Ce qu’il faut savoir de l’attaque contre un pétrolier israélien

Les faits

- Vers 15h30 ce mardi, le pétrolier Pacific Zircon a été touché par un projectile au large de la côte de Oman, a indiqué le transporteur Eastern Pacific Shipping, propriétaire du navire.

- Selon Samir Madani, cofondateur du site TankerTrackers.com, spécialisé dans le transport maritime, le bateau transportait 42 000 tonnes métriques de gazole destinées à Buenos Aires.

- L’incident n’a causé aucune victime ni provoqué de fuite de carburant dans la mer, mais des dommages mineurs ont été constatés sur la coque du navire, a précisé la compagnie propriétaire basée à Singapour.

- La société de transport appartient au milliardaire israélien Idan Ofer. Selon une enquête de 2019 révélée dans l’émission de télévision israélienne « Uvda », l’homme d’affaires aurait payé en 2014 une société d’espionnage afin de traquer « légalement » des informations sur le ministère israélien des Finances, géré à l’époque par Yaïr Lapid, dans le but d’influencer à son avantage les politiques fiscales.

- Le pétrolier, situé à environ 240 kilomètres de la côte de Oman, aurait été visé par des « drones » similaires à « ceux que les Iraniens vendent à la Russie pour être utilisés en Ukraine », a affirmé un responsable israélien sous couvert d’anonymat. « Cela est une provocation iranienne », a-t-il ajouté, estimant que l’incident était destiné à « perturber » la tenue de la Coupe du monde de football qui débute dimanche au Qatar, mais qu’elle ne représentait pas une « victoire iranienne » sur Israël.

- La Ve flotte des États-Unis, basée non loin de là à Bahreïn, a affirmé être « au courant de l’incident », et l’organisation militaire britannique United Kingdom Maritime Trade Operations a, elle, déclaré à l’agence Associated Press que celui-ci faisait « l’objet d’une enquête en ce moment ».

- Les Etats-Unis ont condamné mercredi l'attaque d'un pétrolier la veille au large d'Oman, qu'ils ont attribuée à l'Iran dans un communiqué du conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan. "Après examen des informations disponibles, nous sommes convaincus que l'Iran a mené cette attaque au moyen d'un drone".

- Silence radio du côté de Téhéran qui n’a pas encore réagi aux soupçons qui pèsent sur sa responsabilité.

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Le contexte

- Cette attaque intervient dans un climat de tensions entre la République islamique et l’État hébreu, deux grands ennemis dans la région qui se livrent depuis des années à une guerre de l’ombre sur fond de développement du programme nucléaire iranien.

- Dans ce bras de fer, plusieurs attaques de drones imputées à l’Iran ont déjà visé des navires associés à Israël qui circulent dans la région. La dernière en date remonte au 29 juillet 2021, contre un navire battant pavillon japonais mais géré par une société dirigée par un homme d’affaires israélien, entraînant la mort de deux membres d’équipage. « Nous ne pouvons jamais rester silencieux face au terrorisme iranien, qui nuit également à la liberté de navigation », avait alors déclaré l’ancien Premier ministre israélien par intérim Yaïr Lapid. La République islamique avait fermement démenti avoir un quelconque lien avec l’attaque. Celle-ci faisait néanmoins suite à celle qui a coulé le Kharg le 2 juin 2021, le plus grand navire de guerre iranien, blessant 33 personnes à bord et provoquant une vaste pollution de pétrole dans la mer.

- L’attaque contre le Pacific Zircon a lieu quelques jours après l’interception dimanche dans le Golfe d’Oman par la US Navy d’un bateau rempli de substances pouvant servir à fabriquer du carburant pour une dizaine de missiles balistiques, ainsi que des explosifs en provenance d’Iran et empruntant un itinéraire généralement utilisé par les rebelles houthis, soutenus par Téhéran dans le conflit au Yémen qui dure depuis 2014.

- Dans le contexte des manifestations qui agitent l’Iran depuis tout juste trois mois après la mort de la jeune Mahsa Amini pour port « inapproprié » du voile, les négociations de Vienne en vue d’un retour sur l’accord nucléaire de 2015, dont Donald Trump s’était retiré unilatéralement en 2018, sont au point mort.

- Les dernières élections législatives, tenues en Israël le 1er novembre dernier, ont en outre mené à la désignation dimanche de Benjamin Netanyahu pour former un nouveau gouvernement qui devrait intégrer des figures de poids de l’extrême droite, tenante d’une ligne dure contre l’Iran.

Les enjeux

- Israël, qui considère l’Iran comme une menace existentielle, cherche depuis plusieurs années à former des partenariats dans le Golfe pour consolider un front anti-iranien, comme en témoignent les accords d’Abraham signés en 2020. Joe Biden a laissé comprendre lors de son passage dans la région cet été que Washington soutenait la création d’une architecture de sécurité régionale incluant l’État hébreu pour faire face à la menace iranienne, qui passe par des supplétifs régionaux. L’inclusion de figures d’extrême droite dans le gouvernement israélien pourrait néanmoins contrarier ces ambitions.

- Les États-Unis et plusieurs pays du Golfe dénoncent régulièrement les agissements de Téhéran dans cette zone maritime particulièrement stratégique, voie de navigation quasi-exclusive pour connecter les pétromonarchies aux marchés extérieurs. Au début du mois, l’Arabie saoudite avait transmis des informations aux États-Unis quant à de potentielles attaques imminentes de l’Iran sur le royaume ou sur Erbil, au Kurdistan irakien, visant à détourner l’attention des protestations en Iran.

- L’incident pourrait faire craindre un risque d’escalade, alors qu’une réactivation de l’accord sur le nucléaire semble de moins en moins probable. Les revendications de Téhéran sont toujours considérées comme maximalistes, tandis que des concessions à la République islamique en pleine répression d’un soulèvement populaire seraient difficiles à justifier.