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Moyen-Orient - Éclairage

En Irak, le casse-tête des « indépendants »

Pour l’heure, les opposants au système sortis victorieux des urnes peinent à bâtir des alliances capables de peser à l’avenir dans l’arène politique.

En Irak, le casse-tête des « indépendants »

Une jeune femme arbore le portrait du pharmacien Alaa el-Rikabi, fondateur du mouvement Emtidad issu de l’intifada d’octobre 2019. Celui-ci a réalisé une percée au cours du dernier scrutin législatif. Photo AFP

Alors que se profile de plus en plus la perspective d’un gouvernement de consensus rassemblant les principales formations de l’establishment politique sous l’égide de Moqtada el-Sadr – dont le mouvement est arrivé largement en tête du scrutin législatif d’octobre –, la percée des indépendants au Parlement semble d’ores et déjà fragilisée par les divisions. En témoigne la multitude d’alliances nouvelles annoncées au cours des dernières semaines. À la création du Bloc populaire indépendant le 3 novembre – rassemblant cinq candidats sortis victorieux des élections – a par exemple répondu celle, le 11 novembre, de l’Alliance pour un Irak indépendant, formée d’une quinzaine d’élus.

Dans ces circonstances, difficile d’envisager de quelle manière et par quels moyens les indépendants comptent tirer leur épingle du jeu, en dépit des 40 sièges conquis parmi les 329 qui composent l’Assemblée. Mais d’abord, les indépendants le sont-ils vraiment  ? Depuis le rendez-vous électoral d’octobre dernier, certains d’entre eux ont déjà rejoint les blocs politiques et les coalitions affiliés à des partis traditionnels, ce qui a permis à ces derniers de grossir leurs rangs. Selon le média irakien al-Aalem, l’Alliance pour un Irak indépendant a par exemple multiplié les rencontres avec le Cadre de coordination chiite, ce dernier incluant presque toutes les formations chiites du pouvoir, mis à part le mouvement sadriste, son chef ayant claqué la porte en juillet.

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À l’heure actuelle, le Cadre de coordination est majoritairement dominé par des mouvances proches ou financées par Téhéran, à commencer par l’alliance du Fateh, bras politique de la coalition paramilitaire du Hachd al-Chaabi (PMF). D’après al-Aalem, près de sept indépendants ont à ce jour rejoint l’alliance du Fateh, dont trois le bloc Badr conduit par Hadi al-Amiri et quatre Asaïb Ahl al-Haq de Qaïs al-Khazali. Six auraient de leur côté rejoint la coalition pour l’État de droit de l’ancien Premier ministre Nouri el-Maliki, qui a accompli un retour en force à l’issue du dernier scrutin. Six enfin se seraient pour le moment rangés derrière Mohammad al-Halboussi, le président sunnite du Parlement à la tête de la coalition Taqqadum. L’alliance sunnite rivale al-Azm, quant à elle, peut se targuer à ce stade d’être parvenue à former une coalition de 34 députés issus de blocs différents et dont certains ont été piochés parmi les candidats victorieux «  indépendants » des circonscriptions sunnites.

À ce stade toutefois, les calculs des uns et des autres sont plus officieux qu’officiels. «  Formellement, il n’y a eu que peu de manœuvres, car tout le monde attend que la cour fédérale ratifie les résultats  », explique Farhad Alaaldin, président du Iraq Advisory Council et analyste politique. «  Cependant, une fois que cela sera fait, nous allons observer un grand nombre d’indépendants et de plus petits partis rejoindre les autres pour former des blocs plus conséquents  », poursuit-il.

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Encore trop tôt

Au cours des deux derniers mois, les réunions se sont multipliées à Babylone et dans la ville sainte de Najaf entre le parti Emtidad – la formation la plus importante parmi celles qui sont issues de l’Intifada d’octobre et qui ont fait le choix de ne pas boycotter le scrutin – et d’autres, indépendants. Malgré des discussions tournées autour de l’unification des forces, aucun accord n’a toutefois été annoncé à ce jour. «  Ils ont un manque d’expérience dans l’arène politique, auquel s’ajoute un manque de confiance, empêchant ces nouvelles listes de s’engager dans des négociations pour créer de nouvelles alliances, d’autant qu’ils craignent également la désapprobation de leurs électeurs  », souligne Farhad Alaaldin.

Forte de ses neuf sièges, la formation Emtidad promet de ne s’allier en aucun cas et sans dérogation aucune aux partis de l’establishment. Une véritable première, puisque depuis 2005 et la mise en place dans le sillage de l’invasion américaine d’un système politique ethno-confessionnel fondé sur les quotas, les gouvernances de consensus ont entravé l’émergence d’un réel contrepoids au sein de l’Assemblée. La posture d’Emtidad tranche néanmoins avec celle d’autres «  indépendants  ». Un membre de l’Alliance pour un Irak indépendant, Hussein al-Saabari, a ainsi insisté auprès du média en ligne Amwaj sur la possibilité pour son bloc de prendre part à la formation du prochain gouvernement ou d’approuver celui-ci. «  Si nous ne participons pas au gouvernement, nous ferons en sorte de rejoindre l’opposition politique constructive et non pas un rôle qui sape l’administration de l’État  », a-t-il déclaré.

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«  Par le passé, nous n’avons eu aucune opposition, même les partis qui n’étaient pas représentés au gouvernement n’ont pas joué ce rôle , insiste M. Alaaldin. Il est trop tôt pour prédire la forme que prendra l’opposition et le nombre de personnes qu’elle rassemblera. Mais les estimations de 40 à 100 sont réalistes, selon la coalition finale qui constituera le plus grand bloc. »

Interrogé par Amwaj, le vice-président du mouvement Emtidad, Haider Mohammad Habeed al-Salami, a souligné qu’après ratification des résultats définitifs par la cour, la prochaine étape consistera pour sa formation à considérer les caractéristiques du nouveau Parlement, en particulier celles qui pourraient conduire à une alliance entre indépendants véritables. « Un bloc a été formé dans le gouvernorat de Babylone par les indépendants gagnants, les mouvements Emtidad et Ishraqet Kanon  », se référant ainsi à un autre parti né de l’intifada d’octobre, d’orientation islamiste. «  Il a accepté de se concentrer sur le développement et l’amélioration du gouvernorat  », a-t-il avancé. Une entente, mais pas encore une alliance politique.

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