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Moyen-Orient - Éclairage

Pourquoi Téhéran a frappé Erbil

Les pasdaran ont revendiqué hier être derrière la douzaine de missiles balistiques tirés contre la capitale régionale du Kurdistan irakien.

Pourquoi Téhéran a frappé Erbil

Un passant devant des demeures endommagées à la suite de l’attaque nocturne à Erbil revendiquée par les pasdarans, dans la nuit du 12 au 13 mars 2022. Safin Hamed/AFP

La partie de ping-pong entre l’Iran et l’État hébreu en Syrie dans le cadre de la guerre civile s’est déplacée dans la nuit de samedi à dimanche en Irak, déjà régulièrement mis à rude épreuve par les tensions irano-américaines. Près d’une douzaine de missiles balistiques ont ainsi frappé Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. D’après le ministère kurde de l’Intérieur, les missiles ont visé le nouveau bâtiment du consulat américain, causant des dégâts matériels et blessant un civil. Selon un responsable de la sécurité irakienne interrogé par l’agence de presse Reuters, les armes en question ont été fabriquées en Iran. Et une fois n’est pas coutume, les gardiens de la révolution iranienne (armée idéologique de la République islamique) ont revendiqué l’attaque, affirmant avoir visé un « centre stratégique » israélien et menaçant l’État hébreu de nouvelles opérations « destructrices », bien que l’existence desdits centres ne soit pas prouvée. La démonstration de force survient plusieurs jours après les frappes aériennes israéliennes en Syrie qui, selon Téhéran, auraient tué deux hauts responsables des pasdaran, Ehsan Karbalaipour et Morteza Saidnejad. Si les protagonistes ne s’opposent pas régulièrement sur le terrain irakien, Israël y est toutefois déjà intervenu. En août 2019, il avait par exemple mené une frappe aérienne sur un dépôt d’armes en Irak qui, selon lui, était exploité par l’Iran en vue de le déplacer vers la Syrie.

« Le mouvement de la résistance en général – qu’il s’agisse de l’Iran ou de ses supplétifs – a longtemps utilisé l’idée d’une présence israélienne ou d’une présence du Mossad dans la région autonome du Kurdistan pour justifier d’autres attaques par le passé », commente Lahib Higel, analyste sur l’Irak au sein du Crisis Group. « Ce n’est pas une donnée confirmée mais nous savons que la région autonome du Kurdistan entretient des relations avec Israël. Il a pu y avoir par le passé des exportations de pétrole du Kurdistan vers Israël », poursuit l’experte.

Une conférence avait par ailleurs été organisée en septembre 2021 à Erbil par un think tank américain pour défendre l’idée d’une normalisation des relations entre l’Irak et l’État hébreu. Plus de 300 Irakiens, dont des chefs tribaux, y avaient assisté. Néanmoins, la justice irakienne a par la suite délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de trois personnalités ayant appelé à l’établissement de liens diplomatiques entre leur pays et Israël.

Contourner Moscou

L’attaque revendiquée hier par les gardiens de la révolution vise pour Téhéran à montrer les muscles dans un contexte international et régional particulièrement tendu. Le lancement de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février a conduit à suspendre les pourparlers indirects sur le nucléaire iranien, alors qu’un accord était à portée de main. En cause : l’exigence de dernière minute formulée par Moscou demandant des garanties l’exemptant des sanctions liées à l’Ukraine qui pourraient restreindre ses futurs échanges avec la République islamique. Or, de telles assurances pourraient, aux yeux de Washington et de ses alliés européens, saper l’impact des mesures punitives imposées par l’Occident à la Russie depuis plusieurs jours.

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La symbolique de l’attaque est d’autant plus forte que l’Iran a cherché dans le cadre des pourparlers à obtenir de Washington la suppression des sanctions non nucléaires qui lui ont été infligées durant l’ère Trump à travers la politique dite de pression maximale, à commencer par le retrait des pasdaran de la liste des organisations terroristes étrangères. « La guerre Ukraine-Russie a un impact dans le sens où Moscou ne joue plus un rôle constructif dans les négociations et a mis en avant ses propres demandes que l’Occident ne peut accepter », résume Lahib Higel. « Cela a également pris au dépourvu les Iraniens. Ils semblent ne plus envisager la probabilité de réintégrer l’accord de Vienne sur le nucléaire, ou tout du moins, il semble qu’une partie des gardiens de la révolution n’y croit pas. »

Comme en écho à la suspension des discussions irano-américaines, Téhéran a mis en pause les pourparlers avec son rival régional, l’Arabie saoudite, selon un site internet affilié au principal organe de sécurité iranien, sans donner les raisons derrière cette décision. Or, un cinquième cycle de négociations devait commencer cette semaine. Une initiative qui pourrait, entre autres, s’expliquer par le fait que Riyad a procédé samedi à des exécutions massives qui auraient visé notamment près de 41 musulmans chiites.

Ce regain de tension en Irak entre acteurs extérieurs au pays survient également alors qu’aucun nouveau gouvernement n’a été formé depuis l’élection présidentielle d’octobre dernier, qui avait consacré la victoire de la liste du clerc chiite Moqtada Sadr, chantre d’un patriotisme à la fois antiaméricain et distant de Téhéran, même si de manière tacite les Occidentaux semblent miser sur lui pour contrer les factions armées affiliées à l’Iran et leur bras politique. Sorties laminées des urnes, celles-ci ont rapidement crié au complot et appelé à un recomptage des voix. Dans une interview accordée hier au site du Middle East Eye par Kamaran Palani, expert en sécurité internationale et maître de conférence à l’Université Salaheddine d’Erbil, ce dernier avance la possibilité d’une attaque iranienne visant à mettre en garde contre l’exclusion des alliés de Téhéran de tout futur gouvernement. Le parti kurde KDP, formation dominante à Erbil, s’est effectivement allié avec M. Sadr, qui s’est engagé à former un gouvernement « de majorité », par opposition à un gouvernement de « consensus ». « La formation du gouvernement irakien ne joue pas un rôle très important dans ce qui se passe. Il faut surtout prendre en compte une vue d’ensemble, celle de la constellation régionale relative au deal sur le nucléaire », avance Lahib Higel.

La partie de ping-pong entre l’Iran et l’État hébreu en Syrie dans le cadre de la guerre civile s’est déplacée dans la nuit de samedi à dimanche en Irak, déjà régulièrement mis à rude épreuve par les tensions irano-américaines. Près d’une douzaine de missiles balistiques ont ainsi frappé Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. D’après le ministère kurde de...

commentaires (3)

VERITE - POUR MONTRER AUX AMERICAINS QU,ILS NE DISCUTERONT POINT DE LEUR ARSENAL BALISTIQUE QUE CES DERNIERS POSENT COMME CONDITION A L,ACCORD NUCLEAIRE ET QUI EST LA RAISON DE L,ARRET DES NEGOCIATIONS ET NON PAS LES DEMANDES RUSSES CONFIRME L,IRAN.

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 25, le 14 mars 2022

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Commentaires (3)

  • VERITE - POUR MONTRER AUX AMERICAINS QU,ILS NE DISCUTERONT POINT DE LEUR ARSENAL BALISTIQUE QUE CES DERNIERS POSENT COMME CONDITION A L,ACCORD NUCLEAIRE ET QUI EST LA RAISON DE L,ARRET DES NEGOCIATIONS ET NON PAS LES DEMANDES RUSSES CONFIRME L,IRAN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 25, le 14 mars 2022

  • Une leçon que devraient retenir les pro iraniens et syriens. Lorsqu’il s’agit de l’intérêt de ces assassins il ne font pas dans la dentelle. Poutine a montré l’exemple en s’en prenant en premier aux russophones en détruisant leurs villes et ne les tuant, alors qu’à la base il était censé les sauver du soit disant génocide qu’ils subissaient de la part de leur compatriotes ukrainiens. Voilà comment procèdent les dictateurs assoiffés de sang. A bon entendeur salut.

    Sissi zayyat

    12 h 01, le 14 mars 2022

  • Si le Deal sur le nucléaire iranien saute encore une fois , l'Ìran fabriquera sous peu sa bombe si chérie et entrera dans le club des Pro_Corçee-du-Nord ! Les américains font toujours de très mauvais calculs : Ce chaos constructif qui leur est cher achèvera par les mettre à genoux !

    Chucri Abboud

    02 h 46, le 14 mars 2022

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