1648, le traité de Westphalie met fin à l’hégémonie du religieux dans les affaires politiques de l’Occident. 1948, exactement 300 ans plus tard, la création d’Israël, l’État juif, remet le religieux sur la scène politique de l’Orient et de l’Occident. Elle met fin, du fait même de sa nature d’État religieux, au traité de Westphalie et recrée un ordre antéwestphalien, ressemblant aux guerres de religion européennes d’antan.
Cette création d’un État religieux israélien pour les juifs incite à la transformation des États autour d’Israël. L’idée est de créer des États religieux, à l’image d’Israël, autant dans l’environnement immédiat d’Israël que dans son environnement lointain : État sunnite en Arabie saoudite, État chiite en Iran depuis 1979. Ainsi que de diviser l’Irak et la Syrie, de même que le Liban.
Suite à la guerre des Six-Jours de 1967, survint la destruction du nationalisme arabe, puis l’échec d’une tentative d’État chrétien au Liban durant la guerre civile, suivie d’une tentative de créer des cantons confessionnels au Liban. Plus tard, avec les guerres d’Irak et de Syrie, il y a eu la tentative de destruction des États laïcs syrien et irakien ainsi que de leur idéologie baasiste pour la remplacer par une idéologie islamiste totalitaire.
L’Occident se sent coupable de la Shoah et accepte le fait israélien. Il se soumet aussi à sa volonté via les lobbies israéliens en Occident, à tel point que l’on se demande si la politique extérieure américaine et européenne n’est pas faite à Jérusalem… et en fonction des intérêts propres d’Israël, c’est-à-dire la destruction de la laïcité et le maintien d’États religieux en perpétuel conflit. Ce qui reviendrait à terme à la destruction des principes fondamentaux westphaliens de l’Occident. Effet boomerang futur sur l’Occident, le mauvais génie étant sorti de sa boîte.
Les idées de Samuel Huntington dans son livre Le conflit des civilisations prennent un essor et « ben-ladisent » autant l’islam sunnite que son pendant totalitaire chiite.
Cette division politique de l’islam permet à Israël de dévier l’énergie sunnite anti-israélienne vers le pôle de son ennemi juré chiite. Cela inciterait à terme les sunnites arabes à faire la paix avec Israël, voyant que celui-ci est dans leur camp et lutte contre la mainmise chiite du moins militaire sur la Syrie et le Liban.
C’est dans ce contexte stratégique de création d’États religieux que l’on peut comprendre le scandale de l’Irangate en 1979 qui a vu les armes américaines transiter vers Israël pour être envoyées à l’Iran et renforcer sa révolution théocratique chiite contre le shah d’Iran.
Dans la Bible, Israël n’est pas sans savoir que c’est bien les Perses, avec Cyrus le Grand, qui ont libéré le peuple juif de son esclavage par Nabuchodonosor.
Ainsi la fonction iranienne fonctionne dans son antisunnisme et fait le jeu d’Israël dans son aspect de « déviation énergétique ».
Du point de vue des médias occidentaux, tout est fait pour dénoncer le « monstre » iranien et faire croire à une guerre d’Israël contre l’Iran. Guerre quasi ouverte depuis de nombreuses années et souvent anticipée par l’Occident, mais qui, finalement, n’a jamais eu lieu.
Au Liban, le chiisme politique a pris le dessus avec l’alliance des aounistes jusqu’à 2022 et empêche l’émergence d’un État libanais fort sous prétexte de la lutte contre Israël. Les « milices chiites » trahissent les accords de Taëf qui stipulaient la fin des milices afin que l’État libanais puisse se restaurer. Cette situation ne conduirait-elle pas à un divorce avec les chiites et donc à un éclatement politique de l’État libanais ? Cela ne ferait-il pas le jeu du sionisme ?
L’acceptation par le Hezbollah et Amal du dernier accord libano-israélien sur la délimitation des frontières maritimes démontre que leur opposition au sionisme, supposé le plus farouche et le plus extrémiste, ne serait qu’une façade. Jamais le Hezbollah n’obligea les dirigeants libanais à revoir la ligne maritime 23 envoyée à l’ONU en 2011 pour la remplacer par la ligne 29, mais aussi à rectifier auprès de l’ONU la position libanaise sur la base de la ligne 29, afin de négocier avec Israël sur une base plus avantageuse pour le Liban. Il est étonnant que le président chiite de la Chambre, pourtant farouche adversaire du sionisme, se soit opposé, par son accord-cadre avec les Américains, à toute rectification de la ligne maritime 23 dans l’intérêt du Liban. Pourtant c’était la bonne stratégie à partir de laquelle le Liban se devait de négocier.
S’agit-il de faire croire au monde que l’Iran et les chiites sont les ennemis jurés d’Israël ? Et du jour au lendemain de négocier avec ce dernier, le reconnaître indirectement, pour lui octroyer ce qui devait être libanais ?
Une mascarade ? Une hypocrisie ? Peut-être de la corruption ? L’avenir le dira.
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1648, le traité de Westphalie met fin à l’hégémonie du religieux dans les affaires politiques de l’Occident. 1948, exactement 300 ans plus tard, la création d’Israël, l’État juif, remet le religieux sur la scène politique de l’Orient et de l’Occident. Elle met fin, du fait même de sa nature d’État religieux, au traité de Westphalie et recrée un ordre antéwestphalien,...
commentaires (3)
Très pertinent. Une lucidité qui pousse à revoir et à réévaluer certains slogans qu'on nous a assénés depuis 1948.
Moussalli Georges
17 h 29, le 06 février 2023