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Moyen-Orient - Société

La frustration des anciens de la police saoudienne des mœurs

La Moutawaa a été privée de toutes ses prérogatives et n’existe que pour la forme.

La frustration des anciens de la police saoudienne des mœurs

Une jeune Saoudienne vapotant sa cigarette électronique dans un café à Riyad. Haitham El-Tabei/AFP/

« Tout ce que je devais interdire est désormais autorisé, alors j’ai démissionné » : en Arabie saoudite, d’anciens membres de la jadis redoutée police des mœurs, comme Fayçal, confient leur amertume au moment où le royaume assouplit les restrictions sociales, notamment pour les femmes.

Chargée autrefois de faire respecter une stricte application de la loi islamique, la Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, appelée Moutawaa, a été mise à l’écart en 2016 dans ce pays musulman conservateur qui tente depuis plusieurs années de se défaire de son image austère.

La Moutawaa a été « privée de toutes ses prérogatives » et n’a « plus du tout de rôle clair », dit Fayçal, un Saoudien de 37 ans en robe traditionnelle sombre, empruntant un faux prénom pour préserver son identité.

Comportements jugés immoraux, trafic de drogue ou encore contrebande d’alcool – toujours interdit en Arabie saoudite – la police religieuse était sur tous les fronts, terrifiant la population. Pendant des décennies, ses agents ont sévi notamment contre les femmes ne portant pas correctement la abaya, une ample robe noire recouvrant le corps, ou pour débusquer les jeunes qui ne respectaient pas une stricte ségrégation entre les sexes. Depuis la nomination de Mohammad ben Salmane comme prince héritier en 2017 et son influence de plus en plus grande au sein du pouvoir, les règles sur la abaya ont été assouplies, la mixité s’est banalisée et les commerces ne sont plus forcés de fermer aux heures de prière.

Pour la forme
« Avant, on ne parlait que de la Commission pour la promotion de la vertu. Aujourd’hui, on ne parle plus que de l’Autorité générale pour le divertissement », ironise Fayçal, en référence à une institution publique créée en 2016 qui organise régulièrement des festivals et des concerts de musique pop ou électro.

Ancien agent de la Moutawaa, Turki, dont le prénom a également été modifié, confirme que l’institution pour laquelle il a travaillé pendant dix ans « n’existe plus que pour la forme ». « On n’a plus le droit d’intervenir, ni de changer les comportements qu’on considérait inappropriés », regrette-t-il, en assurant que de nombreux employés restent « seulement pour le salaire ».

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Fumant une cigarette avec une collègue dans le centre de la capitale Riyad, Lama ne s’émeut guère du sort réservé aux anciens agents de la Moutawaa, qui l’ont terrorisée par le passé. « Il y a encore quelques années, jamais on n’aurait pensé fumer dans la rue », raconte Lama, portant une abaya ouverte laissant apparaître ses vêtements. « Ils nous auraient frappées avec leurs matraques », lance-t-elle en riant.

Devenus invisibles, la plupart des agents n’ont plus de contact direct avec la population et passent leurs journées au bureau à élaborer des campagnes de sensibilisation aux bonnes mœurs ou aux mesures sanitaires. La Moutawaa est désormais « isolée », affirme un responsable saoudien ayant requis l’anonymat en faisant état « d’une baisse significative du nombre de ses employés ».

L’identité saoudienne
La Moutawaa affirme aujourd’hui vouloir se réformer dans un pays très jeune où plus de la moitié de la population a moins de 35 ans.

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Dans une interview en octobre sur une chaîne de télévision locale, son chef Abdel Rahman al-Sanad a admis des « abus » de la part de certains agents qui ont exercé des fonctions de sécurité sans aucune « expérience ou qualification ». Il a même assuré que la commission allait recruter des femmes.

Pour l’écrivain saoudien Saoud al-Katib, l’isolement et la limitation des pouvoirs de la Moutawaa constituent un « changement radical ».

Mais les autorités ne peuvent encore se permettre de s’en défaire totalement, selon le spécialiste des pays du Golfe, Stéphane Lacroix. « Elle renvoie à une certaine identité saoudienne à laquelle de nombreux Saoudiens conservateurs tiennent », souligne le professeur à Sciences Po Paris qui prédit à l’avenir « une réorientation (...) de ses fonctions ». Si la police religieuse a été mise sur la touche, la répression politique, elle n’a pas disparu. Depuis l’arrivée du prince Mohammad, elle s’est même accentuée, selon les ONG de défense des droits humains. Le pouvoir a mené des campagnes tous azimuts féroces contre les voix critiques, y compris des militantes féministes.

« Tout ce que je devais interdire est désormais autorisé, alors j’ai démissionné » : en Arabie saoudite, d’anciens membres de la jadis redoutée police des mœurs, comme Fayçal, confient leur amertume au moment où le royaume assouplit les restrictions sociales, notamment pour les femmes.Chargée autrefois de faire respecter une stricte application de la loi islamique,...

commentaires (3)

bah tant mieux. Bon débarras à cette police à la noix...Ca va dans le bon sens. Bravo MBS

LE FRANCOPHONE

18 h 22, le 16 janvier 2022

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Commentaires (3)

  • bah tant mieux. Bon débarras à cette police à la noix...Ca va dans le bon sens. Bravo MBS

    LE FRANCOPHONE

    18 h 22, le 16 janvier 2022

  • Enfin de bonnes nouvelles !

    F. Oscar

    08 h 21, le 16 janvier 2022

  • Il faudrait que l'Etat Séoudien pense à appliquer le libéralisme avec oridence , car il est à craindre que les vieux démons salafistes ne se réveillent soudain et ne passent à l'attaque , tuant tout ce qui bouge devant eux ... Un vague de terreur ne servirait pas la paix et déchiqueterait le pays . Attention, danger !

    Chucri Abboud

    05 h 20, le 16 janvier 2022

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