Le président Michel Aoun a appelé une nouvelle fois à la tenue du Conseil des ministres, affirmant qu’il est en faveur d’une telle réunion même si elle est boycottée par les ministres chiites du Hezbollah et d’Amal, alors que le chef du gouvernement Nagib Mikati s’abstient de réunir son équipe en l’absence d’un accord interne.
Recevant hier le conseil de l’ordre des rédacteurs nouvellement élu sous la présidence de Joseph Kossaïfi, le chef de l’État s’est exprimé sur la plupart des questions d’actualité. Soulignant l’obligation de faire le choix entre la justice et la politique, il a estimé qu’on ne peut pas continuer à paralyser le gouvernement, car certains dossiers doivent être traités, comme l’adoption du budget ou les questions relatives à l’électricité. Il a donc appuyé la convocation du Conseil des ministres même si certains devaient boycotter la réunion. C’est la première fois que le président Aoun s’exprime aussi clairement pour une relance du Conseil des ministres contre la volonté de son allié de longue date, le Hezbollah.
Contrairement à M. Aoun, le Premier ministre préfère lui attendre un accord politique élargi avant de réunir son gouvernement au grand complet. Les ministres chiites s’opposent à une réunion du cabinet en raison de profonds désaccords autour de l’enquête menée par le juge Tarek Bitar sur la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Interrogé sur ses conflits avec le mouvement Amal, le Hezbollah et le président du Conseil, M. Aoun a répondu qu’avec M. Mikati, la coopération est totale. S’il arrive qu’ils ne soient pas du même avis, ce qui selon lui est positif, ils parviennent à s’entendre au final, a-t-il ajouté. Pour ce qui est de ses relations avec le Hezbollah, qui connaissent des soubresauts ces derniers mois en raison de plusieurs dossiers politiques et judiciaires, le président a souligné qu’« il y a des choses qui doivent être dites entre amis ». « Nous plaidons pour l’application de la Constitution, car le non-respect de ce texte signifie le chaos », a-t-il affirmé dans une allusion au principe de la séparation des pouvoirs, notamment politique et judiciaire, prévu dans le préambule de la Constitution. Il a conclu en disant : « Je vous laisse répondre au sujet du mouvement Amal. »
L’audit juricomptable
Sur un autre plan, le chef de l’État a insisté sur la nécessité de demander des comptes et il a rappelé qu’il a réclamé depuis un an et demi un audit juricomptable pour savoir comment a été gaspillé l’argent public, qui l’a volé, qui l’a dilapidé et qui a commis des erreurs graves en le gérant. Il a rappelé avoir même déclaré, dans le cadre d’un iftar à Baabda en présence de tous les responsables, que la priorité est à la lutte contre la corruption et à la transformation de l’économie de rente en économie de production. Les présents avaient tous applaudi, a-t-il souligné. Ce qui l’avait poussé à aller de l’avant dans les réformes. « Mais, aujourd’hui, je n’entends plus de voix réclamant des réformes. Je n’entends que des voix qui m’attaquent et m’accusent de vouloir instaurer un régime présidentiel », a-t-il dénoncé. M. Aoun a ajouté qu’il n’a pourtant fait qu’appliquer la Constitution. Mais si « certaines prérogatives présidentielles n’avaient pas été utilisées » et qu’il a choisi de les appliquer, cela « ne signifie nullement » qu’il veut changer la Constitution et instaurer un régime présidentiel, a-t-il tenu à préciser.
En réponse à une question, il a déclaré que le système actuel repose sur le consensus. « Il y a trois têtes et celles-ci doivent s’entendre pour que le système fonctionne », a-t-il déclaré. Quant à l’organisation d’un dialogue à ce sujet, le chef de l’État a fait remarquer que cela fait 30 ans que la classe politique dialogue sans aboutir à un résultat. « Il faut donc la changer, même si j’en fais partie. » Il a ainsi souhaité qu’après la fin des événements actuels, une nouvelle ère puisse commencer. Selon lui, les élections législatives auront lieu en mai 2022. Le président avait déjà fait savoir qu’il ne signerait pas un décret de convocation du collège électoral pour un scrutin qui se tiendrait le 27 mars (la date adoptée par le Parlement et qui fait l’objet, avec la question du vote des expatriés, d’un recours déposé par le Courant patriotique libre devant le Conseil constitutionnel) et n’accepterait que les dates du 8 ou du 15 mai 2022.
Le président a par ailleurs défendu les actions entreprises durant son mandat malgré le cumul des crises économique et sanitaire qui se sont abattues sur le pays, ainsi que le drame du port. Il a précisé que sous son mandat, les lois sur le budget ont recommencé à être adoptées après 12 ans d’interruption. Il a souligné l’adoption d’une loi électorale qui « assure un équilibre entre les communautés et au sein de chaque communauté ». De nombreuses lois ont aussi été adoptées, a-t-il ajouté, dont une qui contient 47 points de réforme et à l’élaboration de laquelle des responsables de tous les partis ont participé. « Nous avons dû toutefois faire face à de grands problèmes, notamment le fait que les caisses de l’État étaient vides, qu’elles comptabilisaient 158 milliards de dollars de dettes, dont un trou de 60 milliards dans la Banque du Liban. » Et de poursuivre : « Nous avons aussi tenté de relancer le plan pour l’électricité adopté en 2010. Mais nous nous sommes heurtés à de graves obstacles et crises politiques. 40 % du mandat a par exemple été perdu dans le temps consacré à la formation des gouvernements. »
S’adressant enfin aux membres du conseil de l’ordre, M. Aoun a estimé qu’ils assument une grande responsabilité car « ils contribuent à la formation de l’opinion publique ».
commentaires (9)
C'est un monde de science fiction. Deux ministres, recherchés par la justice, désertent un cabinet sans donner de signes, et pire encore sans que personne ne les oblige à revenir ou à aller voir ailleurs. L'absurdité qu'aucune logique ne peut admettre ou intégrer. Tiens, pour changer de sujet, j'entends de plus en plus de députés français, lorsqu'une situation est belliqueuse, parlent de " libanisation ". Vous vous rendez compte jusqu'où notre réputation s'est dégradée à l'étranger?
Citoyen
19 h 01, le 15 décembre 2021