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Économie - Pénurie de carburant

Les Libanais à deux doigts du point de rupture

Les incidents près des stations-service se sont multipliés hier, alors que la crise atteint son paroxysme et que les black-out finissent de gangrener une économie déjà moribonde.

Les Libanais à deux doigts du point de rupture

Une altercation entre automobilistes a conduit les effectifs de l’armée à bloquer temporairement la circulation à Achrafieh. Photo M.H.

Nouvelle journée noire hier pour les Libanais qui ont eu le malheur de vouloir faire le plein d’essence, de se déplacer pour des raisons personnelles et professionnelles, et même pour ceux qui ont préféré rester chez eux, sur fond de crises et pénuries tous azimuts.

À la veille d’un probable ajustement décisif des prix de l’essence, du mazout et du gaz consécutif à l’annonce de l’arrêt des subventions par le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé la semaine dernière, la pression aux abords des stations-service ouvertes était encore démentielle hier, avec des files interminables de voitures, camions et bus, matraqués par un soleil de plomb. Un phénomène amplifié par les doubles files formées par les véhicules essayant d’atteindre les voies d’accès réservées aux quelques corps professionnels privilégiés – chauffeurs de taxi notamment – occasionnant d’effroyables perturbations sur les axes de circulation concernés.

À Beyrouth, la situation était encore plus infernale qu’à l’accoutumée en raison des mobilisations organisées en marge de la tragique explosion d’un réservoir d’essence dans le village de Tleil (Akkar) dans la nuit de samedi à dimanche. Aux environs de 14h, la passagère d’un taxi la transportant de Badaro à Jeïtaoui a ainsi raconté avoir préféré continuer à pied après avoir été bloquée au niveau de Karm el-Zeitoun, suite à une grosse altercation entre automobilistes, qui a contraint l’armée à intervenir, ce qui a bloqué temporairement la circulation.

Incidents sporadiques

Au même moment, l’Agence nationale d’information (ANI, officielle) rapportait que plusieurs personnes avaient été blessées suite à des tirs contre une station d’essence dans la banlieue sud de Beyrouth. Sur Facebook, la page weyniyyé eldawleh (« Où est l’État ») a attribué ces incidents sécuritaires à des affrontements entre la troupe, qui débusque depuis 48 heures les caches de carburant que des distributeurs stockaient pour les revendre plus cher, et des individus armés appartenant au « clan Zeaïter », connu pour faire partie du crime organisé. Ces incidents, dont nous n’avons pas pu confirmer ni le contexte exact ni l’ampleur, se seraient concentrés dans les quartiers de Kafa’at et de Laylaki. À Tyr, au Liban-Sud, une dispute aux abords d’une station-service a fait trois blessés. Certains sites d’information ont rapporté que les tirs ayant provoqué l’incendie de la station d’essence avaient pour origine un RPG-7 (lance-grenades antichar), un fait que nous n’avons pas pu faire confirmer, l’hypothèse de tirs à l’arme légère automatique semblant plus plausible au regard des extraits vidéo que nous avons pu consulter.

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Les Libanais souhaitant rester à l’écart de ces incidents ont, pour leur part, dû vivre une journée de plus dans l’angoisse d’être définitivement plongés dans l’obscurité, entre les black-out d’Électricité du Liban (EDL) et les menaces des propriétaires de générateur de mettre leurs unités de production à l’arrêt dès l’épuisement de leur stock, faute d’avoir été livrés. Le fournisseur public, dont les capacités sont insuffisantes en temps normal pour répondre à la demande, ne fait actuellement fonctionner que 800 mégawatts (MW) sur les 1 800 disponibles, faute de financements suffisants pour acheter son carburant (consistant essentiellement en avances du Trésor prélevées sur les réserves de devises de la BDL). Sa capacité à distribuer le courant a été encore plus perturbée ces derniers jours par le détournement de plusieurs sous-stations relais par des usagers (une à Baalbeck, deux à Beyrouth, dans les quartiers populaires de Horch et Basta, et les cinq autres au Liban-Sud : Tyr, Zahrani, Nabatiyé, Wadi Jilo et Msaïleh).

La carte d’approvisionnement pour bientôt ?

Les propriétaires de générateur de plusieurs régions ont, eux, mis en avant la déclaration aux médias du président de leur rassemblement, Abdo Saadé. En milieu de journée, ce dernier a affirmé que les sociétés distributrices de carburant n’avaient pas effectué de livraisons de mazout et que les exploitants qui étaient à court de carburant seraient contraints d’éteindre leurs unités de production. Il a également affirmé que les réserves de carburant d’EDL permettaient à l’établissement public de tenir jusqu’à fin septembre, un point que nous n’avons pas pu faire confirmer non plus. La situation semblait toutefois très changeante d’heure en heure : selon les témoignages d’abonnés, EDL a ainsi fourni trois fois plus de courant ce lundi que la veille (un total de 6 heures) dans certaines localités, tandis qu’à Beyrouth, des propriétaires de générateur qui avaient menacé de couper le courant l’ont finalement rétabli.L’armée a poursuivi pour sa part ses opérations visant à traquer les contrebandiers. La troupe a ainsi annoncé sur son compte Twitter avoir perquisitionné un entrepôt dans la cité industrielle de Zouk Mosbeh (Kesrouan) et y avoir saisi 65 000 litres de mazout et 48 000 litres d’essence, redistribués ensuite à des hôpitaux et des boulangeries de la région. Plus tard dans la journée, l’armée a également annoncé avoir perquisitionné un réservoir de carburant qui contenait environ 4 000 litres de mazout dans la localité de Wadi Honein (Liban-Sud) et un autre contenant 30 000 litres de diesel à Amchit (Jbeil). De leur côté, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont affirmé avoir confisqué 70 000 litres de mazout stockés dans des citernes et des cuves sur des terrains dans le sud de Beyrouth, des quantités qui ont également été redistribuées aux hôpitaux, ainsi qu’à des propriétaires de générateur de quartier. L’armée a par ailleurs annoncé que le numéro de la hotline pour dénoncer tout acte de contrebande ou de stockage illégitime était le 05/456900, en lieu et place du 117 lancé ce week-end.

Réunie à Beyrouth, la commission parlementaire des Travaux publics a, elle, appelé le président Michel Aoun et le Premier ministre sortant Hassane Diab à mettre en place la carte d’approvisionnement pour les familles les plus pauvres « d’ici à une semaine » pour pouvoir arrêter par la suite les subventions sur les produits de base. « Sans une mise en place de la carte d’approvisionnement, les subventions ne pourront pas être levées », a martelé le président de la commission, le député Nazih Najm. Les responsables présents à la réunion – le ministre sortant des Finances Ghazi Wazni et celui de l’Énergie et de l’Eau Raymond Ghajar – ont dans ce cadre appelé la BDL à « répondre aux besoins du marché en levant progressivement les subventions d’ici à dix jours, le temps que la carte d’approvisionnement soit distribuée ». Pour rappel, la carte d’approvisionnement a été adoptée fin juin mais ses contours n’ont été finalisés que récemment par le comité ministériel chargé de le faire.

Le député Najm a également demandé à l’armée de protéger les stations relais d’EDL à travers le territoire. Il a en outre remercié le gouverneur de la BDL pour avoir permis l’entrée d’un navire-citerne transportant du mazout, confirmant ainsi indirectement certaines informations relayées dans les médias et indiquant le déblocage de crédits devant régler 80 millions de litres. La commission a de plus exigé qu’un rapport soit présenté quotidiennement à la commission parlementaire de l’Énergie, dans lequel la distribution des quantités d’hydrocarbures importées sera bien détaillée, afin de tracer les cargaisons finissant dans les cuves des contrebandiers. Le zèle des députés sur ce sujet après des mois de procrastination semble, lui, à mettre au compte des répercussions indirectes de l’explosion meurtrière du Akkar. Un affaire qui a éclaboussé certains députés appartenant au courant du Futur et au Courant patriotique libre.

La commission a également annoncé que le ministre sortant de l’Énergie l’avait informée qu’il présentera « un plan global pour fournir de l’électricité au pays pour une durée de 12 à 16 heures par jour d’ici à une semaine ou dix jours » et qu’il présentera par la suite une demande au Parlement « à qui il (reviendra) de prendre la bonne décision ». Selon la commission, le ministre a enfin relevé que l’accord conclu en juillet entre le Liban et l’Irak pour permettre à EDL de se fournir en carburant sans mettre les réserves de devises de la BDL à contribution « sera mis en place à partir du 3 septembre » (lire encadré).Tandis que plus de la moitié de la population est passée sous le seuil de pauvreté, une levée totale des subventions sur les carburants devrait entraîner une augmentation de leurs prix de plus de 300 %.

Si la crise du carburant trouve sa source dans la détérioration de la situation financière du pays depuis l’été 2019, son récent développement et son intensification au détriment des Libanais semblent être la conséquence directe du bras de fer entre les différentes forces politiques autour de la formation du gouvernement. Une redistribution des cartes politiques habituelle au Liban mais particulièrement assassine alors que la crise socio-économique atteint son paroxysme. Une économie que le black-out actuel est en train de gangrener, alors que les entreprises, institutions et commerces ferment leurs portes les uns après les autres, incapables de fonctionner sans électricité. Parmi ceux-ci, les banques suivent le pas, bien que certaines profitent de cette fenêtre pour fermer des agences, selon une source bancaire contactée.

Nouvelle journée noire hier pour les Libanais qui ont eu le malheur de vouloir faire le plein d’essence, de se déplacer pour des raisons personnelles et professionnelles, et même pour ceux qui ont préféré rester chez eux, sur fond de crises et pénuries tous azimuts.À la veille d’un probable ajustement décisif des prix de l’essence, du mazout et du gaz consécutif à l’annonce de...

commentaires (5)

FUIR LES TALIBANS FUIRE L'ETAT LIBAN MERCI AOUN BASSIL NASRALLAH HARRIRI GEAGEA FRANGIE ET CONSEURS POUR VOTRE AMOUR DEMESURE POUR LE LIBAN EN ESPERANT VOUS VOIR TOUS FUIRE L'ETAT LIBAN AU PLUS VITE CAD AUJOURDH'UI MEME AVANT DEMAIN( et pas comme pour la constitution d'un ministere le plus vite possible cad 10 mois un an etc..)

LA VERITE

13 h 04, le 18 août 2021

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Commentaires (5)

  • FUIR LES TALIBANS FUIRE L'ETAT LIBAN MERCI AOUN BASSIL NASRALLAH HARRIRI GEAGEA FRANGIE ET CONSEURS POUR VOTRE AMOUR DEMESURE POUR LE LIBAN EN ESPERANT VOUS VOIR TOUS FUIRE L'ETAT LIBAN AU PLUS VITE CAD AUJOURDH'UI MEME AVANT DEMAIN( et pas comme pour la constitution d'un ministere le plus vite possible cad 10 mois un an etc..)

    LA VERITE

    13 h 04, le 18 août 2021

  • Le Liban doit être mis sous tutelle arabe et/ou internationale. L’armée nationale doit s’emparer provisoirement du pouvoir le temps de juger tous ces politiciens pourris et rapatrier autant que possible l’argent volé tout comme l’avait fait MBS en Arabie Saoudite. L’armée pourra ensuite superviser de véritables élections libres affranchies des armes illégales des milices et ainsi avoir une nouvelle chambre de députés intègres et compétents qui éliront librement et démocratiquement un vrai président de la république de la trempe d’un Camille Chamoun ou Fouad Chehab. Sinon avec la clique actuelle, la descente aux enfers va continuer et s’aggraver

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 39, le 18 août 2021

  • La malédiction s’est abattue sur nous en 2016 de la même façon qu’elle l’avait été en 1988 lorsque le président Amine Gemayel avait été contraint et force de nommer le général Michel Aoun premier ministre.

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 28, le 18 août 2021

  • ON A LE GOUVERNEMENT ET LES GOUVERNANTS QU’ON MÉRITE. Les libanais refusent de se rebeller contre leurs tortionnaires en attendant qu’un état étranger envoie ses enfants mourir pour eux. Ça n’arrivera jamais et l’hémorragie continuera tant qu’il n’y a pas un peuple digne de ce nom pour défendre lui même ses droits et renverse le pouvoir pourri pour le remplacer. Le gouvernement auquel ils aspirent ne verra jamais le jour, nous aurons un gouvernement de mafieux qui viendra remplacer l’actuel et les libanais pousseront un ouf de soulagement comme s’ils avaient gagné la bataille alors que ce sera un round de plus dans le misérabilisme qui n’en finit pas de les anéantir. Se référer à la première phrase de ce commentaire.

    Sissi zayyat

    09 h 11, le 18 août 2021

  • Très très fort ce règne. Wallah.

    Gros Gnon

    00 h 46, le 18 août 2021

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