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Campus - PUBLICATION

Un premier manuel en langue arabe sur le handicap au Liban

En collaboration avec le Conseil des églises du Moyen-Orient, Fadi el Halabi, psychothérapeute et directeur exécutif de l’ONG EDAN au Liban, souhaite changer le regard sur le handicap et en finir avec des « croyances limitantes ».

Un premier manuel en langue arabe sur le handicap au Liban

Fadi el Halabi lors du lancement de l’ouvrage, le 16 décembre dernier à l’Université antonine. Photo DR

C’est un message fort que cet ouvrage envoie aux universités afin de les inciter à prendre en charge la problématique du handicap au Liban et dans le monde arabe. Lancé par Fadi el Halabi, psychothérapeute et directeur exécutif de l’ONG EDAN (Ecumenical Disability Advocates Network), en collaboration avec des auteurs venant de plusieurs universités privées et publiques au Liban, le premier manuel collectif en langue arabe sur le handicap vient de voir le jour. Publié aux éditions Dar Saer el-Machrek sous le titre La question du handicap dans le monde arabe : une carte de route vers l’avenir (traduction de l’arabe), l’ouvrage traite de thèmes qui n’ont jamais été abordés auparavant au Liban comme la citoyenneté et le handicap, l’art, l’inclusion, la vie sexuelle des personnes à déficience intellectuelle. Il comprend également une étude de textes religieux.

Ce manuel a été lancé lors d’un événement organisé le 16 décembre dernier à l’Université antonine, incluant deux tables rondes, couvrant plusieurs aspects du livre dont la dimension citoyenne, le développement économique, mais également les médias, l’art et la religion. Au cours de ce lancement, des intervenants en provenance de divers secteurs ont commenté et critiqué l’ouvrage.

Préfacé par Jean-Sébastien Morvan, psychothérapeute français spécialiste du handicap, le manuel comporte 27 chapitres académiques et est divisé en trois parties : une première partie liée à la terminologie, aux modèles du handicap, à l’anthropologie, l’historique et la représentation sociale ; une partie thématique qui couvre divers secteurs ; et finalement une troisième partie religieuse. « Le manuel comprend des textes sur le design inclusif pour les architectes. Pour les journalistes, il y a un texte sur comment aborder le handicap de manière plus inclusive et des textes relatifs à la philosophie, la psychologie, l’éducation, le sport, l’art, etc. », indique Fadi el Halabi. Parmi les collaborateurs, figurent feu le professeur Antoine Romanos et le professeur Joseph Abdel Sater qui « a passé des heures à revoir la terminologie et que je tiens à saluer publiquement », souligne-t-il, en précisant : « Les textes ont été écrits par des gens crédibles comme l’évêque progressiste Antoine Aukar et Nayla Tabbara de la Fondation Adyan qui a écrit sur l’islam. »

La partie religieuse fait preuve de courage. Elle revoit les textes religieux qu’ils soient chrétiens ou musulmans, « pour aborder le handicap autrement et pour aller au-delà des stéréotypes et des croyances limitantes par rapport au handicap », comme le précise Fadi el Halabi. Le nouveau regard qu’elle offre est important pour une société comme la nôtre « qui est encore influencée par la religion ». « Si on n’incite pas les institutions religieuses à changer leurs discours, cela va reproduire la même mentalité », explique encore Fadi el Halabi, en ajoutant : « L’institution religieuse fait partie d’une culture ambiante qui voit les personnes ayant des handicaps comme des gens démunis, envers lesquels il faut exercer la charité, au lieu de les percevoir comme des gens qui sont capables, qui ont leur potentiel, leurs contributions, leurs talents et leurs rêves. »

L’objectif de cet ouvrage n’est donc pas uniquement de couvrir un manque par rapport aux publications existantes, mais d’inciter les universités au Liban et dans le monde arabe à créer des centres d’études sur le handicap (Disability Studies Centers) qui publieraient des articles scientifiques et des recherches pour alimenter les juristes et les législateurs. « Les universités doivent jouer ce rôle; qui peut se projeter dans l’avenir et le créer si ce n’est les universités? C’est leur rôle essentiel de nourrir notre pensée et notre manière de voir les choses et d’agir, en se basant sur des études scientifiques, objectives et prévoyantes, afin d’améliorer la vie de toutes les personnes et non uniquement celle des personnes ayant des handicaps », estime Fadi el Halabi.

« La question du handicap dans le monde arabe : une carte de route vers l’avenir » (traduction de l’arabe) traite de thèmes qui n’ont jamais été abordés auparavant au Liban tels que la citoyenneté et le handicap, l’art, l’inclusion, la vie sexuelle des personnes à déficience intellectuelle. Il comprend également une étude de textes religieux…

Briser les barrières

Se référant à la convention sur les personnes ayant des handicaps lancée par les Nations unies en 2006, l’ouvrage inclut tout genre de handicaps, et comprend une terminologie à la fois politique et juridique. « Il faut mentionner la personne avant de mentionner son handicap pour ne pas la réduire à cela. La personne, c’est une valeur au-delà de tout handicap », insiste Fadi el Halabi, qui trouve que « notre définition du “handicap” au Moyen-Orient est encore limitante ». Et d’expliciter : « On est limité au cadre du handicap classique qui est physique, sensoriel, auditif et mental, alors que le handicap doit inclure les personnes autistes, les survivants au cancer, il peut inclure la fatigue chronique et comprendre beaucoup de spectres et de problèmes psychologiques comme la dépression et l’anxiété. »

Selon les études, les personnes ayant des handicaps représenteraient 15 % de la population mondiale. Dans le monde arabe, ce chiffre varie entre 2 et 5 %, car il dépend de la définition du mot handicap. Étant donné que celle-ci est encore restreinte dans la région, ce pourcentage demeure en deçà de la réalité, alors qu’avec une définition plus large qui inclut le visible et l’invisible comme le handicap psychosocial et tout autre genre de handicap, il atteindrait les 15 % dans la région. « Le handicap n’est pas dans la personne, mais dans les barrières qui sont mises en face d’elle. Il y a des barrières physiques, environnementales, au niveau de la communication et de la technologie, mais surtout il y a des barrières au niveau des attitudes de ceux qui ont peur de la différence. Il y a également les barrières institutionnelles où des discriminations ont lieu dans plusieurs domaines qu’ils soient scolaires, au travail ou même relatifs à la vie publique et politique », note Fadi el Halabi.

Le mouvement du handicap est pourtant bien vivant au Liban

Depuis les années 80, de nombreuses personnes au Liban ont élevé leur voix pour la cause du handicap afin de faire évoluer les mentalités et créer une société inclusive. La loi 220/2000, promulguée en 2000, a constitué un succès pour le mouvement du handicap au Liban. « C’est la première loi sur les personnes ayant des handicaps au Liban. Malheureusement, elle n’a pas été appliquée comme il faut, parce qu’il n’y a pas de volonté politique de prendre cette cause en charge et d’établir une stratégie et une politique claire à ce niveau-là », dénonce Fadi el Halabi. Une situation peut-être appelée à changer, puisqu’en avril 2022, le Liban a signé et ratifié la convention internationale sur les personnes ayant des handicaps. Il est donc dans l’obligation aujourd’hui de revoir la loi 220/2000 et de s’assurer qu’elle est alignée avec cette convention, plus large et plus inclusive.

C’est un message fort que cet ouvrage envoie aux universités afin de les inciter à prendre en charge la problématique du handicap au Liban et dans le monde arabe. Lancé par Fadi el Halabi, psychothérapeute et directeur exécutif de l’ONG EDAN (Ecumenical Disability Advocates Network), en collaboration avec des auteurs venant de plusieurs universités privées et publiques au Liban, le...

commentaires (1)

A lire ce texte j'en ai a chair de poule et les larmes aux yeux, chapeau bas à vous Monsieur Fadi El Halabi, vous dites tres haut ce que j'ai toujours pensé en silence... Enfin ! des personnes comme vous sensibles, humaines qui comprennent les souffrances silencieuses des personnes handicapées ; au Liban et ailleurs aussi, aux yeux des gens avoir un handicap physique ou moral est une tare... la tare ce sont ces gens là qui l'ont, je sais de quoi je parle, je suis émue à vous lire Monsieur El Halabi et je vous souhaite une bonne continuation et je pense qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine, c'est une première au Liban, mon pays natal, vaut mieux tard que jamais, j'espère en apprendre davantage sur vos projets , encore bravo Monsieur, Nada Lourdelle

Lourdelle Bernard

17 h 22, le 06 janvier 2023

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Commentaires (1)

  • A lire ce texte j'en ai a chair de poule et les larmes aux yeux, chapeau bas à vous Monsieur Fadi El Halabi, vous dites tres haut ce que j'ai toujours pensé en silence... Enfin ! des personnes comme vous sensibles, humaines qui comprennent les souffrances silencieuses des personnes handicapées ; au Liban et ailleurs aussi, aux yeux des gens avoir un handicap physique ou moral est une tare... la tare ce sont ces gens là qui l'ont, je sais de quoi je parle, je suis émue à vous lire Monsieur El Halabi et je vous souhaite une bonne continuation et je pense qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine, c'est une première au Liban, mon pays natal, vaut mieux tard que jamais, j'espère en apprendre davantage sur vos projets , encore bravo Monsieur, Nada Lourdelle

    Lourdelle Bernard

    17 h 22, le 06 janvier 2023

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