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Agenda - commémoration

Alain Ménargues, le courage de la vérité quoi qu’il en coûte

Alain Ménargues, le courage de la vérité quoi qu’il en coûte

Alain Ménargues posant près de son ouvrage « Les secrets de la guerre du Liban ». Photo DR

Il y a un an, le 5 septembre 2021, nous quittait le journaliste et auteur français Alain Ménargues, né le 23 janvier 1947. Une figure bien connue du public libanais pour avoir couvert la guerre du Liban durant des années en tant que grand reporter de Radio France, ainsi que pour ses ouvrages qui traitent de ce pays qu’il a tant aimé, Les larmes de la colère* et, surtout, les deux tomes des Secrets de la guerre du Liban**. Quand on parle avec ceux qui ont connu Alain Ménargues, les mêmes termes reviennent avec insistance : un homme épris de liberté, doté d’un courage exceptionnel dans l’exercice de sa fonction, qui se caractérise par une honnêteté intellectuelle à toute épreuve.

De ses années comme correspondant au Liban, les vétérans de L’Orient-Le Jour se souviennent d’un homme jovial, toujours souriant, qui aimait, à l’instar d’une bonne majorité de correspondants étrangers, notamment français, venir bavarder avec l’équipe du journal. Ils se souviennent surtout du courage d’un journaliste qui n’hésitait pas à se rendre sur le terrain, malgré tous les risques de mort et d’enlèvement, durant ces années noires. Selon la description d’une journaliste libanaise qui a couvert la guerre, il était « extrêmement bien renseigné et était de la trempe des grands reporters, de ces références qui avaient accès à des renseignements qu’on ne rêvait pas d’obtenir. Il était profond dans son approche des dossiers, cherchant à comprendre la réalité au-delà de la propagande ».

Katia Ménargues, son épouse franco-libanaise durant 22 ans, diplomate, affirme qu’il est difficile de séparer l’homme du journaliste. « Dans sa vie personnelle comme professionnelle, Alain Ménargues était un homme chaleureux et très généreux. Quand il aimait, c’était inconditionnellement et sans aucune retenue. L’homme comme le journaliste était épris de liberté et d’indépendance. Même au sein du couple, chacun respectait la liberté de l’autre. À titre d’exemple, j’étais très inquiète lorsqu’il se rendait dans un endroit dangereux, mais je respectais son métier. »

Selon elle, l’amour du journaliste pour le Liban trouve sa racine dans une première visite qu’il a effectuée vers 15-16 ans auprès de son oncle et de sa tante, à Beyrouth. Le premier était journaliste et la seconde diplomate. « Il est tombé amoureux du pays depuis ce temps, il le trouvait magique sous tous les aspects, il a adoré la chaleur de sa population et son hospitalité. »

Plus tard, Alain Ménargues est devenu grand reporter à Radio France, un choix de métier probablement influencé par son oncle. Il a couvert plusieurs guerres, mais en 1982, on lui a proposé de remplacer le correspondant de Radio France au Liban, victime d’un accident. « Il a dit oui sans hésiter ; pour lui, c’était inespéré », raconte sa femme. C’était au début de 1982, il allait couvrir l’invasion israélienne et tout ce qui a suivi.

« Il m’a parlé de la difficulté de ces années passées au Liban, surtout en raison de l’enlèvement de journalistes et diplomates français, poursuit Katia Ménargues. Lui-même était en grand danger, mais n’a pas pour autant renoncé au terrain. Il disait qu’il ne pouvait pas travailler depuis son bureau, qu’il se devait de dire la vérité, de répercuter la voix des Libanais victimes de la guerre. Voilà pourquoi il prenait ses précautions, essayait de varier tous les jours ses itinéraires, de dormir à des endroits différents, de ne pas avoir d’habitudes fixes que les ravisseurs pourraient repérer… »

Plus tard, affirme-t-elle, c’est cette même volonté de publier la vérité telle qu’il a pu la vivre et la vérifier de diverses sources qui le pousse à écrire Les secrets de la guerre du Liban, un ouvrage où il a choisi de nommer tous les protagonistes, au risque de se faire des ennemis, parce qu’il pensait que ça aiderait les Libanais à poursuivre leur histoire. « Il faut voir la méticulosité qu’il a mise dans ce projet, où il a révélé toute la vérité, ce qui lui a valu de se faire beaucoup d’ennemis. Il avait un courage phénoménal, il n’a jamais hésité à prendre des risques », raconte son ami de longue date Marc Flamant. Un courage qui devait lui coûter, plus tard dans sa carrière, un poste important.

Marc Flamant a connu le journaliste en 1988 à Beyrouth, par le biais d’amis communs desquels il s’était inspiré pour son ouvrage Les larmes de la colère. « Il a voulu m’intégrer dans son livre, et nous sommes restés amis depuis, se souvient-il. Nous étions tellement proches que nous passions tout notre temps ensemble quand il venait au Liban. En tant qu’ami, il était d’une fidélité sans pareille. »

Que pensait-il du Liban d’après-guerre ? « Il était très triste et déçu de ce qui s’est passé après le conflit, dit Katia Ménargues. Il pensait qu’une telle guerre devait déboucher sur l’édification d’un pays doté d’un véritable programme politique, que les Libanais devaient avoir appris de leurs erreurs. »

Interrogée sur ce qu’il laisse en héritage, sa femme affirme qu’il « voulait toujours voir ses confrères épris de liberté et de justice. Sa devise était : un homme bien renseigné est un citoyen, un homme mal renseigné est un sujet. »

*« Les larmes de la colère », Presses de la Renaissance. Récit sur la guerre du Liban, 1991.

**« Les secrets de la guerre du Liban, tome 1 » (français/arabe), éditions Albin Michel, avril 2004 ; et « Les secrets de la guerre du Liban, tome 2 », éditions Librairie internationale, 2012 (français/arabe).

Il y a un an, le 5 septembre 2021, nous quittait le journaliste et auteur français Alain Ménargues, né le 23 janvier 1947. Une figure bien connue du public libanais pour avoir couvert la guerre du Liban durant des années en tant que grand reporter de Radio France, ainsi que pour ses ouvrages qui traitent de ce pays qu’il a tant aimé, Les larmes de la colère* et, surtout, les deux tomes...