Le président de la République Michel Aoun a pris sa décision : il ne se rendra pas la semaine prochaine à New York pour participer à la session annuelle de l’Assemblée générale des Nations unies, la dernière avant la fin de son mandat. C’est le Premier ministre désigné Nagib Mikati qui sera chargé de cette tâche. La formation du gouvernement devra donc attendre son retour au Liban, si l’on veut être optimiste. Surtout que les contacts menés essentiellement par le Hezbollah pour débloquer un processus gelé depuis plusieurs semaines se sont intensifiés ces deux derniers jours, notamment après la dernière escalade verbale du chef de l’État. Ce dernier avait réaffirmé, dans une interview mardi au quotidien al-Akhbar, qu’un gouvernement démissionnaire ne peut pas assumer les prérogatives du président de la République, estimant qu’il s’agirait d’une « violation de la Constitution » et mettant en garde contre « un complot » face auquel il ne restera pas les bras croisés.
« Le président Aoun a préféré ne pas effectuer le déplacement à New York parce que cela coûterait une fortune au Trésor public », explique à L’Orient-Le Jour un proche de la présidence. « Il ne veut pas quitter le pays dans des circonstances aussi difficiles. Il préfère rester au Liban et suivre de près les dossiers extrêmement sensibles, tels que le tracé de la frontière maritime et la formation du cabinet », ajoute-t-il. De source également proche du palais présidentiel, on apprend que M. Mikati effectuera le déplacement à son propre compte (comme à l’accoutumée). Il se rendra à New York après les funérailles de la reine Elizabeth II, prévues lundi à Londres et au cours desquelles il représentera le Liban. L’information a été confirmée par les milieux du Sérail, où l’on fait savoir que cette décision est le fruit de concertations entre le chef de l’État et le Premier ministre sortant. « Actuellement, Nagib Mikati prépare l’allocution qu’il prononcera à New York », confie un proche du chef du gouvernement. « Il entend évoquer la question des réformes économiques et celle des réfugiés, ainsi que la collaboration entre Beyrouth et l’ONU », ajoute-t-il.
Rien n’a changé
Nagib Mikati devrait donc prendre l’avion dimanche. Mais le palais présidentiel n’exclut pas la possibilité de le voir s’entretenir avec le chef de l’État avant ce déplacement. Une source qui suit de près le dossier gouvernemental croit savoir que le Premier ministre désigné pourrait s’entretenir avec le président ce matin. Une information que les milieux du Sérail ne confirment pas cependant. « De toute façon, la tenue d’une telle rencontre à ce stade ne sera pas décisive parce que les positions respectives des protagonistes n’ont pas changé d’un iota », souligne à L’OLJ une source proche du Sérail.
Michel Aoun insiste pour élargir le cabinet sortant en y incorporant six personnalités politiques afin qu’il puisse faire face aux échéances à venir. Une option rejetée par M. Mikati qui ne veut pas permettre au camp présidentiel, notamment le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, d’avoir un droit de regard sur la composition et l’action d’une équipe qui pourrait administrer le pays après la fin du sexennat, le 31 octobre. « Nous tenons à ce que six ministres politiques soient inclus à l’équipe sortante parce qu’il est clair que celle-ci est incapable de gérer la situation complexe que le pays traverse aujourd’hui », explique une personnalité proche du chef de l’État. « Nagib Mikati considère que la formule qu’il a présentée au président le 29 juin dernier est la meilleure solution pour sortir de l’impasse actuelle », rétorque Ali Darwiche, ancien député de Tripoli gravitant dans l’orbite de M. Mikati. Mais l’option d’un léger remaniement ministériel, notamment au niveau des ministères de l’Économie et des Déplacés, n’est pas exclue, M. Mikati s’étant montré favorable à ce que le chef de l’État nomme le remplaçant d’Amine Salam à l’Économie et de Issam Charafeddine aux Déplacés.
Quid du Hezbollah, allié de longue date de Michel Aoun, mais aussi principal soutien de Nagib Mikati dans sa reconduction au Sérail ? À en croire les milieux des deux présidents, le parti chiite veut voir la nouvelle équipe mise sur pied dans les plus brefs délais, craignant un dérapage sécuritaire dû à la mauvaise conjoncture économique et sociale. « Le Hezbollah poursuit ses efforts pour rétablir la communication entre les deux camps », confirme Kassem Kassir, analyste proche du parti pro-iranien.
Des progrès réalisés dans les négociations maritimes, selon le président
Le président Michel Aoun a déclaré hier que des progrès ont été réalisés dans les négociations sur la démarcation de la frontière maritime avec Israël, mais que les détails techniques sont encore « étudiés dans l’intérêt du Liban, de ses droits et de sa souveraineté ».
Au cours d’une réunion avec le nouveau conseil exécutif du syndicat de l’information et de la technologie, M. Aoun a affirmé que la démarcation permettra au Liban d’entamer le processus « d’exploration du pétrole et du gaz, et donnera à l’économie libanaise un élan positif pour commencer à sortir de la crise » économique.
Cette remarque a été faite après une brève visite au Liban, vendredi dernier, de l’envoyé américain Amos Hochstein, médiateur pour les négociations indirectes entre le Liban et Israël sur leur frontière maritime commune. Au cours de cette visite, l’émissaire américain a rencontré les responsables dans un contexte de tensions accrues entre Beyrouth et Tel-Aviv depuis l’arrivée pour le compte d’Israël d’une plateforme flottante dans le champ gazier de Karish.
Deux jours après la visite de l’émissaire américain, le ministre sortant des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib a déclaré que celui-ci « a présenté de nouvelles propositions » lors de son dernier déplacement, sans en divulguer les détails. Avant de quitter le Liban, M. Hochstein avait affirmé qu’« il y a encore du travail à faire », mais que de « très bons progrès » ont été réalisés pour parvenir à un accord entre les deux pays.
commentaires (10)
"...parce que cela coûterait une fortune au Trésor public..." Vraiment, TRES CHER, ne pouviez-vous trouver un prétexte moins ridicule...en déclarant tout simplement: "vu mon âge et ma santé très diminuée...je ne peux plus envisager de tels déplacements ? " Le courage d'être franc et honnête sera beaucoup plus apprécié par les Libanais et tous ceux concernés par ces voyages à Londres et New York. Aujourd'hui, tout le monde voit et entend ce qui se passe partout, même au Liban, et les excuses-paravent ne passent plus ! Elles contribuent encore plus à ternir l'image de celui qui les avance !!! - Irène Saïd
Irene Said
10 h 51, le 15 septembre 2022