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Agenda - Hommage

Antoinette Kazan : un « modèle à suivre »

C’était en 1983, nous étions en pleine guerre. Elle faisait rage sur le littoral de Damour et dans la montagne qui le surplombe. Une outrageante invasion vient de massacrer des centaines d’innocents et de provoquer l’exode de certains autres. Ceux qui avaient échappé au massacre arrivaient abasourdis, l’air hagard, tous frappés d’un gigantesque traumatisme psychologique et physique.

Antoinette Kazan, habitante de Sin el-Fil et fort appréciée dans la contrée, a créé une mobilisation quasi immédiate pour organiser l’accueil. Des amies d’Antoinette avaient accouru de leur côté. Les arrivants furent abrités et une salle de classe, dans une école de proximité, a été aménagée en QG. Une pancarte portant les mots « Ahlan w sahlan » a été accrochée à la porte.

C’est le début de l’aventure.

Le président Charles Helou est ému par la nouvelle que lui rapportait son amie Antoinette. Il mobilise de son côté ses amis et connaissances, et un mouvement d’ensemble se crée. Michel Eddé, connu pour sa générosité, surtout celle du cœur, se propose d’être aux côtés du mouvement.

Petit à petit, le travail d’assistance s’organise. L’infrastructure matérielle se rétablit vite, les licences légales sont immédiatement accordées et l’association « Restaurants du cœur » devient une association d’intérêt public, faisant l’admiration de tous ceux et celles qui ont bien voulu lui rendre visite.

Il n’y a pas lieu de refaire le descriptif de cette « association ». Il suffit de dire qu’elle offre par an dix mille plats chauds à ceux qui ont faim, réellement faim, sans compter les autres activités, comme la distribution de médicaments et de produits alimentaires.

Mais ce qu’il y a à dire, c’est que « le moteur » de cette entreprise humaine est une femme d’exception qui n’est autre qu’Antoinette Kazan.

Antoinette Kazan est sans doute la représentante humaine de ce qu’on appelle « dévouement » ; et comment peut-on vivre dans le « dévouement » sans être doté d’un immense cœur ?

Il suffit de la voir accueillir les vieux convives. Elles leur faisait sentir qu’ils appartenaient carrément à la famille des Restaurants du cœur. Elle ne supportait pas qu’on les appelle les « démunis », pensant à juste titre que c’est dégradant, d’autant plus qu’aux Restaurants du cœur, il n’y a de la place que pour des êtres humains égaux.

Photographes et journalistes étaient interdits de prendre des photos. C’est contre la dignité des présents, disait-elle.

Elle avait le don de séduire l’interlocuteur, ce qui était un atout immense pour les Restaurants du cœur vis-à-vis des donateurs, et indirectement vis-à-vis des bénéficiaires eux-mêmes.

Et pour l’anecdote, un proche de Coluche avait informé le président Helou que les Restaurants du cœur de Beyrouth existent sous cette appellation depuis 1983, avant ceux institués par Coluche en 1985. Un pur hasard.

Grâce à Antoinette Kazan, les Restos du cœur sont à présent une référence.

Et Antoinette Kazan a été le « modèle » à suivre.

L’équipe qui l’entourait est désormais engagée à suivre le « modèle ».

Repose en paix, Antoinette.

C’était en 1983, nous étions en pleine guerre. Elle faisait rage sur le littoral de Damour et dans la montagne qui le surplombe. Une outrageante invasion vient de massacrer des centaines d’innocents et de provoquer l’exode de certains autres. Ceux qui avaient échappé au massacre arrivaient abasourdis, l’air hagard, tous frappés d’un gigantesque traumatisme psychologique et...