
Yaïr Lapid et cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyane à Abou Dhabi, lors de l’ouverture de l’ambassade israélienne, en juin dernier. WAM/AFP/File
C’est la première rencontre tripartite du genre depuis la signature des accords d’Abraham le 15 septembre 2020 sous l’administration de Donald Trump. Après des entretiens bilatéraux séparés, une réunion trilatérale doit avoir lieu aujourd’hui à Washington entre le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et ses homologues israélien et émirati, Yaïr Lapid et cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyane. Organisée à la demande de ces derniers, elle vise à discuter « des progrès accomplis depuis la signature des accords d’Abraham l’année dernière, de possibilités futures de collaboration et des questions bilatérales, notamment la sécurité et la stabilité régionales », selon un communiqué du département d’État américain.
Au-delà du bilan de la normalisation entre l’État hébreu et les EAU, c’est surtout l’accord sur le nucléaire iranien qui devrait être abordé entre les trois hommes, au moment où les États-Unis s’activent depuis des mois pour amener Téhéran à la table des négociations afin de raviver l’accord de 2015. Une démarche vue d’un mauvais œil tant par les Israéliens que les Émiratis, qui avaient applaudi le retrait unilatéral de l’accord par Donald Trump en 2018 et le rétablissement des sanctions contre la République islamique dans le cadre de la politique américaine de « pression maximale ».
Après plusieurs mois sans avancée concrète sur ce dossier, les Iraniens ont déclaré le mois dernier qu’ils reprendraient les pourparlers moins de 90 jours après la prise de fonctions de l’actuel président iranien Ebrahim Raïssi, soit avant début novembre. Un calendrier qui semble se confirmer au regard du ballet diplomatique effectué par les officiels américains, russes et iraniens au cours de ces dernières semaines en vue d’une reprise des discussions. En ce sens, la rencontre d’aujourd’hui est « une occasion pour Israël et les EAU d’exprimer leurs inquiétudes à propos de l’Iran et de fournir plus de détails sur des plans d’action alternatifs si un retour à l’accord nucléaire entre les États-Unis et l’Iran ne se concrétisait pas », indique Mairav Zonszein, chercheuse sur le dossier israélo-palestinien à l’International Crisis Group. Un objectif confirmé par des officiels israéliens, cités samedi dernier par le site d’information Axios, tandis que Yaïr Lapid, parti lundi pour Washington, doit également s’entretenir à ce sujet avec le conseiller américain à la Sécurité nationale Jake Sullivan et la vice-présidente américaine Kamala Harris.
Pression maximale
Au début du mois, lors d’une rencontre du groupe consultatif stratégique entre les États-Unis et Israël, l’État hébreu s’était déjà inquiété de l’absence de plan B côté Américains si les négociations avec l’Iran venaient à échouer. Ce à quoi ces derniers ont répondu dans un communiqué « qu’ils étaient prêts à se tourner vers d’autres options si la diplomatie n’aboutissait pas », sans toutefois préciser lesquelles. Citée par Axios, une source israélienne avait précisé que Tel-Aviv intensifie la pression pour que les États-Unis préparent une nouvelle série de sanctions contre l’Iran et pour qu’ils indiquent clairement qu’ils représentent une menace militaire crédible. Cette dernière option n’est cependant pas d’actualité pour l’administration Biden qui, contrairement à son prédécesseur, favorise la voie diplomatique.
Une politique qui ne fait pas les affaires de l’État hébreu et d’Abou Dhabi. Alors que l’Iran a annoncé dimanche dernier qu’il avait déjà produit plus de 120 kg d’uranium enrichi à 20 % – faisant passer à quelques mois le « breakout time » théorique pour obtenir le matériau nécessaire pour une bombe nucléaire –, Israël et les EAU considèrent que la menace iranienne s’est intensifiée ces dernières années non seulement avec l’avancement de son programme nucléaire, mais également du fait de son expansion régionale, à travers ses supplétifs en Syrie, en Irak ou encore au Yémen. Des craintes qu’Israël et les EAU avaient déjà soulevées en 2009 sous la présidence Obama, lors d’une réunion tenue secrète avec les ambassadeurs des deux pays à Washington, soit six ans avant la signature de l’accord de Vienne, qualifié d’erreur historique par l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Mais face à une administration Biden déterminée à reprendre le chemin de la diplomatie avec Téhéran, la marge de manœuvre d’Israël et des EAU devrait rester limitée sur ce dossier. « Israël murmure déjà à l’oreille des États-Unis en ce qui concerne l’Iran, il n’est donc pas certain que cette réunion leur donne davantage d’influence », indique Mairav Zonszein. « Il est difficile d’envisager des annonces révolutionnaires après la réunion tripartite, mais quelques accords bilatéraux pourraient cependant être dévoilés », anticipe pour sa part Aaron David Miller, chercheur au Carnegie et ancien négociateur au sein d’administrations américaines républicaines et démocrates. En un an seulement après la signature des accords d’Abraham, les échanges commerciaux non pétroliers entre Israël et les EAU ont atteint plus de 700 millions de dollars, tandis que les deux pays visent à établir des relations économiques à hauteur de 1 000 milliards de dollars d’ici à 10 ans. En juin, Yaïr Lapid est devenu le plus haut responsable israélien à se rendre à Abou Dhabi pour une visite officielle, afin d’inaugurer la première ambassade israélienne dans le Golfe et un consulat à Dubaï.
LES MOLLAHS DOIVENT COMPRENDRE QU,EN JOUANT AUX PLUS MALINS IL Y A LE RISQUE D,ARRETER LE NUCLEAIRE PAR LE NUCLEAIRE.
09 h 47, le 13 octobre 2021