
La juge Ghada Aoun lors d'une perquisition dans les locaux de la société Mecattaf, en 2021. Photo Marc Fayad
Le président de l'inspection judiciaire au Liban, Bourkan Saad, a déféré jeudi la procureure générale près la Cour d'appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, devant le Conseil de discipline à la suite d'un voyage en France en début de semaine et après des propos dans lesquels elle a critiqué certains juges libanais. La magistrate, proche du président de la République Michel Aoun, avait pris part à un colloque portant sur la corruption, organisé par le Sénat français. Dans un entretien à une chaîne française, elle avait accusé certains de ses collègues libanais de corruption.
La démarche du juge Saad intervient alors que la magistrate est au centre d'un bras de fer qui l'oppose au gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, bête noire du chef de l’État et de son entourage. Cette procédure disciplinaire à l'encontre de la magistrate n'est pas la première du genre.
Selon le site d'information el-Nashra, le président de l'inspection judiciaire reproche à la juge d'avoir "voyagé sans autorisation officielle" du ministre de la Justice Henri Khoury (également proche de Baabda), mais aussi d'avoir tenu des "propos désobligeants à l'encontre de juges libanais".
Dans une interview accordée à la chaîne Public sénat, Ghada Aoun avait déclaré : "Nous avons découvert plusieurs juges corrompus recevant des pots-de-vin (...)". "Nous faisons face à un grand lobby composé des groupes financiers, du directeur de la Banque centrale, appuyé par des membres de la classe politique et certains juges", avait-elle également affirmé.
"Surprise", mais sans commentaire
Commentant la décision de Bourkan Saad à son encontre, la juge s'est dit "surprise". "J'avais demandé une autorisation de voyage de la part du ministre de la Justice", a affirmé la magistrate à la chaîne locale OTV, proche du courant aouniste. "J'attendrai pour voir comment les choses vont progresser concernant cette mesure. Mais je continuerai à travailler sur les dossiers que je suis en train de suivre", a-t-elle affirmé, insistant sur le fait qu'elle affrontera "les tentatives à son encontre par la force de la loi et de la justice". La procureure n'a toutefois fait aucun commentaire au sujet des reproches du juge Saad concernant ses propos visant des juges libanais.
Ce n'est pas la première fois que Ghada Aoun est déférée devant le Conseil de discipline. En avril 2021, elle avait déjà été appelée à comparaître devant l'inspection judiciaire à la demande du Conseil supérieur de la magistrature, après avoir perquisitionné les locaux de la société Mecattaf pour le convoyage de fonds, à Aoukar dans le Metn. Le 18 mars dernier, Michel Mecattaf, PDG de cette société, est décédé d'une crise cardiaque, alors que l'affaire est toujours en cours.
À nouveau censuré. Décidément, les modérateurs de l’OLJ ont la trouille de tout. Je les invite à s’inspirer de leurs confrères français de Mediapart pour comprendre ce qu’est une presse courageuse
09 h 21, le 10 avril 2022