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Moyen-Orient - Commentaire

Pour ou contre Washington ? Là n’est pas la seule question

Pour ou contre Washington ? Là n’est pas la seule question

La « Tour de lumière », un faisceau de lumière rendant hommage aux personnes tuées lors des attentats du 11 septembre 2001 au Pentagone, illumine le ciel au-dessus du Pentagone, vu du Washington Monument sur le National Mall à Washington, D.C., 9 septembre 2021, avant le 20e anniversaire des attentats. Saul Loeb/AFP

« Pourquoi nous haïssent-ils ? » semblaient s’interroger des millions d’Américains il y a vingt ans, au lendemain des attentats du 11-Septembre. Le témoignage d’une incompréhension puis d’une prise de conscience de la place hégémonique des États-Unis sur le globe, dix ans après la fin de la guerre froide. Pour les quelques intellectuels qui se sont mis au défi d’apporter des réponses à leurs concitoyens déboussolés, il fallait expliquer les objectifs géopolitiques et idéologiques du groupe jihadiste el-Qaëda sans pour autant évacuer les raisons derrière la révulsion que suscitait l’influence de Washington au Moyen-Orient, dont ils énuméraient à l’envi les faits et méfaits. Qu’il s’agisse de la complicité américano-britannique dans le renversement en 1953 du Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh – démocratiquement élu –, coupable d’avoir nationalisé deux ans plus tôt l’industrie pétrolière au grand dam des intérêts anglais dans le pays. Ou du soutien militaire et financier à l’Irak de Saddam Hussein dans le conflit opposant ce dernier à la République islamique au cours des années 80, malgré le rôle prédominant de Bagdad dans le déclenchement des hostilités. Ou bien l’imposition dans le sillage de l’invasion irakienne du Koweït en 1990 d’un embargo particulièrement rude contre cet ancien moindre mal mué en Belzébuth. Sans compter, plus généralement, les alliances bâties avec les monarchies du Golfe ou le régime du Caire.

Mais tout cela et plus encore n’explique pas ou peu le caractère épidermique de l’antiaméricanisme si l’on n’y conjugue le motif le plus symbolique, à savoir l’inconditionnel soutien apporté par les États-Unis à Israël depuis 1967. Une décennie avant le déclenchement des soulèvements arabes et la priorisation des enjeux internes sur les externes, la Palestine restait la cause régionale numéro un. Et rien n’apparaissait alors plus turpide que la défense quasi religieuse d’un État qui, même lorsqu’il contrevenait de manière flagrante aux principes les plus basiques du droit international, parvenait à se maintenir dans les bonnes grâces de l’Occident. Pis, était présenté comme l’ultime rempart de la civilisation dans un environnement réputé «  barbare  ».

Récit

Aux États-Unis, comment Arabes et musulmans ont payé le prix du 11-Septembre

Sans cela, la politique étrangère de Washington n’aurait possiblement pas été marquée aux yeux de larges franges des populations locales du sceau de l’infamie. Et d’aucuns s’en allèrent d’ailleurs rappeler que ce n’était peut-être pas du côté du Moyen-Orient que ce rejet s’avérait le plus profond, mais en Amérique latine, là où les États-Unis multipliaient depuis le XIXe siècle les ingérences, des plus subtiles aux plus grossières. À commencer par l’autre 11-Septembre, celui des Chiliens, lorsque le président socialiste Salvador Allende fut renversé en 1973 par Augusto Pinochet qui instaura une dictature militaire avec l’appui de l’administration Nixon.

Tankies

Mais de ce passé qui ne passe pas, certains sont tentés aujourd’hui de dresser un bilan hâtif, de faire fi du fait que si le « mal » existe quelque part, cela ne signifie pas qu’il ne peut exister ailleurs. Qu’en somme, l’ennemi de mon ennemi n’est pas forcément mon ami. Or, depuis le 11-Septembre et l’invasion de l’Irak, les orphelins de la guerre froide – parfois surnommés « tankies », en référence au soutien des partis communistes dans le monde en 1956 aux chars soviétiques qui écrasèrent le soulèvement hongrois – n’ont eu de cesse de recourir à toutes les parades rhétoriques imaginables pour justifier l’autoritarisme des dictatures de la région et d’ailleurs quand celles-ci se présentent comme opposées à Washington. Une attitude qui contraste avec leur méfiance, voire leur défiance, vis-à-vis de toutes les institutions dépositaires de l’autorité en Occident.

Ces vingt dernières années, nombre de courants autoproclamés « anti-impérialistes » ont ainsi préféré ne pas s’embarrasser d’une nouvelle donne au Moyen-Orient illustrée par la montée en puissance de Téhéran et de Moscou. Ils ont au contraire plutôt été tentés d’en sélectionner les fragments les plus réconfortants, ceux qui s’insèrent sans accrocs dans leur schéma de pensée. Quel que soit le sujet, c’est la même grille de lecture qui prime et ils se retrouvent ainsi à défendre une chose et son contraire au nom de la sacro-sainte lutte contre l’Oncle Sam. Comme faire montre de complaisance vis-à-vis de l’hégémonie iranienne tout en regrettant la chute de Saddam Hussein. En omettant, évidemment, de dire que la haine entre les deux voisins devait être sensiblement supérieure à la somme de leurs griefs respectifs contre l’Occident.

Commentaire

Qu’a changé le 11-Septembre ?

Certes, dans un contexte occidental où il pouvait être difficile de faire entendre une dissonance avec un récit officiel construit autour du « choc des civilisations », il fallait assurément pointer les écueils de la « guerre contre le terrorisme », la forge d’un concept mal défini et d’un ennemi mal identifié. Mettre en garde aussi contre une guerre perdue d’avance en Afghanistan, en insistant en outre sur les hypocrisies de Washington qui avait su, par le passé, utiliser la carte «  moujahidine  » – dont la talibane – pour contrer Moscou. Le refus très large de la guerre en Irak en 2003 avait, enfin, permis d’avertir dès le départ de la catastrophe à venir face à l’aventurisme de l’administration Bush Jr. D’autant que cette dernière y a promu un système confessionnel qui a miné la société irakienne pour des générations. Un constat amer qui, malgré tout, appelle à une triple prudence.

Nombril

La première est d’ordre éthique. Est-il possible aujourd’hui de critiquer les États-Unis sans essayer de minimiser ce que fut le règne de Saddam Hussein, celui d’un régime sanguinaire, génocidaire à l’encontre des Kurdes, hautement répressif contre les chiites ? La deuxième est d’ordre analytique. Oui, c’est un mensonge qui fut à la base de l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Non, il n’y avait pas d’armes de destruction massive dans le pays. Et les desseins de Washington furent à la fois animés par des considérations géopolitiques et messianiques, avec la détermination des néoconservateurs à changer la face de la région en leur faveur. Quelles conclusions en tirer ? Que les gouvernements occidentaux sont mythomanes ? Pourquoi pas ? Mais en quoi cela justifierait-il l’édification de l’Iran ou encore de la Russie ou de la Chine – pays de prédilection des «  tankies  » – en parangons de justice? À plus forte raison du fait que les espaces de contestation contre les gouvernements dans les démocraties faillibles et imparfaites de l’Ouest sont bien plus vastes que sous n’importe quel despotisme. La troisième ensuite relève du pragmatisme en politique. Les États-Unis n’auraient jamais dû envahir l’Irak. Mais dix-huit années se sont écoulées depuis et la réalité sur le terrain a changé. Avec la menace toujours vivace d’une résurgence de l’EI, avec l’emprise toujours plus croissante de Téhéran sur Bagdad, avec les exactions quotidiennes des milices à la solde de la République islamique contre quiconque ose se confronter à elles, un désengagement total pourrait aggraver une situation déjà extrêmement précaire en sapant le semblant d’équilibre des forces actuel.

Peut-être est-ce cela que les «  tankies  » ne comprennent pas. Militants anti-impérialistes, ils n’ont, ironiquement, que Washington pour boussole. Si celle-ci indique le nord, les voilà déjà en route vers le pôle Sud. Or ce que cette lecture binaire ne prend pas en compte, c’est que même si les États-Unis venaient demain à disparaître, le monde ne s’en porterait pas forcément mieux. Car la terre ne tourne pas autour du nombril de l’« homme blanc ». Et le reste de l’humanité, tout comme l’Occident, est capable de tout, y compris du pire.

« Pourquoi nous haïssent-ils ? » semblaient s’interroger des millions d’Américains il y a vingt ans, au lendemain des attentats du 11-Septembre. Le témoignage d’une incompréhension puis d’une prise de conscience de la place hégémonique des États-Unis sur le globe, dix ans après la fin de la guerre froide. Pour les quelques intellectuels qui se sont mis au défi...

commentaires (4)

Il y a beaucoup a redire, monsieur/madame. Votre analyse est bien incorrecte politiquement ou civilement. Il y a beaucoup de naivete dans tout ca !!! A commencer malheureusement par la sempiternelle naivete americaine.

RAYMOND SAIDAH

18 h 54, le 12 septembre 2021

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Commentaires (4)

  • Il y a beaucoup a redire, monsieur/madame. Votre analyse est bien incorrecte politiquement ou civilement. Il y a beaucoup de naivete dans tout ca !!! A commencer malheureusement par la sempiternelle naivete americaine.

    RAYMOND SAIDAH

    18 h 54, le 12 septembre 2021

  • Les occidentaux, toutes régions confondues, des deux côtés de l'Atlantique, se sont toujours considérés comme des parangons de vertu, des défenseurs des droits de l'homme (!!!) et des éducateurs de la planète. On oublie complaisamment leur comportement, leurs morts ont plus de valeur que les centaines de milliers de morts qu'ils ont causées dans le monde : il ne faudrait y voir que des "dommages collatéraux". Collatérales les victimes d'Hiroshima et Nagasaki, collatéraux, tous les civils innocents d'Afghanistan, d'Irak et de tous les pays "du mal". Trop grande est cette complaisance, et plus grande encore la naïveté des Américains qui ne comprennent pas pourquoi on leur en veut. Toute violence est à bannir, quelle que soit son origine, du moment que ce sont des innocents qui la subissent.

    Politiquement incorrect(e)

    12 h 09, le 11 septembre 2021

  • LA PARTIE "PUISSANTE" A RAREMENT RECUEILLI BEAUCOUP DE SYMPATHISANTS, ENCORE MOINS LORSQU'IL S'EST AGI DE LA PARTIE ""LA PLUS PUISSANTE ". LA RAISON EN EST SIMPLE:C'EST QUE " LA RAISON DU PLUS FORT EST TOUJOURS LA MEILLEURE" LA REND TROP SOUVENT INJUSTE PARCE QUE EGOISTE.

    Gaby SIOUFI

    10 h 30, le 11 septembre 2021

  • Le concept vaseux d’Occident ne correspond à aucune réalité concrète. S’il est bien une chose que la lecture du 11 septembre et de ses conséquences sur le monde démontre - à travers notamment l’analyse de l’interventionnisme américain durant les deux dernières décennies - c’est que les intérêts américains ne sont absolument pas alignés, et parfois même opposés, à ceux des européens. C’est une dimension qui manque cruellement dans cet article d’opinion.

    Giuliani Jean-Raphael

    05 h 29, le 11 septembre 2021

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