Chambre Élias Bou Saab. Ce dernier cherche depuis plusieurs jours à rapprocher les points de vue entre les différents blocs...
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Le Liban : cas désespéré !
MALLAT Sabah
20 h 17, le 30 mai 2023