Rechercher
Rechercher

Campus - PATRIMOINE

Quand une étudiante libanaise veut ressusciter le Grand Théâtre de Beyrouth

À l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, la soutenance de son mémoire, effectuée au rythme de chansons et de poèmes libanais, a valu à Clara Yammine l’appréciation du jury et l’obtention de la mention « très bien ».

Quand une étudiante libanaise veut ressusciter le Grand Théâtre de Beyrouth

À travers son projet, Clara Yammine propose une plateforme qui donne à voir le Grand Théâtre des Mille et Une Nuits en mettant en scène les voix libanaises. Photo DR

Pour Clara Yammine, tout a commencé à Araya : ses premiers pas, ses premiers rapports à l’architecture, sa première adaptation à l’espace... « Tout a commencé dans une maison. Une maison de la montagne libanaise construite par mon grand-père, réhabilitée par mon père puis abandonnée par nous lorsque nous avons dû la quitter pour nous expatrier à Paris quand j’étais enfant », dit-elle. Amoureuse du Liban, déracinée malgré elle, la jeune architecte reconnaît que c’est l’abandon de sa maison d’enfance qui l’a inconsciemment menée vers l’architecture et qui a fait naître en elle une attirance particulière pour les lieux abandonnés. Mais c’est la double explosion du 4 août 2020 qui l’a poussée à choisir le Grand Théâtre des Mille et Une Nuits pour son projet de fin d’études. « En me penchant sur l’histoire de nombreux bâtiments, j’ai découvert le lieu qui constituera le site de mon projet de fin d’études : le théâtre des Mille et Une Nuits à Beyrouth. Une architecture éclectique, beaucoup de mystère, une histoire riche et, surtout, une structure vieillissante », indique-t-elle avant d’ajouter : « Naître au Liban, c’est avoir un lien viscéral avec les lieux parce qu’on sait qu’à n’importe quel moment, ce lieu peut disparaître... »

Guérir de l’intérieur, au-delà des apparences

Dans son mémoire intitulé « 1001 voix dans la nuit : le théâtre de Beyrouth. Coulisses d’une diaspora. Scène du peuple libanais », l’architecte propose une rénovation de ce théâtre qui est, selon elle, à l’image des Libanais : rénové de l’extérieur, il s’effrite petit à petit de l’intérieur. Son idée : réhabiliter le Grand Théâtre en une radio. « J’ai imaginé une plateforme de transition où la parole et le débat occuperaient littéralement l’espace. Le Grand Théâtre deviendrait alors un émetteur-récepteur à l’échelle du Liban et à l’échelle mondiale, et le théâtre, en tant que bâtiment, un levier », précise-t-elle. L’endroit servirait entre autres à retisser les liens entre les expatriés et leur pays d’origine. Son projet, qui traduit clairement l’importance de la diaspora libanaise, retrace également l’histoire de ce bâtiment abandonné. Ainsi, Clara Yammine propose une plateforme qui donne à voir le Grand Théâtre en mettant en scène les voix libanaises. « Il incarne la culture libanaise, les drames, la résilience… Il porte sur lui les traces d’un temps révolu, les cicatrices de la guerre et les “pansements” graffés par les manifestants d’octobre 2019. C’est un lieu qui avait réussi, malgré le drame autour de lui, à cristalliser et conserver dans la mémoire de ceux qui l’ont connu des souvenirs de partage, d’expression et d’échanges », poursuit-elle. L’intervention proposée se veut très délicate, l’objectif étant de rendre le bâtiment vivable avec peu de moyens. « Concrètement, le travail a été basé sur une approche très minimaliste pour conserver la manière dont le théâtre a été construit et préserver ses matériaux... La première étape consiste à panser les plaies de ce bâtiment, réparer chaque touche qui a été endommagée par la guerre », explique-t-elle. Après cette première phase, Clara Yammine s’est intéressée à la division de l’espace. « L’élément le plus frappant pour moi a été le rideau, car il illustre la culture du voile, mais aussi la culture de ce que l’on cache et ce que l’on montre, la culture de la honte... » confie-t-elle encore.La soutenance de son mémoire, qu’elle a effectuée au rythme de chansons et de poèmes libanais, lui a valu l’appréciation du jury et l’obtention de la mention « très bien ».Dans le cadre de ses recherches, Clara Yammine a échangé avec l’architecte Georges Arbid qui lui a fait part de l’histoire du théâtre. Elle apprend ainsi, selon des écrits qu’il a partagés avec elle, que le Grand Théâtre des Mille et Une Nuits, qui a été construit en 1929, a vu se produire de nombreux comédiens et chanteurs. Pendant la guerre civile, l’édifice se retrouve sur la ligne de démarcation entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, accueillant les combattants qui venaient s’y reposer, et recèle secrètement un cinéma pornographique. À la fin de la guerre, le théâtre sera accaparé par Solidere. En 2009, après avoir rénové les façades, Solidere annonce ne pas disposer d’autres moyens que de détruire le bâtiment pour lui donner une autre fonction. C’est la comédienne Nidal el-Achkar qui se bat depuis pour que le Grand Théâtre reste debout.


Pour Clara Yammine, tout a commencé à Araya : ses premiers pas, ses premiers rapports à l’architecture, sa première adaptation à l’espace... « Tout a commencé dans une maison. Une maison de la montagne libanaise construite par mon grand-père, réhabilitée par mon père puis abandonnée par nous lorsque nous avons dû la quitter pour nous expatrier à Paris quand j’étais...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut