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Monde - Migration

Le long de l’Évros, la nudité cache plus qu’elle ne montre

À la frontière fluviale entre la Grèce et la Turquie, les demandeurs d’asile sont balancés de Charybde en Scylla, sous le regard consentant de l’Union européenne.

Le long de l’Évros, la nudité cache plus qu’elle ne montre

Des policiers grecs patrouillant le long d’une clôture en acier le long du fleuve Évros, la frontière fluviale entre la Grèce et la Turquie, près du village de Poros, le 8 juin 2021. Sakis Mitrolidis/AFP

Ce sont des corps serrés les uns contre les autres, ornés de hauts roseaux, chacun masquant comme il le peut sa nudité de ses mains devant l’objectif d’une caméra impudique. Ce sont des hommes provenant en majorité d’Afghanistan et de Syrie qui ont misé sur l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure et y sont arrivés déshumanisés. La photo montre 92 hommes dévêtus retrouvés par la police hellénique sur les rives grecques du fleuve Évros. Le ministre grec de la Migration et de l’Asile, Notis Mitarachi, l’a fait circuler sur son compte Twitter le 15 octobre en accusant la Turquie d’être « une honte pour la civilisation ». Niant toute implication, le principal porte-parole de la présidence turque, Fahrettin Altun, a répondu en condamnant la « machine à fake news grecque ».

Et les autorités des deux pays membres de l’OTAN, entre lesquels les tensions se sont récemment exacerbées sur fond d’accusations réciproques de violations de l’espace aérien et des eaux territoriales, de se renvoyer la balle pour savoir qui a dénudé ces hommes. C’est que cette mise à nu permet paradoxalement de masquer les failles de leurs politiques migratoires respectives en termes de respect des droits humains.

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Hasard du calendrier ? La veille de la publication de cette image, les médias Der Spiegel et Lighthouse Report ont ainsi rendu public le rapport réalisé en février 2022 par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Celui-ci confirmait officiellement les résultats d’enquêtes menées par de nombreux médias et ONG depuis 2020, accusant notamment la police grecque de systématiquement refouler et souvent de dénuder les migrants tentant de traverser sa frontière, porte d’entrée vers l’Union européenne. « La Grèce subit actuellement une pression extraordinaire en raison de ces pratiques, dans le sillage du rapport OLAF et de nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », précise Eva Cossé, chercheuse à Human Rights Watch.

Parmi tant d’autres, il y a ces photos prises le 6 mars 2020 ressemblant terriblement à celle dévoilée par le ministre grec de la Migration, montrant des migrants vêtus d’un simple caleçon du côté turc de l’Évros. L’auteur des clichés, Belal Khaled, photographe pour la chaîne publique turque TRT World, affirme alors que les « forces de sécurité grecques ont forcé les réfugiés ayant traversé la frontière à retourner nus sur le territoire turc ». Les autorités grecques démentent, évoquant des « documents de propagande turque », rappelle le quotidien Libération. Mais l’ONG Human Rights Watch a corroboré cette pratique de refoulement systématique dans un rapport publié en avril, rappelle Eva Cossé.

Balancés de part et d’autre de l’Évros

Jamil Bahdi a vécu dans sa chair les pratiques dégradantes menées des deux côtés du fleuve Évros, témoin de l’instrumentalisation et de la déshumanisation des réfugiés. Aujourd’hui âgé de 21 ans, ce jeune Syrien s’exprime via WhatsApp depuis un centre d’accueil pour demandeurs d’asile aux Pays-bas où il est arrivé en février 2022, deux ans après son départ de Hassaké. Il a quitté cette ville du nord de la Syrie pour fuir l’enrôlement forcé et les bombardements turcs non loin de là.

S’il lui a fallu tant de temps pour y parvenir, c’est qu’il assure avoir été renvoyé de part et d’autre de la frontière gréco-turque à treize reprises. « Lors d’une de mes tentatives, en mars 2021, nous avons acheté avec deux amis des bateaux gonflables pour traverser le fleuve Évros, raconte-t-il. Arrivés à Orestiada, nous avons été arrêtés par la police grecque avant de monter dans un train pour Thessalonique. Ils nous ont frappés et jetés dans une prison où il y avait sans exagération une centaine de personnes. Là, tu ne bois pas, tu ne manges pas, puis le lendemain on t’emmène dans un camp où tu es frappé de nouveau. Ensuite tu montes dans un véhicule et au bout d’un quart d’heure de route, te revoilà au fleuve Évros. Il y a une centaine de gens comme toi, les policiers nous fouillent et prennent tout ce que nous avons. Puis ils te mettent sur un bateau pneumatique, vêtu d’un simple caleçon, et te renvoient en Turquie », livre-t-il sans ciller.

Et côté turc ? « La police turque m’a fait la même chose ! C’est simple : les Turcs t’envoient en Grèce et vice versa, avec la même violence, les mêmes vols, tu es balancé parfois trois ou quatre fois dans la même journée de part et d’autre de la frontière, assure-t-il. Parfois, ils te laissent sur un îlot au milieu du fleuve et tu dois nager jusqu’à la rive. »

D’Aylan à Maria

Prise au piège sur un bout de terre, c’est ce qui est arrivé à la petite Maria, 5 ans, morte début août 2022 des suites d’une piqûre de scorpion après avoir passé avec sa famille plusieurs jours coincés sur un îlot au milieu du fleuve, ayant été auparavant refoulés tour à tour côté grec puis turc. La mort tragique de cette petite fille syrienne n’a pas provoqué la même vague d’indignation que celle du petit Aylan sur la rive turque, sept ans plus tôt, qui avait poussé notamment l’Allemagne à ouvrir ses portes à plus d’un million de réfugiés syriens en 2015.

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Depuis 2015, « l’UE a décidé de ne plus accueillir de migrants, quels que soient leurs motifs de départ », affirme Brigitte Espuche, co-coordinatrice du réseau Migreurop. « Une stratégie de dissuasion a été mise en place pour maintenir ces personnes hors de l’UE », ajoute-t-elle, précisant que cette approche passe notamment par la signature de protocoles d’entente avec des pays-tiers pourtant peu réputés pour leur respect du droit d’asile. « C’est le cas de la Turquie, reconnue comme pays-tiers sûr par la Grèce et avec laquelle l’UE a signé un accord migratoire en 2016, mais aussi de la Libye, avec laquelle l’Italie a signé un protocole d’entente, ou bien encore de Chypre avec le Liban ».

Mais l’accord UE-Turquie est de plus en plus contesté par les deux parties, aux dépens surtout des demandeurs d’asile. À l’origine, il prévoyait le renvoi en Turquie de « tous les migrants en situation irrégulière qui partent du territoire turc pour gagner les îles grecques », en échange d’un programme de réinstallation dans l’UE pour chaque Syrien renvoyé en Turquie et d’une aide de 6 milliards d’euros. Or Ankara, dénonçant le fait de n’avoir reçu que 65 % de la somme et la réinstallation de 28 300 Syriens contre les 72 000 prévus, a commencé à exercer une pression migratoire sur la Grèce en 2020. En réaction, la Grèce a construit une clôture de 5 mètres de haut sur 27 km le long de l’Évros. Par ailleurs, des ONG ont commencé à alerter sur la pratique de renvois illégaux de la part des gardes-frontières grecques.

Pour Brigitte Espuche, c’est l’externalisation de la politique migratoire européenne par ces protocoles bilatéraux qui a mené à une systématisation des refoulements aux frontières extérieures de l’UE. La militante des droits humains mentionne ainsi le travail du Border Violence Monitoring Network, un réseau indépendant d’ONG et d’associations qui a récolté depuis 2016 des témoignages sur 1 575 cas de refoulements ayant visé 24 990 personnes selon leurs estimations.

Confronté à ce travail conjugué à celui de plusieurs médias, les institutions européennes ont fini par lancer une série d’enquêtes officielles, rappelle Brigitte Espuche : « La Commission européenne a d’abord exigé une enquête interne à Frontex (l’agence européenne des gardes-frontières et garde-côtes, NDLR), puis le Parlement européen en a réalisé une, puis ce fût le tour de la Cour des comptes européenne et enfin de l’OLAF. » Le 18 octobre, le rapport désormais public, les eurodéputés ont refusé la décharge du budget 2020 de Frontex, considérant que l’agence n’avait « pas réussi à protéger les droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile et aurait été impliquée, selon certains médias, dans des refoulements illégaux d’au moins 957 réfugiés entre mars 2020 et septembre 2021 ». « Un signe clair de défiance », selon Brigitte Espuche.

Frontex au cœur de la controverse

Se penchant dans son rapport de février dernier sur les accusations de médias et d’ONG de couverture ou participation par Frontex (l’agence européenne des gardes-frontières et garde-côtes) à des cas de refoulements illégaux, notamment par la police aux frontières grecques, l’Office européen de lutte antifraude « conclut, basé sur les preuves récoltées pendant l’enquête, que les accusations sont prouvées », peut-on lire. Ces dernières avaient entraîné la démission du directeur de l’agence, Fabrice Leggeri, en mai dernier. La commissaire aux Affaires européennes, Ylva Johansson, a néanmoins salué devant les eurodéputés les réformes récemment mises en œuvre par l’agence, telles que la réalisation d’un audit interne et le renforcement du bureau des droits humains, en accord avec les recommandations des législateurs. Elle a par ailleurs rappelé son soutien à l’organisme européen : « Quand on lit un rapport selon lequel le 14 octobre, la police grecque et Frontex ont secouru 92 migrants nus dans la région de l’Évros, cela montre encore une fois comme il est important que Frontex soit présent à nos frontières extérieures. » « Il est grand temps que Frontex suspende ou termine ses opérations. L’acquiescement de l’UE envers les abus à la frontière de la Grèce doit cesser », estime pour sa part Eva Cossé de HRW, qui prône l’ouverture « de procédures légales contre le gouvernement grec pour la violation des lois européennes interdisant les refoulements collectifs ».

Ce sont des corps serrés les uns contre les autres, ornés de hauts roseaux, chacun masquant comme il le peut sa nudité de ses mains devant l’objectif d’une caméra impudique. Ce sont des hommes provenant en majorité d’Afghanistan et de Syrie qui ont misé sur l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure et y sont arrivés déshumanisés. La photo montre 92 hommes dévêtus...

commentaires (2)

LE MONSIEUR OUBLIE DE DIRE QUE LA GRECE A PRESENTE DES PHOTOS DE VOITURE DE LA POLICE TURQUE QUI DEVERSAIENT CES EMIGRES NUS DEJA , LES FRAPPAIT ET LES OBLIGEAIT A MONTER DANS DES CANOTS ET LES ENVOYAIT DU COTE GREC. D,AILLEURS TOUS LES EMIGRES ONT CONFORME CES FAITS A LA PRESSE GRECQUE ET ETRANGERE. LE MONSIEUR PEUT NOUS DIRE QUI ENVOIE TOUS CES EMIGRES TASSES COMME DES ANIMAUX DANS DES RAFFIOTS GONFLABES DE LA MORT 4 FOIS PLUS DE PERSONNES QUE CES RAFFIOTS PEUVENT CONTENIR, DES PORTS TURCS VERS LES ILES GREQUES ET VERS L,ITALIE. LES GARDES COTES TURCS LES ACCOMPAGNENT DANS LES EAUX TOURMENTES DE L,EGEE JUSQU,AUX FRONTIERES MARITIMES GRECQUES PUIS LES ABANDONNENT ET RETOURNENT EN TURQUIE. L,ENJEU EST POLITIQUE. LA TURQUIE FAISANT PRESSION SUR LES EUROPEENS POUR OBTENIR PLUS DE FRIC AFIN D,AMOINDRIR ET NON DE STOPPER L,ENVOIE DES MIGRANTS DE SON TERRITOIRE VERS L,EUROPE CAR LA DESTINATION DE CES MALHEUREUX SONT LES PAYS DU NORD EUROPEEN ET NON LA GRECE QUI N,EST QU,UN PASSAGE POUR EUX.

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 28, le 26 octobre 2022

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Commentaires (2)

  • LE MONSIEUR OUBLIE DE DIRE QUE LA GRECE A PRESENTE DES PHOTOS DE VOITURE DE LA POLICE TURQUE QUI DEVERSAIENT CES EMIGRES NUS DEJA , LES FRAPPAIT ET LES OBLIGEAIT A MONTER DANS DES CANOTS ET LES ENVOYAIT DU COTE GREC. D,AILLEURS TOUS LES EMIGRES ONT CONFORME CES FAITS A LA PRESSE GRECQUE ET ETRANGERE. LE MONSIEUR PEUT NOUS DIRE QUI ENVOIE TOUS CES EMIGRES TASSES COMME DES ANIMAUX DANS DES RAFFIOTS GONFLABES DE LA MORT 4 FOIS PLUS DE PERSONNES QUE CES RAFFIOTS PEUVENT CONTENIR, DES PORTS TURCS VERS LES ILES GREQUES ET VERS L,ITALIE. LES GARDES COTES TURCS LES ACCOMPAGNENT DANS LES EAUX TOURMENTES DE L,EGEE JUSQU,AUX FRONTIERES MARITIMES GRECQUES PUIS LES ABANDONNENT ET RETOURNENT EN TURQUIE. L,ENJEU EST POLITIQUE. LA TURQUIE FAISANT PRESSION SUR LES EUROPEENS POUR OBTENIR PLUS DE FRIC AFIN D,AMOINDRIR ET NON DE STOPPER L,ENVOIE DES MIGRANTS DE SON TERRITOIRE VERS L,EUROPE CAR LA DESTINATION DE CES MALHEUREUX SONT LES PAYS DU NORD EUROPEEN ET NON LA GRECE QUI N,EST QU,UN PASSAGE POUR EUX.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 28, le 26 octobre 2022

  • C’est triste mais la Turquie si elle peut faire du mal à la Grèce …..

    Eleni Caridopoulou

    00 h 54, le 26 octobre 2022

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