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Lifestyle - Page blanche

Taxi Driver

Taxi Driver

Photo M.A.

Je prends souvent des taxis, c’est pratique. Pas de stress au volant, pianotage sur le téléphone et passage de coups de fil, petite sieste au besoin. Et le soir, c’est plus sûr que de se retrouver seule dans les rues obscures à la recherche d’une place. J’ai toujours fait appel à la même compagnie de taxis. En 20 ans, on finit par nouer des liens. « Allo Suzanne, bteb3atilé siyyara please ? » Suzanne connaît toute la maisonnée. Tout comme les chauffeurs qui sont là depuis des lustres. Elle connaît nos horaires, à quelle heure commence l’école, où habitent les amis de mon fils, quand je suis là et quand je suis en voyage. Après toutes ces années, curieuse de savoir à quoi elle ressemblait, je suis allée la surprendre dans leur « bureau » qui ressemble plus au dekken du coin qu’aux locaux d’Uber. Suzanne a la bouille de sa voix : adorable et affable. Tout comme Abed, ce chauffeur qui félicite les parents qu’il prend en course pour avoir élevé des garçons polis et fans de foot. C’est rassurant de savoir qu’on peut envoyer ses enfants en voiture avec des gens bienveillants ; qu’on les paiera la prochaine fois parce que le petit n’avait pas assez d’argent. Fluctuation du dollar oblige.

Mais prendre un taxi au Liban, ce n’est pas seulement faire un trajet avec quelqu’un qu’on connaît. C’est une aventure. Les chauffeurs des taxis et des services (les vrais Uber d’avant Uber) regorgent d’histoires. Ils ont généralement plus que la quarantaine. Et récemment, depuis la crise, bien plus encore. Ils ont envie de parler, de se confier, et ne nous mettront pas 5 étoiles parce qu’on a pris la peine de les écouter. Ce n’est pas bien grave, on n’est pas en compétition avec d’autres clients. « 3al Hamra, please. » Durée de la course : quinze minutes. Un peu plus, probablement, à cause des embouteillages. Quinze minutes donc, une bonne moyenne pour le chauffeur qui sortira sa version courte de la guerre du Liban. La longue, c’est généralement pour les touristes qu’il emmène au Nord ou dans la Békaa. Elle est parfaitement étudiée, son histoire. 1975-1990 : la ligne de démarcation, les invasions israéliennes, la mort de Bachir, Aoun et les FL et la découverte de l’Ouest au début des années 90. Il sourit en disant que maintenant, Hamra, il la connaît par cœur. Il parle de la situation, bien évidemment, de sa difficulté à joindre les deux bouts et indubitablement de la hausse des prix de l’essence. Il ne sait pas s’il pourra continuer à officier « si ça continue comme ça ». « 3a Saïda, please. » Une blonde entrant dans le taxi, le chauffeur présume tout de suite que c’est une étrangère. Il passe automatiquement de VDL à Nostalgie. Elle doit probablement préférer Claude Barzotti à Waël Kfoury. Quelques petits mots en anglais et en français jetés ici et là, jusqu’à ce qu’il réalise que sa passagère est libanaise. Petite déception, elle connaît les vrais tarifs. Mais même s’il avait voulu jouer à ce jeu-là, il n’aurait pas atteint l’audace des taxis de l’aéroport, qui appartiennent à on-sait-qui. Les rois de l’arnaque qui, le sourire vicieux aux lèvres, murmurent à qui veut les entendre leur : « Taxi ? taxi ? »

Heureusement que tous les chauffeurs ne sont pas inscrits à cette enseigne-là et que tous ne cherchent pas à berner le client.

Non, il y a de gentils messieurs qui, après vous avoir accueillie avec un « Bonsoirik bonsoir », vous emmènent en vadrouille, vous font la tournée des ministères pour faire vos formalités, descendent avec vous pour vous expliquer comment ça fonctionne, savent où trouver encore ces timbres obligatoires et ridicules, vous accompagnent chez LibanPost et attendent patiemment que vous ayez terminé la paperasse. Une fois la tournée des grands ducs terminée, ils vous ramènent à la maison, et pendant qu’ils attendent que la porte se referme convenablement derrière vous, vous lancent de la fenêtre un « Allah ye7miké ».

Chroniqueuse, Médéa Azouri anime avec Mouin Jaber « Sarde After Dinner », un podcast où ils discutent librement et sans censure d’un large éventail de sujets, avec des invités de tous horizons. Tous les dimanches à 21h, heure de Beyrouth.

Épisode du 12 juin : Élie Habib, cofondateur d’Anghami

Je prends souvent des taxis, c’est pratique. Pas de stress au volant, pianotage sur le téléphone et passage de coups de fil, petite sieste au besoin. Et le soir, c’est plus sûr que de se retrouver seule dans les rues obscures à la recherche d’une place. J’ai toujours fait appel à la même compagnie de taxis. En 20 ans, on finit par nouer des liens. « Allo Suzanne, bteb3atilé...

commentaires (1)

"être taxi auj a 70ans et plus"...?! c est la pension du 3eme age que Michel Aoun avait promis lors de son élection et ses speaches au peuple libanais.

Marie Claude

07 h 45, le 16 juin 2022

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Commentaires (1)

  • "être taxi auj a 70ans et plus"...?! c est la pension du 3eme age que Michel Aoun avait promis lors de son élection et ses speaches au peuple libanais.

    Marie Claude

    07 h 45, le 16 juin 2022

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