Un groupe d'avocats représentant les victimes étrangères de la double explosion au port de Beyrouth a déposé, lundi, deux plaintes devant l'inspection judiciaire et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), contre le juge Habib Mezher, qui préside depuis jeudi la douzième chambre civile de la cour d’appel de Beyrouth, et qui est accusé d'avoir mis illégalement la main sur le dossier de récusation du juge Tarek Bitar, en charge de l'instruction sur le drame du 4 août 2020.
Les avocats de l'association Mouttahidoun, qui lutte contre la corruption, ont également porté plainte devant l'Inspection judiciaire contre le juge Mezher pour "violation de principes essentiels de l'application de la loi". Une copie de cette plainte de Mouttahidoun a été envoyée parallèlement au président du CSM, le juge Souhail Abboud.
Pour leur part, les familles des pompiers décédés dans la double explosion ont tenu une conférence de presse, afin de commenter le suivi de l'enquête. Elles ont annoncé qu'elles "ne se tairont pas face au juge Habib Mezher, qui s'oppose à la justice, et déposeront une plainte contre lui et contre toute personne qui veut faire obstruction". Antonella Hitti, qui a perdu son frère et son cousin dans l'explosion, a accusé le magistrat de vouloir "enfreindre le secret de l'enquête en ayant demandé au juge Bitar tout son dossier". William Noun, frère du pompier Joe Noun, a, lui, estimé que l'appartenance politique du juge Mezher est "claire" et demandé au CSM de prendre "les mesures appropriées" à son encontre.
M. Mezher est chargé de statuer sur les recours en dessaisissement des magistrats, en remplacement du juge Nassib Élia, dessaisi mercredi suite à la notification d’un recours en récusation porté contre lui par l’ancien ministre Youssef Fenianos, poursuivi dans l'affaire de la double explosion au port de Beyrouth, et sous le coup d'un mandat d'arrêt. M. Fenianos avait demandé cette récusation après que M. Élia se fut déclaré incompétent concernant des demandes de dessaisissement du juge Bitar. Après le dessaisissement du juge Elia, M. Mezher avait notifié le juge Bitar de la plainte en récusation présentée contre lui et lui avait demandé de lui remettre la totalité de son dossier concernant l'instruction en cours. Cette procédure avait de facto suspendu l'enquête. Cette procédure lancée par le juge Mezher, qui serait proche du président de la Chambre et chef du mouvement Amal Nabih Berry, suscite de vives appréhensions quant à une mise à l’écart définitive du juge d’instruction.
Le mouvement Amal a dénoncé, de son côté, une "tentative permanente de porter atteinte à la justice et de l'empêcher de faire son travail, au moyen de la politisation et du clientélisme" et apporté son soutien au juge Mezher. Le parti de M. Berry a évoqué une "campagne aux objectifs bien connus" contre M. Mezher, "au profit de certaines factions".
Par ailleurs, l'avocat de Youssef Fenianos a présenté, lundi, une plainte pour demander le dessaisissement de Rosine Hjeily, conseillère de Nassib Elia à la cour d'appel.
En outre, les avocats des députés Ghazi Zeaïter et Ali Hassan Khalil (tous deux poursuivis par le juge Bitar) ont présenté lundi une action en responsabilité de l'Etat pour fautes lourdes qu'ils reprochent à la juge Jeannette Hanna, présidente de la 5e chambre civile de la Cour de cassation, et de ses deux conseillers, Joseph Ajaka et Noëlle Kerbaje, ainsi qu'à Naji Eid, président de la première chambre civile de la Cour de cassation, et sa conseillère Rosine Ghantous.
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