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Nos Lecteurs ont la Parole

Une peine de mort fort troublante au Texas

La peine de mort est une atteinte cruelle au droit à la vie. Pourtant, elle est encore appliquée dans de nombreux pays. Aux États-Unis, il y a encore 27 États qui maintiennent la peine de mort. Récemment, un procès aux États-Unis a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit du cas de Melissa Lucio, une femme hispanique issue d’un milieu pauvre. Le mercredi 27 avril 2022, l’État du Texas était prêt à exécuter Mme Lucio, par injection létale, pour le meurtre de sa fille Mariah avant que cette exécution ne soit stoppée.

Avant d’élaborer le cas de Mme Lucio, faisons d’abord un aperçu rapide du système de justice pénale aux États-Unis qui, à propos, peut varier quelque peu d’un État à l’autre. Lorsqu’il y a un crime capital dans un État américain, ce n’est pas le juge qui décide de la culpabilité et de l’innocence d’une personne. C’est le jury qui en décide. Les membres du jury sont des gens résidant dans l’État où se déroule le procès. Le juge, en tant qu’arbitre des délibérations, s’assure du bon fonctionnement du procès selon les lois en vigueur dans l’État en question. Le verdict des 12 membres du jury (innocent ou coupable) doit être unanime. La présomption d’innocence est fondamentale dans le droit pénal américain. Le « verdict coupable » doit être fondé sur des arguments au-delà du « doute raisonnable ». En d’autres termes, il devrait y avoir des preuves accablantes pour établir la culpabilité d’une personne. À titre d’illustration, supposons qu’un membre du jury pense qu’il y a 60 % de probabilité qu’un accusé soit coupable. Dans ce cas-là, le membre de jury ne devrait pas reconnaître la culpabilité de l’accusé pour cause de « doute raisonnable » dans son esprit. En effet, il y a 40 % de chance que la personne soit innocente, ce qui constitue une possibilité considérable.

Revenons maintenant au cas de Mme Lucio qui, au moment du drame, était mère de 12 enfants. De surcroît, elle était enceinte de jumeaux. Elle était si pauvre qu’elle peinait à subvenir aux besoins de sa nombreuse famille. Elle travaillait à temps partiel comme aide-soignante. Durant une certaine période, les « Services de protection de l’enfance » lui ont enlevé ses enfants pour cause de négligence. Cependant, ses avocats ont insisté sur le fait que Mme Lucio n’a jamais maltraité ses enfants. La mort de sa fille Mariah survint le 17 février 2007 lorsque l’enfant était âgée de deux ans. Des ambulanciers paramédicaux ont été appelés d’urgence au domicile de Mme Lucio, parce que Mariah ne pouvait ni se réveiller ni respirer. Une autopsie a révélé que la cause du décès de la petite fille était due à un traumatisme contondant à la tête. La police accuse Mme Lucio d’avoir battu sa fille à mort. Les procureurs indiquent que les ecchymoses trouvées sur le corps de Mariah, ainsi qu’un bras cassé non traité, sont des preuves accablantes de maltraitances outrageantes.

Le comportement de Mme Lucio, après cinq heures d’interrogatoire ininterrompu, a aussi été utilisé comme une preuve majeure pour établir sa culpabilité. « Comment l’as-tu frappée ? » lui demanda un enquêteur. « Je ne lui ai jamais frappé la tête », a répondu Mme Lucio. « Comment donc la frapperais-tu ? » « Je lui donnerais juste une fessée », a-t-elle répliqué. Il serait aussi nécessaire de préciser que l’interrogatoire de Mme Lucio semble avoir été mené de façon contraignante comme si l’objectif était de lui extirper des confessions compromettantes. Dans la vidéo, on peut entendre l’enquêteur ordonnant à Mme Lucio de frapper une poupée d’une certaine façon afin de démontrer de façon accablante que ce sont les abus de la mère qui ont conduit à la mort de sa fille.

Mme Lucio fut reconnue unanimement coupable du meurtre de sa fille par les 12 membres du jury lors de son procès en 2008 et donc condamnée à mort par l’État du Texas. Cependant, Mme Lucio a toujours clamé son innocence. Elle affirme que quelques jours avant son décès, sa fille était tombée d’un escalier. Ses avocats ont présenté un témoignage d’expert selon lequel les ecchymoses présentes chez la fille auraient pu être causées par une chute. D’ailleurs, Mariah avait des antécédents de chute, y compris à la garderie. Cependant, ces évidences ultra-importantes n’avaient pas été présentées lors de son procès. Suite à ces nouvelles révélations, cinq membres des jurés du procès de Mme Lucio se sont rétractés en se prononçant en faveur de la clémence ou d’un sursis. « J’ai voté pour condamner à mort Melissa Lucio. J’avais tort », a reconnu l’un des membres du jury dans un article paru dans le journal texan The Houston Chronicle le 3 avril 2022.

Alors que Mme Lucio était déjà dans le couloir de la mort, un coup de théâtre fort rarissime retentit le lundi 25 avril : la plus Haute Cour pénale du Texas a ordonné l’arrêt de l’exécution de Mme Lucio deux jours seulement avant la date fatidique. Il revient maintenant à un tribunal inférieur de reprendre le dossier à la lumière de récentes révélations non prises en considération lors de l’ancien procès. Mme Lucio peut encore espérer avoir une seconde chance, car elle est incarcérée dans un pays où la transparence judiciaire et la liberté d’expression sont des principes sacro-saints ardemment défendus par la Constitution. Dans d’autres pays totalitaires et opaques, moult innocents sont condamnés à mort non seulement suite à des erreurs judiciaires, mais aussi pour leurs croyances politiques, idéologiques et religieuses. Ils sont jugés et exécutés dans l’ombre. Leurs tragédies se déroulent loin des projecteurs, loin des foules et loin des médias.

Au final, il serait souhaitable de toujours se référer à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle fut adoptée par tous les États membres de l’Organisation des Nations unies en 1948. Elle reconnaît à chaque individu « le droit à la vie » et stipule que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Plus de 70 ans après l’adoption de ce document fondamental des Nations unies, il est honteux, voire inadmissible, que la peine capitale puisse encore être en vigueur dans de nombreux pays. En tant que citoyens du monde, il ne faudrait jamais renoncer à dénoncer haut et fort cette barbarie indicible. Elle viole de façon flagrante et outrageante les principes les plus élémentaires de l’humanisme et du moralisme.


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La peine de mort est une atteinte cruelle au droit à la vie. Pourtant, elle est encore appliquée dans de nombreux pays. Aux États-Unis, il y a encore 27 États qui maintiennent la peine de mort. Récemment, un procès aux États-Unis a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit du cas de Melissa Lucio, une femme hispanique issue d’un milieu pauvre. Le mercredi 27 avril 2022, l’État du...

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La déclaration de droit de l’homme est ce que la Chine, l’Iran et d’autres pays ont signé?

Eleni Caridopoulou

17 h 55, le 16 mai 2022

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Commentaires (1)

  • La déclaration de droit de l’homme est ce que la Chine, l’Iran et d’autres pays ont signé?

    Eleni Caridopoulou

    17 h 55, le 16 mai 2022

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