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Lifestyle - Un peu plus

Feux d’artifice et PTSD

Feux d’artifice et PTSD

Photo d’illustration bigstock

Il aura suffi d’un enterrement, mercredi dernier, pour que se réveillent la panique, la peur et les traumatismes liés au 4 août. Les habitants des quartiers avoisinants les funérailles, souffrant pour la plupart d’entre eux de ce qu’on appelle le PTSD (Post Traumatic Stress Disorder), ont entendu le son de lourdes explosions. Certaines personnes se sont mises à courir, d’autres se sont effondrées en larmes, une femme a porté son fils pensant qu’elle allait mourir, des enfants se sont éloignés des fenêtres. Le téléphone s’est mis à sonner. « Tu as entendu ? », « Qu’est-ce qui se passe ? », « Maman, où tu es? », « Hayété, reste à la maison, ne sors pas ». Les messages ont fusé sur les groupes WhatsApp, chacun demandant à l’autre s’il avait des informations. Une voiture piégée ? Un bombardement ? Une explosion ? Le tonnerre ? Il ne s’agissait que de feux d’artifice et de tirs. Des putains de feux d’artifice et des putains de tirs lors d’un enterrement.

À quoi pensaient ces gens qui assistaient à cette procession venue de l’église et allant vers le cimetière de Mar Mitr ? Ou, plutôt, à quoi n’ont-ils pas pensé ? Comment ont-ils pu considérer qu’honorer la mémoire de quelqu’un avec des feux d’artifice et des tirs était normal dans une région détruite émotionnellement ? Comment est-ce possible de porter en soi cette insensibilité, ce manque de considération et d’empathie envers son peuple, ses concitoyens, ses voisins ? De réveiller en eux et en elles ces effroyables souvenirs. Avec des feux d’artifice.

Comme si on n’en n’avait pas assez bavé. Depuis des années, des décennies. De ces bombes, de ces coups de feu, de ces attentats, ces voitures piégées, de ces assassinats, des menaces. De cette longue guerre, de ces guerres, de ces mini-guerres. De cette violence gratuite. Qui rythment nos vies bien trop souvent. Alors se manifestent en nous les relents de la terreur. Chaque son qui ressemble de loin ou de près à une explosion ou à un tir, nous entraîne dans une spirale infernale mêlant frayeur et effondrement. Comme lors des événements de Tayouné en octobre dernier, quand cette peur est revenue se loger en une fraction de secondes dans nos tripes. Puis, quelques jours plus tard, les tirs qui ont accompagné les enterrements et l’incontournable discours de ce zaïm avec son doigt levé. Comme lorsque les avions israéliens ont survolé le Liban à basse altitude le soir de Noël 2020. Comme aussi le soir de ce fameux orage, quelques mois après la destruction du tiers de Beyrouth. Comme enfin un mois après cette tragédie, lorsqu’une fumée noire et opaque est apparue au-dessus de la carcasse des silos de blé.

Nous sommes devenus tellement fragiles. Tellement fragiles. Et dans ce même pays souffrant et agonisant, il y a des Libanais qui se contrefoutent du trauma de leurs concitoyens ; tirant à tout va des feux d’artifice lors d’un mariage, de la commémoration de la fête d’un saint ou d’un enterrement. Nous vivons définitivement dans des réalités parallèles. Les fractures et les fossés sont tellement immenses qu’il est à se demander comment nous allons (re)construire les ponts entre nous. On doit peut-être commencer par placarder partout en ville que les feux d’artifice et autres fer2e3 sont interdits. Que les tirs de joie et les balles perdues quand un mioche a eu son brevet le sont également…

Allez l’expliquer à ceux qui ne respectent pas le code de la route et qui, lorsqu’ils prennent un sens interdit, vous insultent si vous êtes par mégarde sur leur chemin. La bêtise humaine n’a décidément aucune limite. L’égoïsme et l’individualisme non plus.

Chroniqueuse, Médéa Azouri anime depuis plus d’un an avec Mouin Jaber « Sarde After Dinner », un podcast où ils discutent librement et sans censure d’un large éventail de sujets, avec des invités de tous horizons. Tous les dimanches à 20h00, heure de Beyrouth.

Épisode du 9 janvier 2022 avec Hussein Kaouk et Mohamad Dayekh.

Il aura suffi d’un enterrement, mercredi dernier, pour que se réveillent la panique, la peur et les traumatismes liés au 4 août. Les habitants des quartiers avoisinants les funérailles, souffrant pour la plupart d’entre eux de ce qu’on appelle le PTSD (Post Traumatic Stress Disorder), ont entendu le son de lourdes explosions. Certaines personnes se sont mises à courir, d’autres se...

commentaires (3)

Mais qui donc se faisait enterrer ?

Akote De Laplak

09 h 54, le 14 janvier 2022

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Commentaires (3)

  • Mais qui donc se faisait enterrer ?

    Akote De Laplak

    09 h 54, le 14 janvier 2022

  • Bêtise, ignorance et esprits étriqués…

    Karam Georges

    07 h 14, le 14 janvier 2022

  • Les feux d'artifices sont synonymes de fête et de joie. Jamais entendu parler de feux d'artifices pour des enterrements. Ceci dit, c'est de l'inconscience totale ce genre de "célébrations" d'artifice dans un pays traumatisé.

    LE FRANCOPHONE

    00 h 39, le 14 janvier 2022

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