Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Le militant égyptien Hossam Bahgat condamné à une peine symbolique

La cour d’appel économique du Caire a condamné lundi le militant, avocat et journaliste à une amende de 10 000 livres égyptiennes pour un tweet publié en 2020.

Le militant égyptien Hossam Bahgat condamné à une peine symbolique

L’avocat, militant et journaliste Hossam Bahgat, au Caire en avril 2016. Mohammad el-Shahed/AFP

Les sourires étaient au rendez-vous lundi à la cour d’appel économique du Caire. Hossam Bahgat, militant pour les droits de l’homme, directeur et cofondateur de l’ONG Egyptian Initiative for Personnal Rights (EIPR), est soulagé. Il a certes été jugé coupable, sur la base d’un tweet remontant à 2020, de diffusion de fausses informations et diffamation contre l’Autorité électorale nationale. Mais il échappe à la prison. À la surprise générale, la cour a été relativement clémente : il devra payer 10 000 livres égyptiennes, soit l’équivalent de 635 dollars d’amende.

Le verdict contraste avec d’autres jugements récents, beaucoup plus sévères. Ahmad Samir Santawy, chercheur égyptien et étudiant en anthropologie à Vienne, avait par exemple été condamné en juin dernier à quatre ans de prison. En novembre, plusieurs militants et opposants politiques ont également été condamnés à des peines de prison allant de trois à cinq ans pour des motifs similaires à ceux invoqués dans le dossier de Hossam Bahgat.

Pour les observateurs, les autorités égyptiennes ont donc souhaité envoyer un message, tant aux opposants politiques à l’intérieur du pays qu’aux acteurs extérieurs, confirmant que Abdel Fattah al-Sissi a pris note des avertissements lui étant adressés depuis plusieurs mois en matière de violation des droits humains. Avec ce double message : l’intimidation se poursuit, mais de manière à ménager la communauté internationale… du moins en apparence.

La « communauté internationale », c’est avant tout Washington, premier mécène de l’armée égyptienne. L’administration Biden avait haussé le ton en septembre face aux méthodes répressives du Caire, réduisant l’aide militaire de 130 millions de dollars sur les 300 millions de dollars prévus. Le 8 novembre, lors d’une rencontre avec son homologue égyptien dans le cadre du « dialogue stratégique », le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait fait part de « sujets de préoccupation » et rappelé l’importance d’une amélioration de la situation des droits de l’homme dans le renforcement des liens bilatéraux. Mais signe que Washington n’est pas prêt à risquer l’équilibre sécuritaire pour contraindre l’allié égyptien, le dossier était arrivé en deuxième position seulement, après la question de la stabilité régionale.

Pour mémoire

Quand citoyens et journalistes égyptiens se battent pour une information de qualité...

En amont du verdict, 46 organisations, dont Human Rights Watch et Amnesty International, avaient appelé les autorités à « mettre fin au harcèlement et à la persécution » dirigés contre Hossam Bahgat. Les autorités avaient ciblé l’homme pour la première fois en 2016, lorsqu’une enquête a été ouverte et une interdiction de voyage émise sans date de fin. Le verdict individuel rendu lundi porte sur un tweet de 2020. L’avocat et journaliste y accuse un officiel gouvernemental de fraude électorale au Parlement. Mais un autre procès, cette fois dirigé contre l’EIPR, est toujours en cours pour des charges liées à des « financement étrangers illégaux ». Le militant a donc toujours interdiction de voyager, et ses avoirs sont gelés.

Blanchir son image

Alors qu’il cherche à renforcer son poids régional et à ménager ses partenaires occidentaux, M. Sissi semble déterminé depuis plusieurs mois à blanchir son image à l’international. Fin octobre, il proclamait la fin de l’état d’urgence en place depuis 2017. Il mettait ainsi fin à une juridiction d’exception – la Cour d’urgence de sûreté de l’État – qui privait les prévenus de la possibilité de faire appel. Avant cela, le président égyptien avait annoncé quelques libérations symboliques, une nouvelle « stratégie pour les droits de l’homme », ou encore la nomination d’un Conseil national dirigé par une femme.

Mais au-delà de ces quelques mesures cosmétiques, les observateurs déplorent qu’aucun changement de fond n’ait été observé. Le président semble poursuivre son cap, conforté par une assurance nouvelle après avoir fourni quelques gages minimaux à la communauté internationale. Alors que s’ouvrait hier au Caire « EDEX 2021 », la seconde édition d’une exposition dans le secteur de la défense et des armes, en présence des Émiratis, Américains, Russes et Chinois, le pays continue d’être tenu d’une main de fer. Une semaine après les révélations concernant le détournement de l’aide militaire française pour des campagnes de bombardements de l’armée égyptienne dans la région du désert occidental, l’accès au site internet de l’ONG « Disclose », à l’origine de l’enquête, a été bloqué à travers le pays et consigne a été donnée aux journalistes de ne pas couvrir le scandale.

Surtout, une série de lois adoptées avant et après la décision d’annulation de l’état d’urgence indique que l’arsenal juridique n’est pas en voie de réforme mais, au contraire, se perfectionne. Quelques jours seulement après l’annonce fin octobre, les prérogatives présidentielles sont étendues grâce à l’adoption de nouveaux amendements permettant désormais au chef de l’État de prendre « les mesures nécessaires pour préserver la sécurité et l’ordre ». Des dizaines de nouvelles lois adoptées entre 2013 et 2021 continuent de soutenir la politique autoritaire. Outre la loi antimanifestation de 2013, la « loi 95 de lutte contre le terrorisme », approuvée en août 2015, adopte une définition élastique du concept de « terrorisme », facilitant les poursuites judiciaires sur des bases légales très larges.

Les sourires étaient au rendez-vous lundi à la cour d’appel économique du Caire. Hossam Bahgat, militant pour les droits de l’homme, directeur et cofondateur de l’ONG Egyptian Initiative for Personnal Rights (EIPR), est soulagé. Il a certes été jugé coupable, sur la base d’un tweet remontant à 2020, de diffusion de fausses informations et diffamation contre l’Autorité...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut