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Nos Lecteurs ont la Parole

Les Forces libanaises et le drame de Tayouné

Les événements du 14 octobre qui se sont déroulés en marge de la manifestation du tandem Amal-Hezbollah organisée pour réclamer la mise à l’écart du juge Tarek Bitar (chargé de l’enquête concernant l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020) ont donné lieu à de nombreux analyses et commentaires. Néanmoins, si Amal et le Hezbollah n’en sont pas à leur premier étalage de force à Beyrouth, la réponse des Forces libanaises (FL) est quant à elle plutôt inédite.

Depuis la remise de leur arsenal militaire à la fin de la guerre civile et à la suite de leur légalisation après la fin de la tutelle syrienne en 2005 (qui entraîna également la libération de leur leader, Samir Geagea, après une détention de 11 ans – la seule pour un ancien haut responsable durant la guerre civile), les FL ont radicalement changé de discours. Elles se sont officiellement positionnées du côté de l’État, des institutions et par conséquent contre les « armes illégales », à comprendre celles du Hezbollah et dans une moindre mesure celles de ses alliés (mouvement Amal, PSNS, etc.).

Avec les affrontements armés de Tayouné survenus le 14 octobre, les FL ont en quelque sorte renoué avec la logique milicienne. Il n’est pas question ici de faire l’éloge des FL en les présentant comme l’ultime rempart pour la défense des chrétiens ni de les présenter comme une milice en manque d’action et visant à répandre la discorde confessionnelle – les partisans et détracteurs du parti s’en chargeant déjà bien dans les médias et sur les réseaux sociaux –, mais plutôt de s’interroger sur les événements qui ont conduit des éléments appartenant probablement aux FL à tirer sur des miliciens et manifestants du tandem chiite ; et surtout d’en analyser les conséquences.

Pour les FL, l’objectif des manifestants et miliciens du mouvement Amal et du Hezbollah ne faisait aucun doute au vu de leur armement (à moins qu’il soit devenu commun de se balader avec des lance-roquettes et des armes automatiques lors d’une manifestation supposée pacifique), il s’agissait d’intimider les habitants du quartier de Aïn el-Remmané, dont la couleur politique est bien connue. Si les FL affirment que des habitants du quartier ont ouvert le feu pour éviter que des miliciens du tandem chiite n’entrent dans le quartier et le saccagent par la même occasion (ce qui, au vu des exploits précédents des partisans des deux partis, est fort possible), le Hezbollah et Amal affirment que leurs partisans n’ont fait que riposter aux tirs provenant des francs-tireurs apparentés aux FL et postés sur des toits d’immeubles à Aïn el-Remmané. Bilan : sept morts dont six partisans du tandem chiite et une civile.

Si les FL ont officiellement démenti leur implication dans les combats, l’ambiguïté des propos de certains cadres FL ainsi que le délai nécessaire au parti pour pondre un communiqué ne font guère de doute quant à leur rôle durant les affrontements. La réponse du Hezbollah ne s’est pas fait attendre et fut fort heureusement limitée (pour l’instant ?) à un discours cinglant de la part du secrétaire général du parti adressé essentiellement aux chrétiens libanais. À noter que Hassan Nasrallah a clairement désigné les FL et leur chef comme ennemis en brandissant la menace d’une action militaire, chiffres réels ou supposés à l’appui.

Il y aura certainement un avant et un après-14 octobre 2021. Du côté de ce qu’on appelle la « rue chrétienne », les FL ont certainement marqué des points en apparaissant comme capables de stopper les miliciens du tandem Amal-Hezbollah. Des partisans des FL se sont même ouvertement réjouis des pertes causées dans le camp adverse, rappelant ainsi tristement la mentalité des miliciens durant les heures les plus sombres de la guerre. La perspective d’un nouveau 7 mai aura hanté les esprits des Beyrouthins pendant quelques heures. Mais plus généralement, c’est le spectre d’une nouvelle guerre civile qui plane sur le Liban. Les affrontements meurtriers qui se sont déroulés à Tayouné l’ont démontré : le Hezbollah et le mouvement Amal n’hésitent pas à employer la force pour protéger leurs intérêts. Et les poursuites engagées par un juge a priori intègre à l’encontre de deux anciens ministres du mouvement Amal en font partie. D’autant que ces affrontements servent à présent de prétexte au tandem chiite pour dénoncer un pseudocomplot à son encontre. À croire que les deux camps pensent sortir renforcés de ces affrontements alors que le pays est au bord du gouffre. S’il n’est pas question pour les FL ou d’autres partis politiques chrétiens de reconstituer des milices, une partie non négligeable de leurs bases populaires le réclame en prenant pour exemple les tragédies subies par leurs coreligionnaires dans d’autres pays de la région.

Si le Liban n’est certainement pas encore sorti de l’impasse, c’est bien l’absence de l’État et d’institutions solides qui nuit au pays et non pas l’absence de milices d’un côté de l’échiquier politique. Les prochaines élections législatives ne provoqueront certainement pas un miracle au sein du futur Parlement, mais on peut espérer que le Liban sera un jour débarrassé des violences intercommunautaires et de la corruption qui rongent le pays depuis des décennies.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Les événements du 14 octobre qui se sont déroulés en marge de la manifestation du tandem Amal-Hezbollah organisée pour réclamer la mise à l’écart du juge Tarek Bitar (chargé de l’enquête concernant l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020) ont donné lieu à de nombreux analyses et commentaires. Néanmoins, si Amal et le Hezbollah n’en sont pas à leur premier étalage de...

commentaires (1)

"" les FL ont radicalement changé de discours. Elles se sont officiellement positionnées du côté de l’État"" ET C'EST BIEN LA LA RAISON DE L'INIMITIE DE HEZB VIS A VIS LES FL : LE KHAMENAI VERSION LIBANAISE N'EN VEUT SURTOUT PAS D'UN ETAT AU VRAI SENS DU MOT. QUANT A LA POSITION DE AOUN? Hmm! "" ALLEZ VOIR THERESE "" , VOUS OBTIENDRIEZ LA REPONSE !

Gaby SIOUFI

09 h 22, le 28 octobre 2021

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Commentaires (1)

  • "" les FL ont radicalement changé de discours. Elles se sont officiellement positionnées du côté de l’État"" ET C'EST BIEN LA LA RAISON DE L'INIMITIE DE HEZB VIS A VIS LES FL : LE KHAMENAI VERSION LIBANAISE N'EN VEUT SURTOUT PAS D'UN ETAT AU VRAI SENS DU MOT. QUANT A LA POSITION DE AOUN? Hmm! "" ALLEZ VOIR THERESE "" , VOUS OBTIENDRIEZ LA REPONSE !

    Gaby SIOUFI

    09 h 22, le 28 octobre 2021

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