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Nos Lecteurs ont la Parole

Deux affirmations ne font pas une nation, comme deux négations ne forment pas une nation

Deux négations ne forment pas une nation, un sujet sur lequel j’ai déjà exprimé mon opinion par le biais d’un texte publié dans L’OLJ en date du 20 août 2020, « Le paradoxe du Liban, ou l’impossible laïcité ».

Aujourd’hui, essayons d’aborder le même sujet mais dans un sens inverse. Est-ce que deux affirmations peuvent former une nation ?

Les récents propos de Nagib Mikati sur le nombre de chrétiens en pourcentage de la population totale libanaise résidente, et j’insiste sur le qualificatif de résidente, n’est qu’un prélude à ce qui se trame au sujet de l’unité nationale issue de l’accord de Taëf signé en 1989 par un Parlement libanais à l’époque sans aucune représentativité. Une nouvelle unité nationale ou une Seconde République précédée par ce qu’on appelle communément le pacte national de 1943.

Bien que la qualité l’emporte sur la quantité. Bien que des voix louables se soient élevées contre les propos de M. Mikati, il va de soi de constater que le nombre des chrétiens au Liban subit un déclin ahurissant. 20 % ?

30 % ? Nul ne le sait. Mais nous demeurons, nous chrétiens, tous rites confondus, minoritaires. Ces voix qui se sont élevées font référence à l’accord de Taëf, prétendument le garant de la pérennité du Liban. Pour ces voix, la question de la représentativité au Liban est soudée et réglée depuis l’accord de 1989. On n’y touche plus. Affaire classée (« case closed »).

Mais on fait fausse route, car l’accord de Taëf est tout simplement caduc. Et ce principalement pour deux raisons :

1) L’accord de Taëf prévoyait le désarmement de toutes les milices. Or aujourd’hui, les armes du Hezbollah sont omniprésentes. Même si l’ennemi israélien s’est retiré depuis presque 23 ans.

2) L’accord de Taëf, bien qu’il ait contribué à faire taire les canons et arrêter les hostilités, n’a jamais conduit à une vraie réconciliation nationale. À une certaine paix des braves. Il n’y a jamais eu de pardon ou de demande de pardon. Comme ce qu’on a observé au Chili ou au Nicaragua. La preuve, les seigneurs de la guerre sont toujours actifs sur la scène politique depuis la fin de la guerre civile au lieu de se retirer une fois pour toutes.

Pour ces deux principales raisons –

il y en a bien d’autres –, l’accord de Taëf est donc caduc et mort-né. On ne peut pas y faire référence. Première affirmation qui ne tient pas la route. Alors qu’on arrête, nous chrétiens, de nous réfugier derrière un accord qui n’a aucun sens.

Deuxième affirmation qui ne tient pas la route non plus : la neutralité positive du Liban. Sujet cher au patriarche Raï. Minoritaires que nous sommes, nous chrétiens du Liban, nous appelons à la chimérique neutralité positive pour nous préserver une certaine place dans ce pays. Du pur défaitisme. Comme de celui de Michel Aflak qui appelait à l’époque à l’édification d’un État arabe uni et laïc par peur d’être englouti par une masse islamisante.

La neutralité positive est un vœu pieux, un rêve bien lointain qui jamais ne pourra se réaliser tant et aussi longtemps que la classe politique libanaise est inféodée aux puissances et aux interventions étrangères. Tant et aussi longtemps qu’il y a un État dans l’État.

Comme deux négations n’ont pas pu édifier une nation, deux affirmations ne le feront pas non plus. Et il n’est pas dit qu’on n’est pas à la porte d’un autre Taëf du genre, une Troisième République où il n’est nullement garanti que la présente structure issue de Taëf ne soit redessinée et que le prochain président soit chrétien maronite.

Montréal, Canada

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Deux négations ne forment pas une nation, un sujet sur lequel j’ai déjà exprimé mon opinion par le biais d’un texte publié dans L’OLJ en date du 20 août 2020, « Le paradoxe du Liban, ou l’impossible laïcité ».Aujourd’hui, essayons d’aborder le même sujet mais dans un sens inverse. Est-ce que deux affirmations peuvent former une nation ? Les récents propos de...

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