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Nos Lecteurs ont la Parole

Des racines et des ailes

Des racines et des ailes

Mark Ralston/Archives AFP

Pourquoi les arbres ont-ils des racines ? Des racines qui s’ancrent au sol, s’opposent à l’enfoncement de l’être sous son propre poids et à son basculement sous l’effet des contraintes extérieures. Des racines qui s’établissent lentement, solidement, pour s’élever en un tout vers les cieux.

Des racines qui approvisionnent en eau, en amour et en minéraux. Des racines qui libèrent des branches dont le feuillage vole pour aller loin.

Et ces feuilles sont l’espoir des racines. Elles volent lorsqu’il est temps de partir, elles savent que rien ne sert de se cramponner en vain à un présent qui devient passé. Alors elles s’en vont, s’envolent et partent en essayant de ne pas trop verser de larmes.

Je pense que c’est parce qu’elles savent qu’elles reviendront. Un feuillage vert et luisant qui rayonnera de nouveau. Et même si elles ne seront pas exactement les mêmes, elles illumineront les branches sveltes, le tronc solide et les racines puissantes pour former un grand tout qui monte vers les cieux.

Des racines pour s’établir et des ailes pour voler haut et partir loin.

Des racines profondes pour me nourrir l’âme et des ailes puissantes pour m’en aller, car lorsqu’on a la rage de réussir, on ne peut pas rester ancré au même endroit pour toujours. Surtout lorsque le sol est sec et qu’il n’y a plus d’espoir, à part celui du feuillage qui reviendra lorsqu’il aura assez voyagé. Ce sol qui aurait dû être, qui aurait pu être, qui allait presque être. Presque.

Ce sol que j’adore et hais à la fois, avec qui j’ai toujours eu une relation tumultueuse et compliquée. Que je ne comprenais pas lorsque j’étais plus jeune, qu’on ne m’avait jamais vraiment expliqué. Pour lequel j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps lorsqu’on lui a fait du mal et qu’on l’a vendu à des traîtres. Ce sol que je n’ai pas su défendre lorsqu’il avait besoin de moi, et j’ai honte de me lamenter alors que je suis la raison de sa perte. Ce sol que je m’efforce de retrouver ailleurs, que je réussirai peut-être à oublier ou refaire.

Ce sol où se trouvent tous mes repères et toutes mes racines, pour lequel j’ai pleuré de nouveau lorsqu’il fallait le quitter. Ce sol avec qui j’aurais pu avoir mon histoire d’amour. Une histoire d’amour, une vrai, bercée par les odeurs du zaatar et du café serré noir, et par la voix de Téta qui arrive le dimanche matin pour déjeuner. Une histoire follement unique, imaginée sur des fonds superbes inspirés des plus beaux paysages. De Anfeh à Jezzine, de Tyr à Chekka, de Douma à Aanjar à la Békaa en passant par Aaqoura et Beyrouth. Du bleu, du vert, la douceur de la mer. Un sourire rieur, des montagnes, les pommiers. De la musique, des rues bondées pour les festivals en été mimant les rues de la capitale qui est, elle, animée toute l’année. Les klaxons insupportables et les couchers de soleil inoubliables.

Oui, une histoire follement unique et colorée, au fil de laquelle j’aurais grandi amoureuse, citoyenne, comblée.

Au lieu de cela, je n’ai eu que des « presque », pas de grande histoire, juste des étreintes fuyantes et des baisers volés lorsqu’on se retrouve une ou deux fois l’année durant les vacances, lorsque j’ai le temps d’y retourner.

Alors, des racines pour s’établir et des ailes pour voler haut et partir loin.

Des ailes aussi pour revenir vers une amie, un amant qu’on ne veut pas lâcher. Une histoire d’amour que j’aurais intitulée « Je ne te t’abandonnerai pas », qui aujourd’hui porte un autre nom, un autre titre : « Par amour, te quitter ».

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Pourquoi les arbres ont-ils des racines ? Des racines qui s’ancrent au sol, s’opposent à l’enfoncement de l’être sous son propre poids et à son basculement sous l’effet des contraintes extérieures. Des racines qui s’établissent lentement, solidement, pour s’élever en un tout vers les cieux. Des racines qui approvisionnent en eau, en amour et en minéraux. Des racines qui...

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