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Moyen-Orient - Afghanistan

Un ancien tireur d'élite taliban fait l'unanimité comme maire

"Quand je me battais, mes objectifs étaient très spécifiques: mettre fin à l'occupation (étrangère), la discrimination, l'injustice", affirme Damullah Mohibullah Mowaffaq.


Un ancien tireur d'élite taliban fait l'unanimité comme maire

Damullah Mohibullah Mowaffaq, maire de Maymana, dans son bureau, le 18 janvier 2022. Photo Elise BLANCHARD / AFP

Souriant et détendu, Damullah Mohibullah Mowaffaq bavarde avec les travailleurs municipaux qui nettoient les égouts de Maymana, dans le nord de l'Afghanistan. Il est difficile d'imaginer qu'il y a encore quelques mois, ce jeune maire était tireur d'élite dans les rangs talibans.

Un commerçant aborde l'édile sans la moindre hésitation. "Cela fait quatre ans que devant ma maison, l'égout est trop profond et plein de déchets, cela sent très mauvais. Aidez-moi à le réparer!", plaide Akram. M. Mowaffaq, 25 ans, a été nommé maire de Maymana en novembre, sur ordre du Premier ministre Mohammad Hassan Akhund, à la place d'un mollah taliban. Entre la prise de pouvoir des islamistes mi-août et sa nomination, il était chargé de la sécurité de la ville. S'il porte la barbe drue et le turban noir des talibans, il diffère toutefois des religieux ultra-conservateurs placés aux postes clés de la nouvelle administration.

Les talibans et leurs alliés sont accusés d'avoir tué plus d'une centaine d'anciens membres de la sphère gouvernementale, des forces de sécurité afghanes, et d'Afghans ayant travaillé avec les troupes étrangères, selon un rapport de l'ONU consulté fin janvier par l'AFP. Le document note également une sévère dégradation des droits humains depuis leur prise de pouvoir à l'été.

L'adjoint du jeune maire, M. Sayed Ahmad Shah Gheyasi, était déjà en poste du temps du précédent gouvernement, soutenu par les Occidentaux, comme la quasi-totalité des employés municipaux. Le maire d'alors était décrit comme un technocrate. "Le nouveau maire est jeune, bien éduqué et, chose très importante, originaire de la ville (...). Il sait comment se comporter avec les gens", souligne l'adjoint.

La tâche de M. Mowaffaq est facilitée par son appartenance à la minorité ouzbèke, comme la majorité des habitants de la province de Faryab, dont Maymana est la capitale, les talibans étant majoritairement pachtounes.

Pour gérer sa ville, il ne ménage pas sa peine. Dans son bureau, les visiteurs défilent sans interruption et dès qu'il en a le temps, il sort sur le terrain pour surveiller les projets en cours, rassurer la population et éviter un regain de corruption, endémique sous la précédente municipalité.

Science du tir

"Quand je me battais, mes objectifs étaient très spécifiques: mettre fin à l'occupation (étrangère), la discrimination, l'injustice. Maintenant mes objectifs sont également clairs: combattre la corruption et faire prospérer le pays", déclare-t-il à l'AFP.

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D'abord simple soldat, puis commandant d'une petite unité talibane, M. Mowaffaq s'est fait remarquer pour ses aptitudes de tireur. Ceux qui le connaissent le décrivent comme l'un des plus talentueux du mouvement. Lui reste muet sur son passé au front et sa science du tir. Mais dans le village de Doraye Khoija Qoshre, proche de Maymana et dont il avait la charge ces trois dernières années, on se rappelle bien de lui. Autant pour son adresse arme en main que pour son humanité.

Le maire s'arrête devant une maison, aux murs encore criblés de balles, où il s'est souvent embusqué pour empêcher les forces gouvernementales afghanes de venir ratisser la zone. Les villageois viennent le saluer, comme un vieil ami. Plusieurs confient qu'il avait une "bonne attitude" envers les civils et avait su gagner leur confiance.

"Il a tué un Américain avec son fusil depuis cette maison, puis un avion est venu et l'a bombardée", affirme Saifaddin, un fermier. Mi-2019, l'armée américaine a annoncé qu'un membre de ses forces spéciales avait été tué dans des combats à Faryab. Mais M. Mowaffaq n'aime pas s'étendre sur les horreurs qu'il a subies ou infligées. "J'ai eu beaucoup de hauts et de bas", consent-il seulement à dire, en se remémorant la mort de plusieurs amis.

"Ravagé par la corruption"

Issu d'une famille de commerçants aisés, il a grandi à Maymana, où il a excellé à l'école et en sport. Il se rêvait alors médecin, "pour servir (son) peuple".

Quelques souvenirs de cette période ornent encore son bureau: un premier prix d'une compétition d'arts martiaux et son diplôme de lycée, avec une photo sur laquelle, rasé de près, il est méconnaissable. Mais désenchanté par quinze années de conflit, il a rejoint les talibans à 19 ans. "Le pays était occupé (et) ravagé par la corruption", justifie-t-il.

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A Maymana, ville d'environ 100.000 habitants, il a déjà relancé le projet de construction d'un espace culturel dans le parc principal, où un jardin réservé aux femmes est aussi en voie de réaménagement. Quand les talibans suscitent l'indignation du monde pour leur manière de traiter les femmes, les employées municipales jouissent ici d'une rare liberté. Toutes sont revenues travailler, une exception dans le pays.

Qahera, 26 ans, la directrice des ressources humaines, vient faire signer un document, le visage découvert. "Personne ne nous a dit comment nous habiller, comment porter le hijab, nous n'avons pas de problème", dit-elle.


Souriant et détendu, Damullah Mohibullah Mowaffaq bavarde avec les travailleurs municipaux qui nettoient les égouts de Maymana, dans le nord de l'Afghanistan. Il est difficile d'imaginer qu'il y a encore quelques mois, ce jeune maire était tireur d'élite dans les rangs talibans.Un commerçant aborde l'édile sans la moindre hésitation. "Cela fait quatre ans que devant ma maison, l'égout est...

commentaires (5)

Les vainqueurs dictent leurs lois. Il faut l'accepter. Sur ce, c'est aux afghans et a eux seuls de décider comment sera géré leur pays. Pas a nous. Ils ont leurs cultures, leurs traditions et leurs valeurs. S'ils se sentent persécutés qu'ils se soulèvent, sinon qu'on leur foutre la paix c'est leur choix.

Pierre Hadjigeorgiou

10 h 06, le 11 février 2022

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Commentaires (5)

  • Les vainqueurs dictent leurs lois. Il faut l'accepter. Sur ce, c'est aux afghans et a eux seuls de décider comment sera géré leur pays. Pas a nous. Ils ont leurs cultures, leurs traditions et leurs valeurs. S'ils se sentent persécutés qu'ils se soulèvent, sinon qu'on leur foutre la paix c'est leur choix.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 06, le 11 février 2022

  • Rien qu un assassin

    Robert Moumdjian

    04 h 59, le 11 février 2022

  • Comme-ci les gens de la ville avaient le choix de voter pour quelqu'un d'autre. C'est bien que dans cette ville les femmes ont été capable de travailler découverte. Pour combien de temps ? Quand nous voyons comment les droits de la femme ont reculé dans le reste du pays ! Pour la majoritaire de ces Talibans et leurs divers cousins germains dans le monde, la femme n'a aucune valeur...

    Marwan Takchi

    20 h 13, le 10 février 2022

  • surtout qu'on n'ironise pas a ce sujet. surtout pas nous autres libanais. SURTOUT PAS !

    Gaby SIOUFI

    10 h 58, le 10 février 2022

  • S’il a gardé son fusil à portée de main, on peut comprendre que les gens hésitent à voter pour quelqu’un d’autre…

    Gros Gnon

    06 h 03, le 10 février 2022

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