« Tous les aventurismes ont échoué au Liban, même si à un moment donné leurs protagonistes ont pensé pouvoir réussir. Le Liban n’est pas un terrain d’aventures, mais un pari sur un vivre ensemble sincère », a affirmé vendredi le patriarche Béchara Raï, à l’ouverture du synode sur la synodalité dans l’Église maronite, avant d’avertir : « Notre peuple n’est pas un peuple qui se venge, mais c’est un peuple de résistants. Tous ceux qui ont essayé de l’assujettir, d’occuper sa terre et de porter atteinte à sa dignité, ont été confrontés au peuple libanais qui, par son sacrifice, a consolidé sa souveraineté et sa dignité. »
Semées en pièces détachées dans son texte, les phrases du patriarche livrent, à leur recomposition, une répartie cinglante à la forfanterie de Hassan Nasrallah qui, au lendemain des affrontements de Tayouné, a lancé à Samir Geagea le défi de mobiliser cent mille combattants face à sa milice présumée, forte seulement de quinze mille hommes.
Intimidation pour intimidation, le patriarche a assuré que le peuple libanais saura répondre à ceux qui veulent le dominer de l’intérieur, à ceux qui cherchent à assigner le chef des du parti des Forces libanaises devant la justice militaire et dissoudre son parti, à ceux qui veulent détourner la justice de sa mission de dire le droit et pensent pouvoir en faire « une bouchée » (dixit). Il l’a fait sur un ton quasi guerrier, mais sans autre défi que celui du recours à l’histoire. Et celui d’une sorte de droit à la légitime défense, rendant hommage aux « milliers » qui ont versé leur sang pour le Liban durant la guerre civile.
Tout se passe comme si, agressé verbalement par les menaces du Hezbollah, le patriarche avait choisi de lui répondre en lieu et place de Samir Geagea, incapable de le faire sans finir par assumer les intentions que ses adversaires lui prêtent – dont il se défend – et donc la responsabilité de ce qui s’est passé : la mort de 7 personnes et l’existence d’une trentaine de blessés.
Toutefois, et avec beaucoup d’à-propos, le patriarche a fait d’abord assumer ce qui s’est passé « à l’État libanais ». À cet égard, la catastrophique journée du 14 octobre semble être le résultat d’une série de graves erreurs, dont certaines sont directement imputables à l’État. La première erreur, la faute originelle pour ainsi dire, a été d’autoriser la manifestation du tandem chiite. Faire longer Aïn el-Remmané, l’un des centres nerveux de la guerre civile, par des hordes de chemises noires hurlantes, c’était plus que suffisant pour rouvrir cette blessure encore vive. Combien plus en laissant infiltrer des ruelles de ce quartier par des casseurs, et peut-être aussi des tireurs ! Mais pour interdire cette marche d’intimidation, il fallait autre chose qu’un ministre de l’Intérieur sans expérience.
L’État, à n’en pas douter, est donc responsable d’une grave erreur d’appréciation qui n’aurait jamais dû se produire et, deuxième erreur, qui n’aurait jamais dû échapper aux renseignements militaires.
La troisième erreur a été commise par Hassan Nasrallah lui-même, qui a pensé avoir en face de lui un peuple de lavettes auquel il pouvait dicter ses volontés, ce qui nous vaut la répartie indirecte du patriarche maronite.
La quatrième erreur a été commise par toute une classe politique, qui a tourné avec une légèreté criminelle la page de la guerre civile, pour lancer une reconstruction bidon dont nous subissons aujourd’hui, volés de tous les côtés, les lamentables conséquences.
On ne renvoie pas impunément la poussière sous le tapis, comme nous l’avons fait, sans en assumer les conséquences. Et il y a aujourd’hui, à Aïn el-Remmané et Chiyah, des innocents dont le seule crime était de résider sur le boulevard où dans les premiers pâtés d’immeubles bordant cette ligne qui sépare les deux quartiers.
« Une fois de plus, affirme l’épouse étrangère d’un commerçant libanais chrétien, on va tourner la page et oublier les heures d’enfer que nous avons vécues tapis dans un recoin de la maison ; oublier que nos voitures et notre appartement ont été criblés de balles qui ont arrosé gratuitement une ruelle de Aïn el-Remmané où il n’y avait strictement personne. Une fois de plus, on va baisser le rideau de l’oubli sur les voitures aux vitres fracassées de notre voisin, le concessionnaire automobile chiite ; une fois de plus, on va se réconcilier et nous oublier, comme si le baroud qui a eu lieu était un orage ou une secousse sismique, et non pas le fait d’un État à la dérive qui se joue de nos destins, de nos biens et de notre santé nerveuse ! »
Une fois de plus, oui, et combien, va se confirmer l’axiome que si nous n’assumons pas notre histoire avec maturité, notre guerre ne finira jamais, à moins de trouver le courage de regarder notre barbarie en face, d’en faire mémoire, et de faire réellement en sorte qu’elle ne se répète plus. Et comment oublier que tout cela se produit parce que le Hezbollah ne veut pas que la vérité sur l’explosion du port se fasse.
Pour "assumer notre histoire avec maturité",il ne faut pas parler d"intimidation pour intimidation".Personne ne menace les chrétiens! Les dignitaires religieux ont parfaitement le droit de critiquer le H.Mais attention au dérapage vers un conflit confessionne! M.Z
13 h 04, le 26 octobre 2021