Le sort de l'accord entre le Liban et Israël sur leur frontière maritime se trouve à un tournant "décisif", a estimé jeudi le vice-président du Parlement libanais quelques heures après que Tel-Aviv a rejeté les amendements demandés par le Liban au projet d'accord élaboré sous l'égide des États-Unis. La décision israélienne jette un doute sur l'issue des longues discussions sur ce projet qui doit permettre d'organiser la répartition entre les deux pays des revenus tirés de l'exploitation de gisements de gaz en Méditerranée.
Le vice-président du Parlement est en contact avec le médiateur américain Amos Hochstein "toutes les heures" pour tenter de trouver des solutions, selon des informations rapportées par l'agence Reuters. M. Bou Saab a tenu aussi à minimiser les informations "négatives" circulant dans les médias concernant l'éventuel accord, affirmant que ce dernier est prêt "à 90 %", mais que les 10 % restants "seront décisifs".
Selon des propos à l'agence russe Spoutnik rapportés dans les médias libanais, le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, également impliqué dans les négociations, a de son côté déclaré que la réponse israélienne "ne nous concerne pas". "Nous attendons que le médiateur américain assume ses responsabilités", a-t-il ajouté.
Un responsable américain a pour sa part déclaré, sous couvert d'anonymat, que le Liban et Israël sont à "un stade critique" de leurs négociations et que "les écarts se sont réduits" entre les positions des deux parties. "Nous restons déterminés à parvenir à une résolution et nous pensons qu'un compromis durable est possible", a ajouté ce responsable, selon des propos rapportés par Reuters.
Israël avait reçu plus tôt dans la journée les demandes libanaises de rectification de ce texte reçu en fin de semaine dernière par les deux parties de la part de l'émissaire américain Amos Hochstein. Le Premier ministre israélien Yaïr Lapid "a été tenu informé des détails des changements significatifs que le Liban cherche à apporter à l'accord et a ordonné à l'équipe de négociateurs de les rejeter", a-t-on appris auprès d'un responsable israélien.
Le texte de la proposition remise par Amos Hochstein à Beyrouth et Tel-Aviv prévoit notamment que la zone accordée au Liban soit délimitée par la ligne 23, mais que Beyrouth obtienne également la totalité du champ gazier de Cana qui dépasse vers le sud la zone que borde la ligne 23. Plusieurs amendements ont été réclamés par les responsables libanais, notamment le refus de Beyrouth de payer toute compensation financière à Israël, démarche qui pourrait être faite via l'intermédiaire d'une des sociétés du consortium chargé de l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures offshore dans la zone économique exclusive (ZEE) du Liban. Les amendements concernent aussi la zone sûre réclamée par les Israéliens (la zone qui se situe entre la "ligne des bouées" et la ligne 23).
Le projet d'accord, dont le contenu n'a pas été rendu public, mais qui selon des sources contactées par L'Orient-Le Jour prévoit d'accorder la totalité du champ de gazier de Cana au Liban, avait été plutôt bien accueilli par les autorités israéliennes et libanaises lorsqu'elles l'ont reçu. Mais à l'échelle de chacun des deux pays - qui sont toujours officiellement en état de guerre - les oppositions ont dénoncé un projet favorisant les intérêts de la partie adverse.
Forages sur Karish
Parallèlement aux négociations indirectes entre les deux pays, Israël a avancé les préparatifs en vue de commencer les forages sur le champ gazier de Karish, l'un des deux gisements situés dans la zone contestée. Les discussions indirectes ont été accélérées après que le Hezbollah a lancé des menaces indirectes contre ce gisement, les autorités israéliennes présentant jusqu'alors le projet d'accord avec Beyrouth comme un moyen de le sécuriser.
Mais le gouvernement israélien a semble-t-il opté jeudi pour une approche plus offensive. "Israël produira du gaz depuis le champ de Karish dès que ce sera possible", a précisé le responsable israélien. "Si le Hezbollah ou qui que ce soit d'autre tente de causer des dommages au champ de Karish ou de nous menacer, les négociations sur la frontière maritime cesseront immédiatement", a-t-il ajouté.
Le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a encore durci le ton en déclarant dans un discours que le Liban "paierait un lourd tribut militaire" en cas de tentative d'attaque du Hezbollah contre les intérêts israéliens. Et il a demandé à l'armée de se "préparer à un scénario d'escalade militaire dans le nord du pays (frontière avec le Liban, NDLR) incluant des manœuvres offensives et défensives compte tenu de l'évolution des négociations sur la frontière maritime".
Dimanche pourtant, le Premier ministre israélien avait déclaré que la proposition du médiateur américain "protège" et "renforce" les intérêts de l’État hébreu. Yaïr Lapid, en pleine campagne pour les législatives du 1er novembre, fait l'objet de vives critiques de l'opposition menée par Benjamin Netanyahu sur ce projet d'accord. Ce dernier, qui cherche à revenir à la tête du gouvernement, a accusé M. Lapid de "donner" un "territoire souverain d'Israël" au Hezbollah, ennemi juré d'Israël.
commentaires (12)
Je penses avoir été l'un des rares a ne pas croire que nous pourrions arriver a un accord puisque celui proposé est bancale et ne sert pas le Hezbollah dans son projet et desseins pour l'avenir du pays tel qu'il le préconise. Le parti de Dieu veut établir une principauté islamique soumise au Fakih. Il veut aussi détruire Israël et remplacer cet état par un état Palestinien qu'il pense par la suite soumettre au Fakih. Un accord maritime ne le sert pas puisqu'une fois les exploitations commencé, il ne pourra plus jamais faire de guerre contre Israël et donc accepter de facto la ligne bleu des frontières terrestres. Israël, a besoin de ses ressources autant que le Liban et elle est prête a négocier mais pas sans gains important. Quelques km2 ne sont pas un obstacle pour elle mais un traité de paix en bonne et due forme si. Si le Liban lui offre cette option elle cédera sur tout. A présent l'Iran est au bord d'une révolte comme jamais auparavant et son régime pourrait sauter. Pourquoi accepterai elle de permettre au Hezbollah de se renfloue avec des fonds qu’éventuellement il userait pour aider l'Iran et son projet nucléaire? Alors ils vont faire traîner les choses pour après les élections Présidentielles en attendant de voir vers ou les choses se dirigent. Eh bien attendons voir venir.
Pierre Christo Hadjigeorgiou
09 h 36, le 07 octobre 2022