Un officier des FSI arrêté pour avoir critiqué... le Centre de gestion du trafic routier

L'officier des Forces de sécurité intérieure (FSI) et spécialiste en sécurité routière, Michel Moutran, a été arrêté vendredi soir par la police en raison d'un tweet dans lequel il déplore le fait que le Centre de gestion du trafic routier (TMC) publie au quotidien sur Twitter un nombre accru de décès en raison d'accidents routiers au Liban. Contactée par L'Orient-Le Jour, sa femme, instructrice universitaire spécialisée en chimie, Joëlle Bassil, affirme que son arrestation pourrait être due à "des raisons personnelles", M. Moutran étant actuellement au service du directeur des FSI, le général Imad Osman, avec qui il est en froid. 

Contactée par L’Orient-Le Jour, une source proche des services de sécurité assure qu’il s’agit d’une "sanction disciplinaire due à une publication de Michel Moutran sur les réseaux sociaux sans autorisation du directeur général" des FSI, le général Imad Osman. Cette source assure par ailleurs "qu’il n’y a aucun problème d’ordre personnel entre le général Osman et l’officier, contrairement à certaines rumeurs". "Il faut respecter les directives émises par le commandement des FSI, tout simplement", poursuit-il.

Dix jours d'arrestation

"En décembre 2013, j'ai écrit le premier tweet depuis mon portable. Le but n'était pas de créer un compte mais de lancer un momentum qui permettrait de faire progresser le secteur de la sécurité routière afin qu'aucun décès ni blessé ne soient signalés", écrivait l'agent sur ses comptes Twitter et Facebook vendredi dernier. "Nous avons réussi dans plein de choses mais l'expérience s'est terminée deux ans plus tard avec déception", avait-il poursuivi, sans donner plus de détails L'agent a depuis été muté à un autre poste. "Aujourd'hui, le compte du TMC s'est transformé en page qui énumère les blessés et décès au quotidien ! Il est devenu, comme on le dit à la libanaise, un avis de décès", a-t-il déploré. "L'histoire de ce compte ressemble à la réalité du pays. La mort de 5 personnes au quotidien dans un pays de 6 millions d'habitants veut dire que nous perdons 30 personnes par 100.000 habitants. Nous sommes parmi les premiers pays au monde au niveau des décès sur les routes", a-t-il regretté.

"Vendredi, les FSI ont convoqué mon mari par téléphone à leur siège secteur du Musée à Beyrouth, en raison d'une publication sur les réseaux sociaux, alors que nous nous trouvions à notre domicile à Zahlé", confie Mme Bassil à notre publication. "Nous nous y sommes rendus sur-le-champ. Après avoir interrogé mon mari, les agents m'ont informée que celui-ci sera arrêté pour dix jours", a-t-elle ajouté, notant avoir été empêchée de le voir samedi pour lui remettre des affaires personnelles.

"Mon époux n'a nui à personne dans sa publication qu'il a postée le premier jour de l'Adha, énervé par le fait que cinq décès avaient été signalés sur la page du TMC. Je pense que son arrestation serait due à des raisons personnelles, vu qu'il n'est pas apprécié au sein des FSI. Un grand nombre d'agents ont été promus alors que lui demeure au même grade depuis des années. Après avoir géré le compte Twitter de la sécurité routière pendant deux ans, il a été amené à occuper un autre poste pour des raisons qui demeurent jusque-là inconnues. Mon époux est actuellement au service du directeur général des FSI, Imad Osman", note-t-elle.

La source proche des services de sécurité confie que "les FSI sont outrées par les accusations d’atteinte à la liberté d’expression" dont elles font l’objet depuis que l’affaire s’est ébruitée. Il indique par ailleurs que Michel Moutran "n’en est pas à sa première sanction disciplinaire". "Il a déjà reçu plusieurs avertissements par le passé. Il sait utiliser les moyens de communication pour se faire de la publicité mais il n’a jamais travaillé de manière convenable", accuse ce responsable. "Voilà pourquoi il n'a pas été promu récemment", ajoute-t-il.

Le Liban enregistre un grand nombre d'accidents routiers en raison d'un faible contrôle de l'application du code de la route. L'absence de maintenance et de suivi des infrastructures routières empire dans le pays, embourbé dans la pire crise socio-économique de son histoire contemporaine.