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Société - Histoire

Le jour où le prince Philip est venu au Liban sans la reine

Elizabeth II ne s’est jamais rendue au pays du Cèdre, bien qu’elle ait voyagé dans 117 pays lors de visites d’État officielles.

Le jour où le prince Philip est venu au Liban sans la reine

Lors de l’inauguration de la maison d’Édimbourg au lycée de Broummana en 1967. Photo d’archives L’Orient-Le Jour

Les autorités libanaises ont annoncé vendredi quatre jours de deuil national (du 9 au 11 septembre, ainsi que le 18, jour des funérailles) après le décès de la reine Elizabeth II, qui s’est éteinte jeudi soir. Et pourtant, la reine ne s’est jamais rendue au Liban, bien qu’elle ait voyagé dans 117 pays lors de visites d’État officielles. Cependant, son défunt mari, le prince Philip, a fait un déplacement aujourd’hui oublié au pays du Cèdre en son nom.

L’histoire remonte au 20 mars 1967, quand le prince Philip, en dernière étape d’une tournée asiatique et australienne de deux mois, a piloté un Andover (un avion de transport militaire) en provenance de Doha qui a atterri sur le tarmac de l’aéroport de Beyrouth. Le prince a par la suite entamé une tournée de quatre jours au Liban pour inaugurer un dortoir ultramoderne à la Broummana High School, dans la région du Metn. Le bâtiment a été conçu par l’architecte moderniste Assem Salam, qui est à l’origine d’autres bâtiments emblématiques tels que le siège du ministère du Tourisme à Hamra et la mosquée Khashoggi, près de Horch Beyrouth.

Le prince Philip à son arrivée à l’aéroport de Beyrouth en 1967. Photo d’archives L’Orient-Le Jour

C’était la quatrième visite du prince Philip au Liban. La première avait eu lieu en 1950 alors qu’il servait dans la marine britannique, tandis que la deuxième et la troisième n’avaient duré que quelques heures chacune en 1966… peut-être pour ravitailler son avion. Il ne s’agissait pas d’une grande visite d’État. Le prince a été accueilli sans grande pompe, en présence toutefois d’une garde de cérémonie libanaise. Le quotidien Le Jour, précurseur de L’Orient-Le Jour, décrit une nombreuse foule venue accueillir le prince Philip, brandissant des drapeaux libanais et britanniques, dont nombre de femmes désireuses de jeter un œil sur le « prince charmant ».

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Le prince a été reçu par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, George Hakim, et l’ambassadeur du Royaume-Uni. La police bordait le chemin de l’aéroport, tandis que les membres de la communauté britannique au Liban étaient présents pour le saluer. Bien qu’il ne s’agissait pas d’une visite officielle, le président Charles Hélou avait mis sa Cadillac à sa disposition.

Le prince Philip avec le président de l’époque, Charles Hélou, en 1967. Photo d’archives L’Orient-Le Jour

« Soft power »

Selon l’historien James Vaughan, auteur de The Failure of American and British Propaganda in the Arab Middle East, 1945-57, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni cherchait à exercer davantage de « soft power » par le biais des institutions éducatives. Au Liban, les responsables britanniques ont constaté qu’ils étaient à la traîne dans cet effort, surtout par rapport aux Américains.

Le président libanais de l’époque, Camille Chamoun, et l’ambassadeur britannique Edwin Arthur Chapman-Andrews ont créé un fonds pour construire une école britannique au Liban, en collectant de l’argent auprès de sources publiques et privées au Royaume-Uni et au Liban. Cependant, l’école n’a jamais vu le jour et l’argent a été utilisé pour construire les dortoirs de la Broummana High School pour un coût de 600 000 livres libanaises (l’équivalent de 200 000 dollars à l’époque). Étaient présents à la cérémonie d’ouverture, au côté du prince Philip, des représentants du gouvernement, des diplomates, des présidents d’université et des étudiants, ainsi qu’une femme de 95 ans, Farida Akl, ancienne directrice de l’école et qui a donné des cours d’arabe à T. E. Lawrence, l’agent britannique de la Première Guerre mondiale plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie.

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Cependant, les responsables municipaux de Broummana avaient boycotté la cérémonie, protestant contre le fait que le duc d’Édimbourg a été reçu par des fonctionnaires et des diplomates qui « se sont chargés d’accueillir le duc au lieu des hôtes légitimes, les habitants de Broummana », selon un communiqué publié alors par la municipalité dans le Daily Star. À l’ouverture, le prince avait fait un discours enthousiaste : « L’éducation est un mal nécessaire, mais dans une si belle école, c’est un moindre mal. »

La maison d’Édimbourg au lycée de Broummana, 2022. Mohammad el-Chamaa/L’Orient Today

Sous la pluie

Le bâtiment a été nommé Edinburgh House en son honneur, ce qui l’a amené à plaisanter en disant : « Le choix a vraiment été fait par l’école, je ne vous l’ai pas vraiment infligé. » Il a ajouté que le fait de retirer la gravure du nom du bâtiment, maintenant qu’il était terminé, augmenterait les coûts de construction.

Le voyage a été gâché par le mauvais temps et la pluie. Philip devait visiter la base aérienne de Rayak, mais il en a été dissuadé par la météo et s’est finalement rendu à Beiteddine. Par la suite, il a visité des sites archéologiques à Jbeil en compagnie de l’émir Maurice Chehab, fondateur du Musée national de Beyrouth. Alors qu’il s’adressait à une association commerciale, le prince a déclaré que le tourisme était préférable à l’aide étrangère puisqu’il « met l’argent directement là où il est le plus utile : dans la poche des gens ordinaires », sous la forme de transports, d’hôtels et de magasins nécessaires pour servir et soutenir le secteur, peut-on lire dans L’Orient – l’autre précurseur de L’Orient-Le Jour – et le Daily Star. Alors que le prince Philip quittait Beyrouth, il pleuvait à verse. Au cours de la cérémonie d’adieu, trempé, il aurait lancé, sur un ton badin : « Je retourne en Angleterre, j’espère y trouver un climat plus chaud ! »


Cet article a été originellement publié en anglais par L'Orient Today le 10 septembre 2022.

Les autorités libanaises ont annoncé vendredi quatre jours de deuil national (du 9 au 11 septembre, ainsi que le 18, jour des funérailles) après le décès de la reine Elizabeth II, qui s’est éteinte jeudi soir. Et pourtant, la reine ne s’est jamais rendue au Liban, bien qu’elle ait voyagé dans 117 pays lors de visites d’État officielles. Cependant, son défunt mari, le prince...

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