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Lifestyle - Page blanche

(Re)voir le Liban

(Re)voir le Liban

Photo M.A.

Il y a deux ans et demi, le Liban tel qu’on le connaissait commençait sa métamorphose. Une transformation que nous avons amorcée avec lui. Nous aussi, nous avons changé, rien ne pouvant plus jamais être comme avant. Comme avant la révolution, avant le capital control, la pandémie, la crise économique, la descente aux enfers. Les souvenirs commençaient à s’estomper et s’inscrivaient dans un passé lointain… Tant de choses ont eu lieu. Depuis deux ans et demi, se sont succédé des événements que peu de gens rencontreront dans une vie entière. Nous avons beaucoup perdu, peu gagné et laissé tant de plumes au passage. Pour certains, la vie a continué bon gré, mal gré. Pour moi, elle s’est suspendue. Ma vie libanaise s’est arrêtée sans plus pouvoir rien faire de ce que je faisais avant. Une sorte de deuil interminable, le sentiment d’être coincé dans un purgatoire qui n’en finissait pas de finir. Quoi faire, quoi dire, quoi écrire ?

Quoi écrire surtout ? Écrire sur le combat, la désillusion, la haine, l’exil, la peur, le chagrin, l’espoir, l’absence d’espoir, l’abandon, la politique. Toutes ces choses du quotidien qui rongeaient des centaines de milliers d’entre nous. En finissant par oublier le reste. Tout le reste et ce qu’il y a autour. Nous avons quasiment arrêté de sortir, restant cloîtrés chez nous. Nous nous sommes enfermés et renfermés en attendant que ça passe. Beaucoup ont dû partir à l’étranger pour se remettre à travailler. Ces va-et-vient rendaient la tâche encore plus difficile. Passer d’un environnement normal à une vie absurde exacerbait encore plus notre mal-être. Comment retrouver ses marques quand on est plongé dans le noir, à la merci de la fluctuation du dollar ? Quand on est obligé de rapporter ou de demander des médicaments, des produits qui n’existent plus ?

Quand on ne sait pas de quoi sera fait le lendemain et qu’on sait qu’ailleurs, la vie est un peu plus douce ? Nous ne savions plus quoi penser et quoi écrire. La page blanche s’est imposée, et elle ne voulait plus perdre sa virginité. Pour moi, il n’y avait plus rien à dire. Et pourtant...

Au-delà de la grisaille et de la tristesse, du désarroi et de la politique, il y a des milliers de Liban(s) qui subsistent. Qui existent dans des rencontres, des odeurs, des sons, des saveurs, des mots, des visages, des musiques, des images. Il suffit de regarder, de contempler, d’entendre, d’écouter, de parler, de sentir, de respirer, goûter, toucher. Il suffit d’un peu, d’un tout petit peu, pour revoir ce Liban que je croyais disparu. (Re)voir ces gens dont les traits s’étaient effacés. (Re)voir leurs sourires. Les entendre raconter des histoires. Des histoires drôles ou éplorées. Juste surprendre une conversation, emprunter un chemin, passer une soirée au bord de la mer, croiser un voisin, tomber sur une connaissance dans la rue, discuter avec un chauffeur de taxi, percevoir un rire étouffé, regarder les gens se mouvoir et le Soleil briller pour réaliser que la vie était encore là. Aussi chaotique et fracturée soit-elle. La vie est là, en chacun de nous. Avec ses hauts et ses bas, ses préoccupations et ses tracas, ses joies et ses peines. La vie de tous les jours, celle des nuits. La vie d’ici et la vie des Libanais de là-bas. Cette vie qui n’est pas un long fleuve tranquille, mais qui suit son cours.

Mes pages ne seront plus blanches. Ni noires. Il ne s’agira pas d’un nouveau chapitre ou d’une page qui se tourne. Il s’agira désormais, pour moi, de poser un autre regard, ni forcément nouveau ni forcément nostalgique ; de raconter des histoires, des moments, des instants. Des choses que j’ai vues, entendues, surprises, soupçonnées. Ces petites choses qui racontent beaucoup. Beaucoup de nous.

Chroniqueuse, Médéa Azouri anime avec Mouin Jaber « Sarde After Dinner », un podcast où ils discutent librement et sans censure d’un large éventail de sujets, avec des invités de tous horizons. Tous les dimanches à 21h, heure de Beyrouth.

Épisode du 5 juin avec Jad Ghosn : https://youtu.be/UN5jwuxXGJM

Il y a deux ans et demi, le Liban tel qu’on le connaissait commençait sa métamorphose. Une transformation que nous avons amorcée avec lui. Nous aussi, nous avons changé, rien ne pouvant plus jamais être comme avant. Comme avant la révolution, avant le capital control, la pandémie, la crise économique, la descente aux enfers. Les souvenirs commençaient à s’estomper et...

commentaires (2)

Bonjour, j'ai essayé de cliquer sur le lien auquel vous renvoyer depuis l'application Safari, et aussi l'application Firefox, mais elles répondent qu'elles ne peuvent pas ouvrir la page car l'adresse indiquée n'est pas valide. Je perle du lien suivant : Ghosnhttps://youtu.be/UN5jwuxXGJM

ASSAF Milka

12 h 19, le 09 juin 2022

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Commentaires (2)

  • Bonjour, j'ai essayé de cliquer sur le lien auquel vous renvoyer depuis l'application Safari, et aussi l'application Firefox, mais elles répondent qu'elles ne peuvent pas ouvrir la page car l'adresse indiquée n'est pas valide. Je perle du lien suivant : Ghosnhttps://youtu.be/UN5jwuxXGJM

    ASSAF Milka

    12 h 19, le 09 juin 2022

    • Bonjour, Merci pour votre commentaire. Le lien a été corrigé et est désormais accessible. Bien cordialement

      L'Orient-Le Jour

      12 h 24, le 09 juin 2022

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