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Agenda

Lette ouverte au président français : il faut sanctionner et non « recycler »

Cher Emmanuel Macron,

La situation au Liban est catastrophique et se dégrade de jour en jour.

Votre discours du 4 août 2021 a remis l’accent sur trois faits indéniables :

1. La crise que vit le Liban est la résultante de faillites individuelles et collectives, de dysfonctionnements injustifiables, et de l’accumulation de toutes les défaillances d’un modèle qui s’est détourné du bien public et de l’intérêt général.

2. Toute la classe politique au pouvoir n’a cessé d’aggraver la crise et fait le pari du pourrissement.

3. La priorité essentielle est de former un gouvernement, trouver les compromis nécessaires et mettre en œuvre la feuille de route décidée il y a plus d’un an.

Vous avez présenté la France comme une amie bienveillante, mais aussi exigeante et déterminée. Personne ne met en doute la bienveillance et l’amitié profonde de la France à l’égard du Liban. Mais pour ce qui est de l’exigence et de la détermination, leur manifestation est perçue à géométrie variable ; ce qui provoque à la fois une vraie déception à l’égard de la politique française vis-à-vis du Liban et s’avère aussi contre-productive.

Il suffirait de bien peu de choses pour que cette politique française aboutisse.

Monsieur le Président, permettez-moi de suggérer un ensemble de points à revoir :

1. Les Libanais sont des otages qui n’arrivent pas à se libérer seuls. Le coût et la durée du pourrissement s’avère exponentiellement élevé en termes social et économique. Toute la classe politique actuelle continue à assassiner chaque jour l’avenir et les rêves de la jeunesse libanaise, le seul espoir du pays.

2. On menace mais on ne sévit pas, voire pire, on recycle. Les menaces de sanctions contre les dirigeants corrompus sont répétées depuis plus d’un an sans l’embryon d’un début d’application de peine. Ils se croient donc intouchables. L’inaction française dans ce domaine recycle, de facto, certains politiciens en « sauveurs » du pays, elle leur profite et les encourage dans la continuation de leurs prestations de pyromanes-pompiers. Il faut les sanctionner fermement et non les recycler.

3. Le retour de la confiance est l’élément-clé du redressement, d’où l’importance du casting gouvernemental et du contenu de la feuille de route.

a. L’importance du casting gouvernemental est essentielle. Ceux qui ont conduit le pays à la ruine et perdu la confiance des Libanais ne peuvent ni en faire partie ni présenter des solutions. Seules les personnes qui ont la confiance des Libanais devraient intégrer les instances dirigeantes. Bien que les ONG aient fait un travail quotidien remarquable et compensé l’incurie de l’État, elles ne peuvent être le seul véhicule de redressement. Il faudrait intégrer au gouvernement des technocrates expérimentés, honnêtes et présents sur le terrain, connaissant en profondeur la réalité des différentes crises et de leurs corrélations pour définir et appliquer un plan de sauvetage avec des objectifs prédéfinis et des résultats tangibles. Ces personnes sont actives et ont formulé publiquement des propositions concrètes. Ils ont besoin à présent du soutien de la France et de la communauté internationale pour émerger face à l’establishment actuel.

b. La teneur de la feuille de route est la grande inconnue. C’est l’Arlésienne libanaise. Par exemple, Le Monde a publié en date du 03/08/2021 une tribune « Nous voulons reconstruire le Liban » signée par un collectif de Libanais respectables et qualifiés issus du terrain. Notre crise est protéiforme, ce sont vos propos. Vous conviendrez donc que la feuille de route de sauvetage requiert une approche holistique, des mesures systémiques et la création d’un écosystème de changement radical de gouvernance et de transparence. La teneur des propositions de ce collectif, qui a l’aval du peuple libanais, peut complémenter la feuille de route et permettre ce changement radical vers la sortie de crise et l’instauration d’un État de droit. La France devrait soutenir ces propositions.

4. Les prochaines élections ne devront pas être un jeu de dupes.

L’obsession de focaliser la formation du gouvernement autour de l’attribution des portefeuilles régaliens de l’Intérieur et de la Justice vient de la volonté de la classe dirigeante de manipuler et de s’assurer, en sus de la préservation de l’immunité des « suspects usuels », que les élections législatives prochaines auraient un double impact espéré : présenter aux yeux de la communauté internationale un visage d’élections libres et démocratiques en présence d’observateurs étrangers conviés alors que le résultat serait prédéfini et validé bien à l’avance. Un jeu de dupes de haut vol.

5. L’armée devra être impartiale et garante, stricto sensu, de la sécurité des citoyens et du territoire. Les aides internationales que la France et la communauté internationale octroient à l’armée nationale libanaise devront être assorties de clauses et de démonstration d’impartialité et de respect du droit de manifester pacifiquement et de l’ordre en lien avec un État de droit.

Tout gouvernement formé sera celui de la dernière chance. De ce fait, il a obligation de résultats et devra définitivement renoncer aux vieilles méthodes mortifères et rances.

Cher Président Macron, certains cyniques diront que l’amitié n’existe pas dans les relations internationales, seuls existent les intérêts respectifs. L’amitié qui lie nos deux pays remonte bien loin mais son intensité dépend du taux de franchise que nous sommes capables de montrer l’un à l’autre. La France devrait impérativement privilégier et soutenir les interlocuteurs qui ont la confiance des Libanais.

Aidez-nous à vous aider nous a-t-on dit ; nous y voilà.

Bien à vous

Misbah AHDAB

Ancien député indépendant

(circonscription de Tripoli)

Ex-consul honoraire de France

Officier de l’ordre du Mérite

national français

Cher Emmanuel Macron, La situation au Liban est catastrophique et se dégrade de jour en jour.Votre discours du 4 août 2021 a remis l’accent sur trois faits indéniables : 1. La crise que vit le Liban est la résultante de faillites individuelles et collectives, de dysfonctionnements injustifiables, et de l’accumulation de toutes les défaillances d’un modèle qui s’est détourné du bien public et de l’intérêt général. 2. Toute la classe politique au pouvoir n’a cessé d’aggraver la crise et fait le pari du pourrissement. 3. La priorité essentielle est de former un gouvernement, trouver les compromis nécessaires et mettre en œuvre la feuille de route décidée il y a plus d’un an. Vous avez présenté la France comme une amie bienveillante, mais aussi exigeante et déterminée. Personne ne met en doute la...