
Le président libanais Michel Aoun (g) recevant l'ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban Walid Boukhari, le 17 octobre 2022 au palais de Baabda. Photo Twitter/@LBpresidency
Un dîner qui était censé se tenir mardi à l'ambassade de Suisse au Liban et auquel étaient convié divers représentants politiques libanais a finalement été reporté à une date ultérieure, après que l'information a fait polémique sur la scène locale, l'ambassadeur d'Arabie saoudite s'étant même opposé, de manière implicite, à cette initiative. Une conférence, à l'initiative d'une ONG suisse, devait également se tenir dans les prochaines semaines à Genève.
Pas une conférence de dialogue
Le report du dîner a été confirmé à L'Orient-Le Jour par l'ambassade de Suisse, dans un communiqué.
"(...) Ces derniers mois, la Suisse, en collaboration avec l'organisation suisse Centre for Humanitarian Dialogue, a été en contact avec l'ensemble des acteurs politiques libanais ainsi que des acteurs régionaux et internationaux afin de préparer des discussions consultatives, et non une conférence de dialogue", explique l'ambassade.
"La Suisse a pour tradition d'offrir ses bons offices lorsqu'on lui demande de le faire. Les discussions prévues sont le résultat de consultations préalables avec l'ensemble de la classe politique libanaise, ainsi qu'avec les acteurs régionaux et internationaux, dans le plein respect de l'accord de Taëf et de la Constitution libanaise", ajoute la mission diplomatique helvétique.
"Le dîner informel qui devait avoir lieu ce mardi à la résidence suisse avait pour but d'approfondir la réflexion sur l'avenir du Liban avec divers acteurs politiques libanais. Les noms qui ont circulé dans les médias ne reflètent pas les invités réels. Le dîner a été reporté à une date ultérieure", conclut le communiqué.
Boukhari chez Aoun et Berry
Avant la publication de ce communiqué, l'affaire commençait à prendre de l'ampleur sur la scène politique et dans la presse. L'ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, a même été reçu lundi matin au palais présidentiel de Baabda par le chef de l'Etat, Michel Aoun.
L'initiative suisse semble avoir déplu à Riyad, l'ambassadeur Boukhari ayant twitté dimanche soir un message qui rappelle l'importance de l'accord de Taëf de 1989 conclu dans cette ville d'Arabie, qui avait mis fin à la guerre civile au Liban.
M. Boukhari a quitté Baabda lundi matin sans faire de déclarations. Mais selon un communiqué du palais présidentiel publié en début d'après-midi, le chef de l'Etat a évoqué avec M. Boukhari "les relations libano-saoudiennes et les moyens de les développer sur tous les plans". Les deux responsables ont également discuté "de l'aide offerte par le royaume au Liban, notamment sur les plans social et humanitaire". "L'ambassadeur Boukhari a insisté sur l'attachement du royaume à l'unité du Liban et son ancrage arabe, en vertu des principes nationaux figurant dans l'accord de Taëf qui a protégé le Liban et lui a assuré la stabilité", ajoute Baabda. Selon le palais présidentiel, le diplomate saoudien a également insisté sur "la tenue des échéances constitutionnelles dans les délais", en référence à la présidentielle qui doit avoir lieu avant la fin du mandat du président Aoun le 31 octobre.
L'ambassadeur a également été reçu à Aïn el-Tiné par le président du Parlement, Nabih Berry mais n'a pas fait de déclarations à l'issue de cet entretien. Aucun rendez-vous n'a été fixé du côté du Grand sérail, entre le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, et le diplomate saoudien.
"Désintégration du vivre-ensemble"
"L'accord de Taëf est un contrat obligatoire pour renforcer les bases d'un Liban pluraliste", avait écrit M. Boukhari sur Twitter. "L'alternative n'est pas un autre pacte mais la désintégration du vivre-ensemble, la disparition de la nation unie et son remplacement par des entités qui ne ressemblent pas au message libanais", avait-il ajouté.
Le message de M. Boukhari a été interprété par divers observateurs comme une critique adressée à l'initiative de l'ambassade suisse au Liban. Ce dîner qui était censé se tenir a fait couler beaucoup d'encre, certains politiques, notamment issus des Forces libanaises et de la contestation populaire, renonçant à y participer et critiquant une affaire gonflée par les médias.
La tournée de M. Boukhari intervient également au lendemain de propos tenus par le roi Salmane d'Arabie saoudite, lors d'une séance du Conseil consultatif du pays. "Au Liban, nous rappelons la nécessité de mettre en place des réformes politiques, économiques et structurelles complètes pour surmonter la crise", a déclaré le monarque. Il a également insisté sur "l'importance d'étendre l'autorité du gouvernement à tout le territoire pour maintenir sa sécurité et combattre les trafics de drogue et les activités terroristes qui en émanent, menaçant la sécurité et la stabilité de la région", une critique directe du Hezbollah dont l'influence croissante n'est pas du tout du goût de Riyad.
commentaires (12)
Taëf = les chrétiens possède 50% du pouvoir politique au parlement, selon la formule du Roi Fahd; "à partir de 50/50 l'on arrête de compter". Sans ledit accord, numériquement les chrétiens ne pèserait plus que 33%, au mieux. Qu'est-ce que les suisses cherchent à faire avec Taëf et sur l'instigation de qui?
Céleste
23 h 46, le 17 octobre 2022