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Lifestyle - Documentaire

Les desseins refaits de Pamela Anderson

Longtemps considérée comme un objet (de désir), une propriété publique dont la presse machiste des années 90 et 2000 n’a cessé de déchiqueter l’intimité, Pamela Anderson prend enfin la parole et reprend possession du narratif de sa vie, à la faveur du documentaire « Pamela, A Love Story », disponible sur Netflix.

Les desseins refaits de Pamela Anderson

Pamela Anderson éblouissante dans la campagne Jacquemus de Noël. Photo Christophe Clovis. Stylisme Émilie Kareh

D’elle, on n’a retenu que la paire de seins (parfaits) refaits et la blondeur, refaite aussi ; la nudité à s’étouffer de beauté qu’elle a (de plein gré) déployée sur les couvertures de Playboy ou le long des plages de Malibu, dans le cadre de la série Baywatch dont elle reste sans doute l’ultime icône. D’elle, on n’a fait qu’une machine à faire bander, une blonde capable de rien d’autre qu’élever un taux de testostérone, une Barbie décérébrée, construite dans un laboratoire de Los Angeles. De sa vie privée, la presse a longtemps disposé comme d’une toilette publique. Guettant son intimité, la desquamant sans la moindre gêne, puis la jetant, après l’avoir déformée, sous la lumière crue. D’elle, on n’a célébré que l’emballage, que le corps, que le récipient. Ou, sinon, paradoxalement, on s’est « forcés » jusqu’au moindre recoin de ses jardins secrets, jusqu’au plus profond de son lit. Détruisant au passage la femme qui existe entre les deux. Objet d’abus ou d’adulation, symptôme frappant du machisme crasse des années 90 et 2000, Pamela Anderson a toujours été regardée et traitée comme une chose. En ce sens, c’est comme si sa vie et son corps, longtemps considérés comme propriétés publiques, ne lui ont jamais réellement appartenu. Mais à la faveur du documentaire Netflix Pamela, A Love Story, l’actrice et mannequin prend enfin la parole et reprend possession du narratif de sa vie qui lui avait échappé.

Pamela, A Love Story sur Netflix. Capture d’écran

Une survivante

Penser, après avoir regardé le documentaire en question, que Pamela Anderson est victime d’elle-même, de ses excès, serait totalement faux, d’autant plus que cela supposerait qu’elle est coupable ou condamnable pour ses choix. Au contraire, celle que son amie Vivienne Westwood comparait à « un mélange de Marylin Monroe et Brigitte Bardot » a, justement et simplement, vécu sa vie dans le sillage de ces deux légendes : comme l’on marche au cœur d’un volcan, avec rage, courage et une infinie liberté… Ce n’est pas pour autant que la « blonde la plus connue des dernières décennies » se positionne en victime des autres, soient-ils ses hommes, la presse ou la vie : « Je ne suis pas victime, non. Je suis juste une femme qui s’est mise dans des situations pas possibles, mais qui y a survécu », clôture-t-elle de la sorte le biopic qui lui est consacré et que son fils Brandon Thomas Lee a produit. Et pourtant, bien avant qu’elle ne se propulse elle-même dans la vie comme on saute dans le vide, Pamela Anderson a été trop tôt, et à maintes reprises, jetée dans le plus dur, le plus abject, le pire de la réalité.


Et c’est justement la maison de son enfance, à Ladysmith, sur son île natale de Vancouver au Canada, où elle vit depuis le confinement, qui sert de décor principal du documentaire. « C’est un lieu fou et qui fait remonter des traumas en moi, parce que c’est le lieu où s’est passée mon enfance. (…) Mais je reviens souvent ici quand j’ai besoin de réponses. Je repars toujours d’ici avec des réponses », dit-elle au début du documentaire où elle ne s’est jamais montrée aussi… nue. Dans cette maison, Pamela Anderson, dix ans, est agressée sexuellement par sa baby-sitter; à douze ans, violée par un homme de vingt-cinq ans, puis, à quinze ans, violée par une bande de mecs. Mais quand elle raconte cela aujourd’hui, un coup sur un tracteur-tondeuse, un coup au bord d’un lac impassible, elle semble enveloppée de quelque chose qui ressemble à de la sérénité. Une sérénité à laquelle elle arrive enfin, après un parcours dessiné en forme de montagnes russes et sur lequel le documentaire revient par le biais d’images d’archives qui nous plongent au cœur du showbiz américain des années 90 et 2000. On revoit Pamela Anderson qui débarque à Vancouver en 1988, puis qui est repérée sur l’écran d’un match de football américain. Visage de la mythique brasserie canadienne Labatt, le magazine Playboy la remarque et pas moins que Hugh Hefner l’invite à sa Playboy Mansion pour en devenir la playmate de février 1990. « Il m’a fallu littéralement dix minutes pour me retrouver à sauter toute nue dans le studio. C’était une libération », dit-elle aujourd’hui. La nouvelle recrue de Playboy n’a pourtant aucune idée qu’en choisissant seulement de poser nue, en ne faisant rien d’autre que de refaire sa poitrine, c’est le monde en entier, ses hommes et la presse en premier, qui s’autoriseront à en faire leur chose.

Pamela Anderson posant pour la campagne Jacquemus de Noël. Photo Cyril Moreau. Stylisme Émilie Kareh

La première sex tape virale

En 1992, elle est prise pour le rôle de CJ dans Baywatch, la première série télévisée américaine à rencontrer un succès mondial et qui suit le quotidien d’une brigade de sauvetage sur une plage de Malibu. Sauf qu’à chaque entretien télévisé, on préfère interroger Pamela Anderson sur sa plastique ou sa vie personnelle, sur « quand elle compte devenir une actrice sérieuse ? » ou, comme le lui demande Larry King, « tes seins, ils sont faux ? ». « C’est vrai que mes seins ont fait ma carrière à ma place. Mais cela autorise-t-il le monde à en prendre possession ? » se demande-t-elle en revoyant ces images, avec sa voix qui se froisse par moments.

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Enfermée donc dans son statut d’« incontrôlable bimbo bronzée et sans talent », Anderson accumule les mariages aussi rapides que les divorces, avant de rencontrer Tommy Lee, le sulfureux batteur du groupe Mötley Crüe, lors d’un séjour à Cancún, au Mexique, en 1995. Trois jours plus tard, Lee et Anderson se marient en maillot, sur le sable. Et dès lors, Anderson vit entre le marteau de Tommy Lee qui contrôle sa vie jusqu’à sa moindre réplique dans Baywatch, et l’enclume des paparazzis qui se déchaînent sur elle. En 1997, alors que leur fils aîné Brandon Lee a quelques mois seulement, un inconnu s’introduit dans la maison familiale et vole une sex tape d’Anderson et Lee qu’il fait circuler. C’est la première sex tape virale de l’histoire contemporaine et le peu d’intimité dont disposait encore Pamela Anderson lui file d’entre les mains.

Pamela Anderson, mannequin pour la campagne Jacquemus de Noël. Photo Christophe Clovis. Stylisme Émilie Kareh

Le couple a beau intenter un procès à celui qui distribuera le film par la suite, rien à faire. L’époque veut la tête des femmes libres et libérées. À partir de là, sur fond d’un divorce avec Lee et d’autres hommes qui occuperont sa vie en intermittence, on voit dans Pamela, A Love Story le dessein de la star que tout le monde, sauf elle, façonne à sa manière. Après avoir encensé ses formes et sa plastique, on ne lui propose plus que des rôles médiocres, et on piétine sa dignité partout dans les tabloïds. Elle devient ainsi le symbole de cette ère perdue du féminisme qu’étaient les années 90 et 2000. Pourtant, ce que l’on voit dans Pamela, A Love Story, c’est une femme qui ne s’est jamais recluse dans le giron des regrets ou de la victimisation. Une femme qui a vécu pour ses fils et les hommes de sa vie ; une femme qui s’est donnée pour la cause animale avec PETA et celle de l’écologie. Une femme qui, aujourd’hui, décide de rectifier le tir après la sortie du documentaire Pam & Tommy paru sans son accord, qui vient encore une fois déformer son dessein. Et, au bout de ces deux heures de documentaire, on finit par découvrir, en fait, une femme qui a réussi à se transformer en un si beau porte-étendard du féminisme…

D’elle, on n’a retenu que la paire de seins (parfaits) refaits et la blondeur, refaite aussi ; la nudité à s’étouffer de beauté qu’elle a (de plein gré) déployée sur les couvertures de Playboy ou le long des plages de Malibu, dans le cadre de la série Baywatch dont elle reste sans doute l’ultime icône. D’elle, on n’a fait qu’une machine à faire bander, une...

commentaires (1)

Tres bien ecrit cet article bravo Gilles et deux fois bravo Pamela

Zampano

20 h 03, le 27 février 2023

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Commentaires (1)

  • Tres bien ecrit cet article bravo Gilles et deux fois bravo Pamela

    Zampano

    20 h 03, le 27 février 2023

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