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Lifestyle - Un peu plus

Le Liban deuxième pays le plus triste du monde

Le Liban deuxième pays le plus triste du monde

Photo d’illustration Big Stock

On me demande souvent pourquoi je suis déprimée et déprimante dans mes papiers. Que ça fait trop longtemps que je le suis. Pourquoi je ne suis pas un peu plus positive. Que mon rôle est de remonter le moral des lecteurs, de leur donner espoir. D’essayer de (re)trouver un peu de joie dans ce qui nous reste au Liban.

La réponse est : 145e. Nous sommes 145es dans la dernière étude de plusieurs grandes universités canadiennes : le World Happiness Report. Dans sa 30e édition, nous sommes 145es sur 146 pays. Juste avant l’Afghanistan, classé dernier. Juste après le Zimbabwe. Ce rapport donne le classement des pays les plus « heureux » selon plusieurs critères : PIB par habitant. Produit intérieur quoi ? Au Liban ? De quel revenu moyen parle-t-on ? Espérance de vie en matière de santé… No comment. La liberté de faire des choix de vie. No comment. La générosité ; celle du peuple uniquement. Les perceptions de la corruption. No comment. Dystopie. Effectivement, chez nous, c’est l’enfer, limite Mad Max mais sans Mel Gibson. 145es sur la période 2019-2021. C’est fou quand même de voir que nous sommes tombés tellement bas. Mais tellement bas. On vivait une véritable illusion. Une sorte de Truman Show immense où tout semblait bien aller. Le soleil brillait 300 jours par an, on faisait parfois la fête, parfois pas. Les tablées étaient immenses, que ce soit chez les amis ou dans les restaurants des villages où il faisait bon se promener. On allait à la plage, à la montagne. Tout le monde était content. Enfin, tout le monde croyait que tout le monde était content. Les riches pensaient que tout le monde allait bien. La classe moyenne pensait qu’ils allaient mieux que les plus pauvres, qui eux pensaient que les riches allaient bien. Une espèce d’illusion d’optique, aussi aveuglante que le soleil, censé briller 300 jours par an. Et puis, soudain, la bulle a explosé. Explosé au visage. Et la chute est devenue vertigineuse. Nous sommes passés d’heureux à happiest depressed people in the world puis à totalement déprimés. En l’espace de deux ans, nous avons compris que les beaux jours étaient définitivement derrière nous. Nous regrettons nos vies d’avant en réalisant qu’elles étaient belles. Plus belles qu’aujourd’hui. Mais les questions nous taraudent. Nagions-nous vraiment dans le bonheur ? Ne savait-on pas que cette Cocotte-Minute allait finir par exploser au sens propre comme au sens figuré ?

2e. Deuxième pays le plus triste au monde. Après l’Afghanistan. L’Afghanistan, ses talibans, la disparition des droits des femmes, du droit d’expression. Le retour de l’oppression. Et nous. Plus triste que le Zimbabwe qui a inventé le terme zollar. Tout comme notre lollar. Une sacrée claque quand même pour nous, qui avons souvent eu tendance à penser que nous sommes un pays bien meilleur que les autres. Un peuple bien au-dessus des autres. Ce classement fait mal. Il fait mal parce qu’en fait nous devons probablement être l’un des peuples les plus tristes du monde. Au Liban et ailleurs. Parce que, quelle que soit notre situation économique, qu’on soit mieux lotis que d’autres, que nous ayons trouvé un boulot à l’étranger, qu’on ait une autre nationalité, que notre argent soit hors du pays, personne ne l’est vraiment. Sauf peut-être certains « enfants de » qui ne sont jamais sortis de leur bulle depuis qu’ils sont nés. Vivant dans le déni et l’opulence. Personne ne l’est. Même s’il semblerait que certains ont tout pour être heureux. Et au-delà de cette tristesse ancrée en eux, se greffe la culpabilité d’avoir eu plus de chance et donc de ne pas avoir le droit de se plaindre. De ne pas oser avouer qu’ils vont mal. Qu’ils souffrent en silence, parce qu’en apparence, ils vont mieux que d’autres. Mais les apparences sont trompeuses. Les sourires le sont aussi. Ils sont éphémères. Ils s’estompent une fois la nuit tombée. Seul(e) au fond du lit, avec, comme unique camarade, cette terrible certitude que nous n’avons plus de pays, que tout ça n’est pas vraiment temporaire et qu’il n’y a que le provisoire qui dure. Nous sommes dans un deuil anticipé. Le deuil de notre pays. Comment voulez-vous qu’on aille bien ? Que j’aille bien ? Que j’écrive bien ?

On me demande souvent pourquoi je suis déprimée et déprimante dans mes papiers. Que ça fait trop longtemps que je le suis. Pourquoi je ne suis pas un peu plus positive. Que mon rôle est de remonter le moral des lecteurs, de leur donner espoir. D’essayer de (re)trouver un peu de joie dans ce qui nous reste au Liban. La réponse est : 145e. Nous sommes 145es dans la dernière étude de...

commentaires (6)

"QUAND TU PENSES QU'IL N'Y A VRAIMENT PLUS AUCUN ESPOIR, PENSE AUX HOMARDS QUI SE TROUVAIENT DANS L'AQUARIUM DU RESTAURANT DU TITANIC"

Haddad Fadi

09 h 27, le 25 mars 2022

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Commentaires (6)

  • "QUAND TU PENSES QU'IL N'Y A VRAIMENT PLUS AUCUN ESPOIR, PENSE AUX HOMARDS QUI SE TROUVAIENT DANS L'AQUARIUM DU RESTAURANT DU TITANIC"

    Haddad Fadi

    09 h 27, le 25 mars 2022

  • "personne ne l'est vraiment" est répété plusieurs fois. La première fois il faudrait préciser "personne n'est vraiment HEUREUX", parce qu'au vu de ce qui précède, on comprend : "personne n'est vraiment TRISTE". En dépit de cette petite ambiguïté qui a dû vous échapper, j'aime beaucoup vos articles! Et c'est vrai, même ceux qui vivent confortablement à l'étranger, ceux qui ont passé entre les gouttes ne peuvent être pleinement heureux à cause de ce sentiment de culpabilité qui les ronge parce qu'ils ont plus de chance que les autres.

    Politiquement incorrect(e)

    17 h 07, le 24 mars 2022

  • Bravo et merci Médéa.

    f.nassar

    12 h 31, le 24 mars 2022

  • Il ne reste qu'un petit effort à faire pour voler sa place à l'Afghanistan, ça va être difficile, puisque ce pays vient d'interdire à nouveau les écoles pour les filles. Plus sérieusement, encore aujourd'hui quand quelqu'un me dit qu'il va au Liban un sourire joyeux se dessine sur son visage ! L'attractivité magique du pays n'a jamais faibli et ne faiblira jamais!

    Céleste

    12 h 17, le 24 mars 2022

  • Bravo Médéa, C'est tout à fait ça ! La célèbre résilience des libanais est usée jusqu'à la corde, leur joie de vivre est épuisée, ne reste plus que la tristesse, le désespoir et l'attente d'une dernière vague qui couchera définitivement le pays du Cèdre!

    Pandora

    08 h 00, le 24 mars 2022

  • Heureusement il nous reste gendrillon qui nous fait encore rire. Tiens, rien que dimanche passé il nous promettait un avenir radieux, l’électricité 24h/24, des barrages, etc. Sous sa présidence bien sûr. Ce n’est pas mignon ça? Po.si.ti.vons!

    Gros Gnon

    04 h 04, le 24 mars 2022

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