Rechercher
Rechercher

Monde - Religion

La guerre de l’ombre des deux Églises orthodoxes en Ukraine

Le soutien absolu du patriarche Kirill à l’invasion russe est en train de rebattre les cartes.

La guerre de l’ombre des deux Églises orthodoxes en Ukraine

Un drapeau ukrainien à l’intérieur de la cathédrale de la Nativité de la Vierge, à Kozelets, rattachée au patriarcat de Moscou. Sergei Supinsky/AFP

La guerre fait rage en Ukraine, mais Mykhaïlo Terechtchenko est empêtré dans sa propre bataille spirituelle. Ce prêtre orthodoxe, dont la paroisse est rattachée à Moscou, craint de la voir disparaître.

Mykhaïlo Terechtchenko est membre de la branche moscovite de l’Église orthodoxe ukrainienne, qui prête allégeance au patriarche russe Kirill. Mais lui-même, qui se considère comme un patriote ukrainien, est choqué par l’invasion de son pays par l’armée de Vladimir Poutine.

« Cette guerre n’a rien apporté de bon », explique le père Mykhaïlo dans son église de Kozelets, environ 80 km au nord de Kiev : « Elle ne nous a apporté que de la peine, la destruction et la mort. » Il soupire en évoquant les premiers jours de la guerre, durant lesquels il a hébergé dans les sous-sols de son église, entre les icônes et la tombe du fondateur de sa paroisse, des civils fuyant les combats.

« À proximité, il y a des villages où beaucoup de gens sont morts, dont les maisons ont été détruites. Cette douleur est aussi la nôtre », ajoute le prêtre.

L’invasion russe de l’Ukraine, démarrée le 24 février, a placé en porte-à-faux les prêtres de l’Église orthodoxe relevant du patriarcat de Moscou. Celle-ci a conservé de nombreuses paroisses à travers l’Ukraine, en dépit de la reconnaissance par le patriarcat œcuménique de Constantinople en 2019 d’une Église orthodoxe indépendante en Ukraine, mettant fin à plus de 300 ans de tutelle religieuse russe. Mais le soutien absolu du patriarche Kirill à l’invasion russe est en train de rebattre les cartes.

Le 27 février, Kirill avait dit y voir un combat contre les « forces du mal » opposées à « l’unité » historique entre la Russie et l’Ukraine. Puis, en avril, il avait appelé à faire corps autour du pouvoir contre les « ennemis extérieurs et intérieurs » de la Russie. Des propos qui ont provoqué l’indignation en Occident et fait réagir le pape François, qui lui a reproché d’être « l’enfant de chœur de Poutine ».

Pour les prêtres ukrainiens comme Mykhaïlo Terechtchenko, la situation est intenable. Continuer de prêter allégeance à leurs supérieurs de Moscou est de plus en plus difficile, mais rompre les liens avec l’Église russe risque de provoquer des troubles au sein de leur paroisse.

Difficile à croire

« Ce que le patriarche a dit est difficile à croire, s’emporte Mykhaïlo Terechtchenko : Ukrainiens, Russes et Biélorusses. Nous sommes tous des Slaves. Et pourtant, il donne sa bénédiction pour aller tuer son peuple. »

Le chef de l’Église ukrainienne rattachée à Moscou, le métropolite Onuphre, s’est lui jusqu’à présent abstenu de toute critique envers Kirill, mais ses comptes sur les réseaux sociaux sont remplis d’images de funérailles de soldats ukrainiens et de messages de soutien à l’armée de Kiev. Onuphre avait également appelé à une procession à Pâques pour tenter de sauver les soldats ukrainiens piégés dans l’aciérie Azovstal de Marioupol, assiégée par l’armée russe.

Quant aux prêtres ukrainiens qui ont déjà rompu avec Moscou, les déclarations de Kirill confirment à leurs yeux ce qu’ils affirmaient depuis longtemps des autorités religieuses russes et l’accusent de blasphème. « Le comportement et les déclarations de Kirill sont tout simplement terrifiants », assène ainsi le prêtre Oleksandre Chmouryhin de la cathédrale Saint-Vladimir, l’une des principales de la capitale ukrainienne. « C’est de la propagande (...) qui sert la guerre. Ça n’a rien à voir avec le christianisme. »

Une seule mission

En Ukraine, certains appellent désormais à l’interdiction pure et simple de l’Église rattachée à Moscou. Un projet de loi en ce sens, pas encore adopté, a été présenté en mars au Parlement ukrainien qui interdirait à l’Église orthodoxe russe d’opérer dans le pays et permettrait la saisie de ses biens.

Et certains ont déjà tourné le dos à l’Église russe. « Tous les Ukrainiens doivent s’unir et mener une seule mission : aider l’Ukraine à la victoire », affirme Daria Kolomiec, une habitante de Kiev de 33 ans.

Mais le patriarche Kirill a également des défenseurs en Ukraine et jusqu’au cœur de Kiev. « Je suis inquiète », reconnaît Iryna Guen, 34 ans, qui compare Poutine à « Satan » avant une messe dans une église rattachée au patriarcat de Moscou.

Mais, insiste-t-elle, « Kirill n’a aucun lien » avec les actes du président russe. « Il n’est pas impliqué dans ça », ajoute la jeune femme.

Et pour des prêtres comme Mykhaïlo Terechtchenko, la guerre les oblige à affronter des questions qui agitaient leurs paroisses depuis des années. « Je veux que nous ayons notre propre Église ukrainienne – indépendante de Moscou et de tout autre État, explique le religieux. On ne peut rien faire avec de la violence, seulement avec de l’amour. »

David STOUT/AFP

La guerre fait rage en Ukraine, mais Mykhaïlo Terechtchenko est empêtré dans sa propre bataille spirituelle. Ce prêtre orthodoxe, dont la paroisse est rattachée à Moscou, craint de la voir disparaître.Mykhaïlo Terechtchenko est membre de la branche moscovite de l’Église orthodoxe ukrainienne, qui prête allégeance au patriarche russe Kirill. Mais lui-même, qui se considère comme un...

commentaires (1)

Honte , honte à l’église orthodoxe russe et à Kirill

Eleni Caridopoulou

16 h 46, le 17 mai 2022

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Honte , honte à l’église orthodoxe russe et à Kirill

    Eleni Caridopoulou

    16 h 46, le 17 mai 2022

Retour en haut