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Politique - Décryptage

Rencontre MBS-Mikati : un changement dans la forme, pas sur le fond

Lentement mais sûrement, le président du Conseil démissionnaire est en train d’avancer ses pions et de s’imposer, sur une scène sunnite en plein désarroi, comme un acteur incontournable. Celui qui n’était en 2005 qu’un Premier ministre provisoire, pour un gouvernement de transition chargé d’organiser les élections législatives de cette année-là, et qui a repris les rênes de l’exécutif en 2011 après la démission spectaculaire de Saad Hariri suite à celle des ministres chiites, puis en 2021, dans une situation assez confuse et complexe, est désormais une des rares figures sunnites acceptées de pratiquement toutes les parties... ou presque. Cela n’a pas été atteint sans mal, surtout que Nagib Mikati a accepté d’être désigné pour former le gouvernement dans des périodes difficiles de la vie politique, encaissant les coups, tout en donnant le sentiment d’être là en attendant que l’occupant « naturel » du poste de président du Conseil soit prêt à revenir sur la scène.

Aujourd’hui, de l’avis de tous les observateurs, l’homme est devenu pratiquement lui aussi un « président du Conseil naturel », pour la phase actuelle et même pour la période à venir. Ce nouveau statut a été consacré par l’audience de 30 minutes que lui a accordée le prince héritier d’Arabie Mohammad ben Salmane, en marge du sommet sino-arabe samedi à Riyad. En effet, à plusieurs reprises déjà, Nagib Mikati avait sollicité des entretiens avec les dirigeants saoudiens, mais ce n’est que la semaine dernière qu’il a été reçu par le prince héritier, dans une consécration flagrante de son rôle sur la scène sunnite libanaise. Cette rencontre a d’ailleurs suscité l’intérêt de toutes les parties politiques locales. Celles-ci se sont immédiatement demandé quelle est sa portée et dans quelle mesure elle annonce un changement dans la politique saoudienne au Liban qui, depuis la fin de l’épisode de la démission forcée de Saad Hariri depuis Riyad en novembre 2017, est marquée par le désintérêt, avec toutefois une connotation négative. Nagib Mikati lui-même avait d’ailleurs déclaré à ses proches après les salutations rapides qui avaient eu lieu entre lui et l’émir en marge du sommet de Charm el-Cheikh, il y a quelques semaines, que les dirigeants saoudiens se désintéressent actuellement du Liban. Quelques jours plus tard, il recevait une invitation à participer au sommet entre la Chine et les États arabes à Riyad. Cela aurait pu passer par une invitation de pure forme... jusqu’à l’audience qui lui a été accordée par l’homme fort du royaume saoudien. Contrairement à ce qui a été dit dans certains médias, le prince héritier n’a pas reçu en audience privée tous les participants à ce sommet. Même si aucune photo de la rencontre entre l’émir Mohammed ben Salmane et le Premier ministre libanais n’a été publiée pour officialiser l’information, cette rencontre n’en est pas moins une victoire personnelle qui se résume à la reconnaissance de son rôle, non seulement en tant que président du Conseil, mais aussi sur la scène sunnite. Surtout lorsqu’on la compare au fait que l’an dernier, Nagib Mikati avait eu des problèmes pour obtenir un visa qui devait lui permettre de faire le pèlerinage de La Mecque.

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Mais peut-on pour autant dire que cette rencontre marque un changement dans la politique saoudienne à l’égard du Liban ? Des sources proches du Sérail précisent que cette rencontre marque essentiellement le début du dégel dans les relations entre Beyrouth et Riyad. Mais il ne faut pas pour autant lui donner plus d’importance qu’elle n’en a. D’ailleurs, selon les mêmes sources, au cours de cet entretien, Mohammad ben Salmane a rappelé que le royaume aide en cette période précise le Liban sur le plan humanitaire, en coopération avec la France. Pour le moment, il n’est donc pas question d’élargir le domaine des aides saoudiennes, ni de laisser le royaume s’impliquer davantage dans les affaires libanaises. Le communiqué publié à l’issue de cette rencontre est d’ailleurs explicite sur la demande adressée au Liban d’imposer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire et d’empêcher tout ce qui peut nuire au royaume saoudien. Sans que cela soit dit clairement, il apparaît ainsi que la position du royaume à l’égard du Liban reste inchangée : il faudrait réduire l’influence du Hezbollah pour que l’Arabie s’implique plus profondément au Liban. Or, jusqu’à présent, on ne peut pas dire que Nagib Mikati a œuvré à réduire l’influence du Hezbollah au Liban. Bien au contraire, les derniers développements sur le plan gouvernemental montrent qu’il y avait une sorte de coordination tacite entre le président du Conseil et le tandem chiite (Amal et le Hezbollah) contre le Courant patriotique libre. De même, si les développements à venir imposent une nouvelle réunion du Conseil des ministres, Nagib Mikati ne la décidera pas sans avoir obtenu l’accord des deux formations chiites, sans lesquelles il ne peut pas y avoir de quorum ministériel, face à la position des ministres proches du CPL. Pour toutes ces raisons, on ne peut pas conclure que la rencontre entre MBS et le Premier ministre désigné marque un changement dans la politique saoudienne à l’égard du Liban. Le pays reste donc tributaire de facteurs qui dépassent Nagib Mikati et les autres composantes libanaises. Mais, de l’avis des sources précitées, elle constitue certainement un changement d’approche de la part du royaume à l’égard de M. Mikati et de son rôle sur la scène sunnite.

Lentement mais sûrement, le président du Conseil démissionnaire est en train d’avancer ses pions et de s’imposer, sur une scène sunnite en plein désarroi, comme un acteur incontournable. Celui qui n’était en 2005 qu’un Premier ministre provisoire, pour un gouvernement de transition chargé d’organiser les élections législatives de cette année-là, et qui a repris les rênes de...

commentaires (2)

Mikati est un caméléon qui change de couleur pour contenter tout le monde. Il y réussit bien…sauf avec Bassil, qui veut tout pour lui-même et qui se veut le seul représentant des chrétiens. Chimères que tout celà. Lorsqu’il était en force au Pouvoir, lui et son beau-père ont fortement prêché la haine du Sunnite et ont mis les chrétiens sous la dépendance et la botte des chiites. Les chrétiens ont toujours soutenu l’Etat et non la milice sectaire illégale. Le CPL a malgré ses discours trompeurs, tout donné à Nasrallah. Toutcelà par goût immodéré du Pouvoir et de ses avantages matériels. Aujourd’hui le CPL se retrouve seul…entre les mains d’un ogre surarmé et vendu, qui veut modifier le vrai visage de notre pays.

Goraieb Nada

09 h 28, le 15 décembre 2022

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Commentaires (2)

  • Mikati est un caméléon qui change de couleur pour contenter tout le monde. Il y réussit bien…sauf avec Bassil, qui veut tout pour lui-même et qui se veut le seul représentant des chrétiens. Chimères que tout celà. Lorsqu’il était en force au Pouvoir, lui et son beau-père ont fortement prêché la haine du Sunnite et ont mis les chrétiens sous la dépendance et la botte des chiites. Les chrétiens ont toujours soutenu l’Etat et non la milice sectaire illégale. Le CPL a malgré ses discours trompeurs, tout donné à Nasrallah. Toutcelà par goût immodéré du Pouvoir et de ses avantages matériels. Aujourd’hui le CPL se retrouve seul…entre les mains d’un ogre surarmé et vendu, qui veut modifier le vrai visage de notre pays.

    Goraieb Nada

    09 h 28, le 15 décembre 2022

  • En résumé, pour Madame Haddad les seuls acteurs de la vie politique libanaise sont le tandem chiite, le CPL et Nagib Mikati. Un journaliste se doit d’informer même si c’est par son prisme. En revanche un journaliste n’a pas le droit de négliger une grande composante des citoyens et notamment des lecteurs de l’OLJ qui sont des patriotes libres de leurs opinions et de leurs mouvements et surtout souverains pour leur patrie.

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 45, le 15 décembre 2022

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