Le président Michel Aoun a annoncé hier que le Liban approuvait l’accord de démarcation de la frontière maritime avec Israël, après d’intenses négociations menées par Washington, qui ouvre la voie à la prospection d’hydrocarbures. « J’annonce l’approbation par le Liban de la version finale préparée par le médiateur américain pour délimiter la frontière maritime méridionale », a déclaré M. Aoun dans un discours télévisé.
La réponse officielle du Liban intervient deux jours après que le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a qualifié l’accord d’« historique ». Après de nombreuses navettes entre les deux parties, le médiateur américain, Amos Hochstein, avait remis aux deux parties la dernière mouture du texte dans la nuit de lundi à mardi. En vertu de l’accord, le champ offshore de Karish se situe entièrement dans les eaux israéliennes. Le Liban pour sa part aura tous les droits d’exploration et d’exploitation du champ de Cana, situé plus au nord-est, dont une partie se situe dans les eaux territoriales d’Israël. Mais « Israël sera rémunéré » par la firme exploitant Cana « pour ses droits sur d’éventuels gisements », selon le texte. Washington, qui mène depuis deux ans une médiation entre les deux voisins officiellement en état de guerre, a salué une « avancée historique ».
« Un exploit historique »
Le président Aoun a souligné que l’accord constituait pour le Liban « un exploit historique ». « Nous avons pu récupérer une superficie de 860 kilomètres carrés qui faisait l’objet d’un différend, et le Liban n’a concédé aucun kilomètre à Israël », a-t-il argué. Il a ajouté que le Liban avait obtenu « l’intégralité du champ de Cana, sans qu’aucune compensation ne soit payée de notre côté, bien que l’intégralité du champ ne soit pas située dans nos eaux ». « Cet accord indirect répond aux revendications libanaises et préserve pleinement nos droits », a encore dit M. Aoun. « Malgré les obstacles intérieurs et les pressions extérieures pour nous empêcher de profiter de nos ressources, le Liban est devenu un pays pétrolier. Ce qui était un rêve hier est aujourd'hui une réalité », a-t-il lancé. « J'espère que cela constitue un début prometteur, une pierre de fondation pour le redressement économique dont le Liban a besoin », a affirmé le chef de l'État, souhaitant que l'accord puisse ouvrir la voie à la « sécurité, la stabilité et la prospérité » du pays, qui traverse depuis 2019 la pire crise économique de son histoire moderne.
Merci... Gebran Bassil
L'aboutissement à un accord sur la démarcation de la frontière maritime « n'est pas le travail d'un instant, mais le fruit d'un long processus débuté en 2010 », a souligné M. Aoun. « Au moment où Gebran Bassil était ministre de l'Énergie et de l'Eau, il a préparé le projet de loi sur le pétrole offshore, approuvé par le Parlement », a poursuivi le président en citant son gendre, chef du Courant patriotique libre. Le président a ensuite retracé l'historique des avancées de l'accord depuis cette date.
Il a remercié ses homologues américain Joe Biden et français Emmanuel Macron, le médiateur Amos Hochstein et « tous les pays frères qui ont aidé le Liban à obtenir ses droits, notamment le Qatar ». Il a salué l’équipe libanaise de négociateurs, notamment le vice-président du Parlement Élias Bou Saab qu’il avait mandaté pour suivre les pourparlers, mais aussi le président du Parlement Nabih Berry, le Premier ministre désigné Nagib Mikati, le commandement de l’armée et les experts techniques. Et de remercier les Libanaises et les Libanais : « À travers votre ténacité et la lutte de votre résistance qui a prouvé être une force pour le Liban, vous avez renforcé la position libanaise dans les négociations et avez réalisé cet exploit. »
Le chef de l'État a en outre estimé que « la prochaine étape doit consister en des pourparlers avec la Syrie » pour résoudre la question de la zone "litigieuse » entre les deux pays. Damas avait déjà signé un contrat avec la compagnie russe Kapital pour l’exploration et l’exploitation du bloc syrien numéro 1, qui déborde sur une partie de la Zone économique exclusive (ZEE) du Liban.
Le texte distribué aux députés
Plus tôt dans la journée, le président Aoun avait contacté MM. Berry et Mikati afin de s’entretenir avec eux de l'accord avec Israël. De son côté, M. Berry a demandé au secrétariat général de la Chambre d’« envoyer une copie de l’accord sur le tracé de la frontière maritime sud à tous les députés pour consultation, après que le texte a été approuvé par le gouvernement », alors que des députés ont réclamé que cet accord soit étudié et voté par le législatif. Le bref communiqué du président de la Chambre ne mentionne pas si les députés recevront la version en anglais ou en arabe de l’accord. La procédure d’approbation du texte fait débat. Selon le professeur Rizk Zgheib, avocat et maître de conférences à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, l’accord étant un « acte unilatéral », il n’a pas besoin d’être voté par le Parlement. Le Liban n’a qu’à modifier le décret 6433 de 2011 qui définit sa ZEE, et l’amendement doit être signé par le président de la République, le Premier ministre et les ministres des Travaux publics et de la Défense. Toutefois, les députés de la contestation, les Kataëb et d’autres experts en droit international estiment qu’il s’agit d’un traité international qui, selon l’article 52 de la Constitution, doit nécessairement passer par un vote à la Chambre avant qu’il ne soit ratifié par le président et après accord du Conseil des ministres. Le communiqué de M. Berry et sa mention de l’approbation du gouvernement laissent entendre qu’il suit cette seconde procédure.
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Titre pernicieux qui attire les moqueries
Hitti arlette
15 h 04, le 16 octobre 2022