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Moyen-Orient - Éclairage

Un mafieux italien arrêté grâce à des jihadistes syriens ?

Bruno Carbone, 45 ans, un trafiquant de drogue napolitain a été arrêté à Dubaï selon les autorités italiennes. Le groupe jihadiste HTC affirme, lui, être à l’origine de sa capture à Idleb en mars dernier. 

Un mafieux italien arrêté grâce à des jihadistes syriens ?

Capture d'écran des déclarations du ministre de l'Intérieur du Gouvernement du salut syrien, Mohammad Abdel Rahmane, concernant l'arrestation du mafieux et trafiquant de drogue Bruno Carbone à Idleb.

Cela aurait été la planque idéale. Une zone où personne, à commencer par le régime, ne viendrait lui chercher des noises et où il aurait pu mettre ses « talents » à profit. Le mafieux italien et « broker » privilégié de certains clans de la Camorra napolitaine, Bruno Carbone, aurait cherché à se faire discret en Syrie, et plus précisément dans les zones progouvernementales. Ce scénario rocambolesque, digne des plus grandes série sur Netflix, est cependant contesté.

L’homme de 45 ans était en cavale depuis 2003 après avoir été condamné par contumace à 20 ans de réclusion par la justice italienne, reconnu coupable de trafic international de drogue. Bras droit de Raffaele Imperiale, le « boss » d’un gang de la Camorra arrêté en 2021, Bruno Carbone était chargé des relations avec les cartels colombiens et distribuait de la drogue à divers clans de la mafia napolitaine. En 2018, la direction antimafia avait saisi 240 000 euros en espèces chez son ex-femme, en Campanie (sud-ouest de l’Italie).

Le 15 novembre, sa cavale s’achève. La presse italienne relaie sont arrestation à Dubaï par les carabiniers de la cellule d’enquête de Naples, alors qu’il est en possession d’une fausse carte d’identité. Extradé le jour même en Italie, il est arrêté à Rome dès sa descente d’avion. C’est du moins la version officielle des autorités italiennes.

L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais un gouvernement non reconnu par la communauté internationale revendique depuis la paternité de l’arrestation. Car quelques heures à peine après l’annonce italienne, le compte Telegram officiel des forces de sécurité intérieure de la région d’Idleb contrôlée par Hay’at Tahrir al-Cham (HTC) – ex-branche d’el-Qaëda en Syrie – annonce qu’elles ont procédé à l’arrestation de « l’un des plus grands trafiquants de drogue au monde ». Les forces de sécurité affirment que Bruno Carbone a quitté l’Europe pour la Turquie en se faisant passer pour un ressortissant russe, puis serait entré dans le Nord-Ouest syrien où il aurait été arrêté en mars 2022. Le fugitif aurait été « interrogé durant des mois » par les forces de sécurité et le ministère de l’Intérieur du gouvernement de salut syrien (soutenu par HTC) avant d’être « remis aux autorités de son pays, avec les efforts du médiateur turc ». Carbone se serait présenté devant les Syriens comme un Mexicain fuyant son pays pour avoir géré un trafic de montres de luxe. Selon le communiqué du porte-parole des services de sécurité intérieure de HTC, Diya’ el-Omar, Bruno Carbone considérait les zones du régime « comme le meilleur refuge à l’abri des lois », où il « pouvait se rapprocher d’une source (de production) majeure de drogue dans le monde ».

Bruno Carbone était recherché par Europol depuis 2003. Photo Europol

Coopération

Ces révélations font boule de neige sur les réseaux sociaux le 15 novembre, mais le soir-même, le ministre italien de la Justice Carlo Nordio réaffirme la version officielle et remercie les Émirats arabes unis. « Cette dernière arrestation témoigne d’une consolidation des relations de coopération judiciaire entre l’Italie et les Émirats arabes unis. Ces derniers temps, les relations – également grâce aux accords bilatéraux en vigueur – se sont considérablement intensifiées. Plusieurs cas récents le prouvent. Pour ce nouvel élan, je tiens à remercier mon homologue émirati Abdallah al-Nouaïmi », déclare le ministre.Carbone aurait passé une grande partie de son temps en tant que fugitif à Dubaï. C’est d’ailleurs la-bas que les autorités italiennes ont cru retrouver sa trace en décembre 2020. À l’époque, les EAU annoncent l’arrestation d’un homme d’affaires napolitain, avant de se rendre compte de la méprise. Celui-ci sera libéré après avoir passé 32 jours en prison. Les autorités émiraties ont par ailleurs arrêté à Dubaï en août 2021 le patron de Carbone, Raffaele Imperiale, recherché depuis 2016. Le penchant du mafioso pour les belles choses avait été découvert lors d’une descente de la police dans sa cachette dans le village de Castellamare di Stabbia, près de Pompéi, ou deux tableaux de Van Gogh qui avaient été volés dans un musée d’Amsterdam avaient été retrouvés.

Sachant sa cache compromise depuis sa « fausse » arrestation et celle de son « capo » un an plus tard, Bruno Carbone aurait-il décidé à ce moment-là de rejoindre la Syrie, d’où il aurait été compliqué de l’extraire ? Son avocat – et par ailleurs celui de Raffaele Imperiale – n’a pas été en mesure de répondre aux sollicitations de L’OLJ.

Mise en scène

Pour Rome, la version de l’arrestation de Bruno Carbone en Syrie par un groupe jihadiste, considéré par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et la Turquie comme terroriste, a de quoi créer un malaise. Comment reconnaître avoir négocié l’extradition de son ressortissant avec une telle autorité, même s’il se pourrait que celle-ci ait été rendue possible grâce à l’intervention d’Ankara. Aucun démenti n’a pour l’heure été apporté par les autorités italiennes.

Pour renforcer leur récit, le ministre de l’Intérieur du Gouvernement du salut syrien Mohammad Abdel Rahmane, est apparu mercredi dans une vidéo à la mise en scène digne du FBI, en projetant la photo de Bruno Carbone en costume rayé de bagnard. Rien n’indique cependant que ce cliché est authentique. « Après avoir collecté les preuves, le ministère a commencé à travailler sur les procédures en vue de remettre le criminel au gouvernement de son pays », déclare le ministre, et remercie ensuite la « partie turque » pour avoir facilité l’opération. Les autorités turques n’ont pas commenté ces déclarations.Pour HTC cette capture est présenté comme un coup de maître. Ses canaux de communication évoquent « un succès sécuritaire et politique majeur pour l’autorité dans les zones libérées (du régime syrien) ».

« Les autorités italiennes et émiraties ont pu arrêter 34 personnes issues de ce gang mafieux, mais “Bruno” reste le chaînon le plus important et manquant », et cette arrestation est la « scène finale de ce gang, dénouée par les services de sécurité à Idleb », a appuyé le porte-parole précité, Diya’ el-Omar. Contacté par notre journal, le chargé de communication de HTC s’est contenté de renvoyer au communiqué du ministère de l’Intérieur. Le groupe jihadiste cherche, depuis quelques années, à redorer son image, à faire changer les opinions locales et internationales, en reniant son ancienne affiliation à el-Qaëda. L’an dernier, le leader de HTC, Abou Mohammad al-Jolani, avait multiplié les apparitions publiques notamment aux côtés du journaliste américain Martin Smith.

Cela aurait été la planque idéale. Une zone où personne, à commencer par le régime, ne viendrait lui chercher des noises et où il aurait pu mettre ses « talents » à profit. Le mafieux italien et « broker » privilégié de certains clans de la Camorra napolitaine, Bruno Carbone, aurait cherché à se faire discret en Syrie, et plus précisément dans les zones progouvernementales. Ce...

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Aucun rapport avec la mafia israélienne de la taxe Carbone…

Gros Gnon

13 h 43, le 18 novembre 2022

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Commentaires (1)

  • Aucun rapport avec la mafia israélienne de la taxe Carbone…

    Gros Gnon

    13 h 43, le 18 novembre 2022

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