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Politique - Disparition

Pierre Daccache, pluraliste dans l’âme

Entier dans tout ce qu'il entreprenait, l'ancien député de Baabda a mené de front son métier de médecin et de parlementaire.

Pierre Daccache, pluraliste dans l’âme

L’ancien député de Baabda Pierre Daccache, décédé il y a une semaine à l’âge de 94 ans. Photo d'archives Dalati et Nohra

« L’avenir c’est l’autre ». Pour l’ancien député Edmond Rizk, cette maxime de Jurgen Habermas définit bien l’ancien député de Baabda Pierre Daccache, décédé il y a une semaine à l’âge de 94 ans.

« Il était entier en tout, précise l'ex-parlementaire, dans sa vie de famille comme dans sa vie publique, dans l’exercice de son métier de médecin comme dans son travail de député. Il l’était en particulier dans son approche des relations entre les communautés libanaises. Il croyait à leur complémentarité. Pluraliste dans l’âme, il était profondément convaincu qu’aucune d’elles ne pouvait résumer le Liban, et que la patrie n’était pleine et entière que dans la complémentarité de ses composantes ».

Né en 1928, Pierre Daccache est décédé le 17 avril, laissant derrière lui une réputation de père farouchement protecteur, de médecin à la générosité proverbiale et de député toujours soucieux de l’homme. De fait, il mesurait parfaitement l’importance de la réflexion philosophique pour un homme d’action, ayant cumulé, en sus de son diplôme de médecine et de spécialiste de chirurgie générale, une licence de philosophie et un doctorat en sociologie.

Élu à trois reprises, en 1972, 1996 et 2005, avec le hiatus de la période 1976-1992, au cours de laquelle il n’y eut pas d’élections législatives, son parcours épouse le cours et les douleurs de la descente aux enfers du Liban.

«Il haïssait la guerre, souligne Jean-Pierre Daccache, son fils établi en Suisse, où son père l’avait fait fuir en 1976. « Il s’était affolé à l'idée de me voir en treillis, en train de suivre un entraînement militaire », confie aujourd'hui cet homme lui-même père de famille. « Il n’a pas supporté l’image de me voir porter les armes et, quelques temps plus tard, ma sœur et moi-même avons pris l’avion pour Genève, et pas pour quelques semaines ». Confié aux Pères jésuites, Jean-Pierre Daccache s’absentera du Liban 21 années durant.

« C’était un pacifiste de nature, et jusqu’à la moelle, ajoute son fils. Il considérait que les armes sont une aberration. N’oubliez pas qu’en tant que médecin, sa vocation était de sauver des vies, non de les perdre. Pour lui, la guerre du Liban a été une tragédie. ça lui a beaucoup pesé ».

« Attachement à l’éthique de la citoyenneté, amour de la patrie, serviabilité, foi chrétienne, Pierre Daccache a excellé dans tous ces domaines, se souvient encore son fils. Tout cela était au service du prochain. Ainsi, avant beaucoup d’autres, il a pris conscience de l’importance du respect de l’environnement. Un jour à Baabdate, où nous passions l’été, ayant réussi à atteindre mon premier oiseau avec une carabine à plomb, je fus obligé par mon père de le plumer avec l’aide de la cuisinière, et de le manger sous ses yeux, histoire d’apprendre qu’on ne porte pas atteinte gratuitement à la nature. Un autre jour, mon père a arrêté net la voiture au milieu de l'autoroute, pour me faire ramasser un papier que j’avais jeté par la fenêtre, après avoir fini ma glace ».

Loin des partis confessionnels

Élu en 1972 sur la liste du Parti national libéral (PNL), Pierre Daccache restera en tant que député « loin des partis confessionnels » , se souvient de son côté l’ancien président de la Chambre Hussein Husseini. « Je l’ai bien connu, précise -t-il. C’était un homme intègre et discret. Il a servi avec un grand désintéressement, aussi bien comme député que comme médecin, à l’hôpital Sainte-Thérèse, à Hadath. A Taëf, il a joué un rôle positif, tout en restant relativement indépendant, résistant aux fortes pressions exercées sur lui, d’autant plus que sa circonscription électorale était mixte ».

Son tempérament conciliateur n’empêcha pas Pierre Daccache d’être intransigeant sur les principes. Ainsi, en 1992, à l’appel de Bkerké, il respecte le boycottage du scrutin, comme l’essentiel des personnalités et forces chrétiennes de l’époque. En 1995, il se porte même candidat à la présidence de la République, pour s'opposer au dictat syrien. Toutefois, les élections n’eurent plus lieu cette année-là, et le mandat du président Élias Hraoui fut prorogé de trois ans.

Pour sa part, Edmond Rizk défend la cohérence de son action, au sein de la « Rencontre pour le document et la Constitution », à partir de 1992, avec des députés comme Osman Dana, Nasri Maalouf, Chafic Badre, entre autres. Face aux dérives et aux écarts dans l’application du document d’entente nationale de Taëf, Pierre Daccache s’oppose, mais sans succès, en bon gardien de l’orthodoxie, contre tout écart et tout atermoiement dans l’application de l’accord, exigeant un respect pointilleux de la Constitution .

« Il n’y avait chez lui aucune rupture entre son action politique et son travail humanitaire et de bienfaisance. Pour lui, c’était un tout, confie encore Edmond Rizk. Il était profondément engagé au service d’un Liban « uni et pluraliste », ou, pour reprendre une expression récente du pape François, il a toujours tenté de faire prévaloir la convivialité des différences. Il s’y donnait corps et âme. »

« L’avenir c’est l’autre ». Pour l’ancien député Edmond Rizk, cette maxime de Jurgen Habermas définit bien l’ancien député de Baabda Pierre Daccache, décédé il y a une semaine à l’âge de 94 ans. « Il était entier en tout, précise l'ex-parlementaire, dans sa vie de famille comme dans sa vie publique, dans l’exercice de son métier de médecin comme dans son travail de...

commentaires (3)

We long for public servants of the caliber of Dr. Daccache in Parliament. His work ethic, service to his patients, and to voters was rare. We hope to elect more candidates like him in the next Parliament.

Mireille Kang

02 h 32, le 25 avril 2022

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Commentaires (3)

  • We long for public servants of the caliber of Dr. Daccache in Parliament. His work ethic, service to his patients, and to voters was rare. We hope to elect more candidates like him in the next Parliament.

    Mireille Kang

    02 h 32, le 25 avril 2022

  • On aurait aimé qu'il soit immortel... Il l'est dans ce qu'il représente en termes de valeurs, d'éthique, de dévouement, d'abnégation, de culture, de sagesse, de discernement, d'ouverture, d'humanité, de courage, de force tranquille, de souveraineté... J'espère qu'il sera une étoile polaire pour le Liban qu'on appelle de tous nos vœux.

    Gabriel Georges Dib

    19 h 33, le 24 avril 2022

  • Un homme discret, au service du citoyen contrairement aux braillards qui sévissent au Liban.

    Zeidan

    18 h 22, le 24 avril 2022

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