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Culture - Quoi qu’on en lise

Chronique d’une mort annoncée

En ce sinistre mois d’août au Liban, j’ai avoué à une amie journaliste ne pas savoir quel livre chroniquer.
Chronique d’une mort annoncée

Pour tout amateur de jazz (et/ou de photographie), ce livre est précieux. Photo DR

À une amie journaliste au Liban, j’ai avoué ne pas savoir quel livre chroniquer dans L’Orient-Le Jour en ce sinistre mois d’août. La littérature qui se veut hors du temps et des actualités est parfois rattrapée par le réel. J’affabule. Je suis parfois rattrapé par le réel, la littérature n’a rien à voir là-dedans. Je ne parviens pas à choisir. Soit le prix du livre est bien trop élevé, soit les sujets me semblent trop en déconnexion avec la situation du pays. Il y avait (hors littérature) ce beau livre photos, Jazz Power, édité par les éditions Delpire qui revient sur les vingt premières années (1954-1974) de la revue française Jazz Magazine. Je voulais titrer l’article « Niggas in Paris », reprenant le titre de la chanson de Jay-Z et Kanye West qui, dans un trip mégalo XXL, chantonnaient en 2011 : « Ball so hard. Let’s get faded. Le Meurice for like six days. Gold bottles, scold models, spillin’ ace on my sick J’s. » Avec Jazz Magazine, il s’agissait d’autres « Niggas in Paris », à faire pâlir nos deux rappeurs... On parle ici de Ray Charles, Miles Davis, Theolonious Monk, Ella Fitzgerald, John Coltrane, Charles Mingus, Ron Carter ou encore la grande Nina Simone. Les rédacteurs en chef voulaient mettre les musiciens de jazz dans une situation où l’on plaçait, dans d’autres magazines comme Paris Match, les vedettes de cinéma. Ray Charles pris en photo sur une terrasse qui surplombait l’avenue des Champs-Élysées se retrouvait en double page, avec comme titre « Ray Charles a régné cinq jours sur Paris ». Pour tout amateur de jazz (et/ou de photographie), ce livre est précieux, il est non seulement beau, très beau, mais il revient aussi sur l’aventure de cette revue qui a œuvré à la découverte du jazz en France, de ses musiciens, de ces « nouveaux prophètes » et à l’évolution de la représentation des jazzwomen et jazzmen afro-américains à une époque où des lois de ségrégation raciale (en vigueur jusqu’en 1964) existaient encore aux États-Unis. Seul hic, le prix du livre, 58 euros, qui converti en livres libanaises atteignait une somme démentielle qui m’a fait rebrousser chemin.

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Je m’étais rabattu sur les livres de la rentrée littéraire (moins coûteux). Pas moins de cinq cents romans et récits sortent cette année entre fin août et début septembre. J’avais l’embarras du choix (sans prendre en compte les auteurs libanais, car on sait tous que si un Libanais donne son avis sur un autre Libanais qui, lui-même, donne son avis sur un autre Libanais, des milices peuvent se créer, et on connaît la suite de l’histoire). En haut de ma pile, j’avais La France goy de Christophe Donner, saga sur l’histoire de l’antisémitisme en France (qui devrait sans attendre être adaptée en série Netflix) pour lequel je présage un futur prix littéraire, je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi personne n’a encore inventé les paris sur les prix littéraires. Mon pronostic pour un tiercé gagnant tous prix confondus serait : La France goy donc de Christophe Donner, Rabalaïre d’Alain Guiraudie (que je joue sur les conseils du même Christophe Donner), ou l’histoire d’un « mec qui va à droite, à gauche, un homme qui aime bien aller chez les gens », l’histoire de Jacques, chômeur, passionné de vélo, qui, entre Clermont-Ferrand et l’Aveyron, va connaître toute une série d’aventures, roman dont le style d’écriture est jouissif, et Les vies de Jacob de Christophe Boltanski qui revient sur les traces d’un mystérieux album photos que l’écrivain a ramassé aux puces, composé de 369 photomatons d’un même homme.

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Au moment où j’établissais cette liste, je recevais des messages de mes amis, de mon entourage au Liban hurlant de désespoir, vivant sans électricité, sans essence, parfois même sans eau, et je n’assumais aucunement d’écrire sur un roman ou un autre qui ne parlait pas de ce malheur-là, ce malheur libanais. Face à mes doutes et avec l’espoir qu’elle m’éclaire un peu, j’avais donc écrit à mon amie journaliste qui m’a seulement répondu : Chronique d’une mort annoncée (de Gabriel García Márquez), consolidant ainsi mes doutes.

À une amie journaliste au Liban, j’ai avoué ne pas savoir quel livre chroniquer dans L’Orient-Le Jour en ce sinistre mois d’août. La littérature qui se veut hors du temps et des actualités est parfois rattrapée par le réel. J’affabule. Je suis parfois rattrapé par le réel, la littérature n’a rien à voir là-dedans. Je ne parviens pas à choisir. Soit le prix du livre est bien...

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trop de parantheses

Kyriakos-saad Marwan

10 h 31, le 25 août 2021

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  • trop de parantheses

    Kyriakos-saad Marwan

    10 h 31, le 25 août 2021

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