Et si ça marchait ? Et si les votes du 6, du 8 et du 15 mai nous réservaient une surprise ? Et si le peuple libanais se réveillait et contrait la Sulta ? Et si nous gagnions plus d’un tiers des sièges? Que (re)deviendrait le Liban ? Et surtout, que deviendrons-nous ? Si l’espoir nous habite encore un peu, il nous est donc autorisé de rêver. Et rêvons-le, ce pays.
Le Liban de demain sortirait des soins intensifs après un long coma. Il commencerait sa convalescence avec, auprès de lui, des millions de Libanais. Il se remettrait peu à peu sur pied, doucement mais sûrement. En regardant par la fenêtre de sa chambre, il verrait les gens esquisser à nouveau quelques sourires. Les lumières se rallumeraient tour à tour. Le bruit des moteurs cesserait une bonne fois pour toutes. Les gens pourraient à nouveau faire fonctionner leurs frigos et leurs ventilateurs ; étudier à leurs bureaux et non pas à la lumière d’une bougie. Les personnes âgées ne monteraient plus les longues marches de leurs immeubles et pourraient sortir sans la crainte que le générateur ne s’arrête avant leur retour. Ces mêmes personnes âgées retrouveraient leur argent à la banque. Ces dollars qu’elles avaient mis de côté pour leurs vieux jours, les banquiers et les responsables de ce désastre étant derrière les barreaux. Ils pourraient se faire plaisir et recevoir Samira, Mohammad et Élie pour une partie de Quatorze dans l’air conditionné et non la chaleur moite du mois d’août. Ils riraient… comme au bon vieux temps.
Les élèves et les étudiants reprendraient le chemin des bancs de leur école et de leur université, sans se préoccuper de la scolarité, l’État assurant les frais. Ils verraient enfin la lumière au bout du tunnel et leur avenir serait à nouveau lumineux. Ils ne chercheraient plus à partir, à quitter leurs parents et leurs proches, des emplois ayant été assurés par la croissance que connaîtrait notre économie. Ils continueraient à vivre entourés de ceux qu’ils aiment, et non pas à des milliers kilomètres et de vidéo calls. Leurs parents les verraient se marier et avoir des enfants. Ils se retrouveraient pour des déjeuners familiaux les dimanches dans la maison de montagne qu’ils auraient pu retaper et les grands-parents pousseraient les petits sur les balançoires accrochées à l’ombre d’un figuier, après avoir mangé à leur faim.
Le soleil brillerait à l’horizon et les vagues ne seraient plus salies. Le sable et les galets borderaient le littoral. Plus personne ne jetterait des bouteilles à la mer à part pour envoyer des messages d’amour à ceux et celles qui vivent de l’autre côté de la Méditerranée. Les plus démunis n’emprunteraient plus les chemins de l’exil sur des canots de fortune, risquant leurs vies et celles de leurs enfants parce que la vie leur est devenue insupportable dans leur pays. Les hôpitaux seraient gratuits et les médicaments renfloueraient à nouveau les étagères des pharmacies. Les patients n’auraient plus peur de mourir, faute de soins. Les médecins reviendraient au Liban, tout comme les enseignants et tous ceux partis pour continuer à vivre dignement. Ils reviendraient parce que le Liban qu’ils ont aimé et rêvé commencerait sa remontée. Ils l’aideraient à se reconstruire. Petit à petit.
Les victimes du 4 août pourraient reposer en paix et pour tous ceux qui ont payé le prix de la violence et de la corruption des responsables, justice serait faite. La vérité aurait éclaté et les milices déposeraient leurs armes, condamnées de l’intérieur comme de l’extérieur. Et tous ceux qui auraient participé à ce lent génocide du peuple libanais croupiraient ensemble dans les geôles du pays. Tous les criminels, terroristes, politiciens, banquiers, responsables à la banque centrale, qui auraient abusé de leurs concitoyens. Ils seraient dépouillés de cet argent qu’ils ont volé et qui serait (re)donné au peuple libanais. Les drapeaux orange, jaunes, verts ou noirs perdraient leurs couleurs. Les logos s’effaceraient et les jeunes prendraient les rênes du pouvoir. L’État et le corps religieux se scinderaient enfin. La justice retrouverait son indépendance, l’armée serait renforcée, le Liban deviendrait laïc.
Il ne tient qu’à nous, ce dimanche, de procéder à un électrochoc.Je suis peut-être naïve, cheesy. Mes mots ressemblent peut-être à ceux de Miss Liban ou aux contes de fées. J’ai juste encore envie de rêver et d’espérer. Parce que comme l’écrivait Albert Camus dans Le Mythe de Sisyphe : « Il y a tellement d’espoir têtu dans le cœur humain. »
Chroniqueuse, Médéa Azouri anime avec Mouin Jaber « Sarde After Dinner », un podcast où ils discutent librement et sans censure d’un large éventail de sujets, avec des invités de tous horizons. Tous les dimanches à 20h00, heure de Beyrouth.
Épisode du 8 mai : Mouin & Médéa on Election Fever
https ://youtu.be/D6nCfqomme4
C’est bien une broderie palestinienne ?
13 h 39, le 13 mai 2022