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Culture - Musique

Vivaldimania : la furie baroque vénitienne éclate

Comment le maestro vénitien, tombé au crépuscule de sa vie et bien au-delà pendant plus d’un siècle dans le plus profond oubli, est aujourd’hui, 280 ans après sa mort, célébré par les orchestres du monde entier.

Vivaldimania : la furie baroque vénitienne éclate

Portrait probable de Vivaldi datant de 1723, d’un auteur inconnu. Wikicommons

De l’âge baroque aux temps modernes, la musique savante occidentale aurait été marquée par de perpétuelles volte-face cyclothymiques. Si l’époque moderne a été largement influencée par les dissonances « constructives », empreintes d’un expressionisme fiévreux de Schönberg, l’époque romantique a sans doute puisé ses sources dans les titanesques tempêtes révolutionnaires de Beethoven, les lueurs d’exaltation nocturne de Chopin et les fantasmagories délirantes de Schumann. Et si l’époque classique s’est forgé un ordre de création nouveau grâce à la rigueur et la sobriété inégalables et inégalées de Mozart, l’époque baroque a été portée à son paroxysme par les fastueuses trames

contrapuntiques fouaillées de majestueuses fioritures du cantor de Leipzig (Bach), mais aussi la « furie de composition prodigieuse » du prêtre roux, Antonio Vivaldi, tombé, au crépuscule de sa vie et bien au-delà, pendant plus d’un siècle, dans le plus profond oubli. Aujourd’hui, 280 ans après la mort du maestro vénitien, les orchestres du monde entier continuent de tisser ses plus somptueuses fresques musicales où les mélodies à l’éloquence raffinée et élégante s’entremêlent et s’harmonisent entre elles pour infuser les couleurs des quatre saisons.

Compositeur prolifique

Maître incontournable du violon et mélodiste intarissable, Antonio Vivaldi a prodigieusement marqué la musique de son temps. Extrêmement prolifique, il est entre autres à l’origine de plus de cinq cents concerti (dont évidement les quatre premiers concerti pour violon de l’opus 8 L’Épreuve de l’harmonie et de l’invention, communément connus sous le nom des Quatre Saisons), une quarantaine d’œuvres de musique sacrée (dont le Nisi Dominus, le Stabat Mater et le Gloria en ré majeur RV 589), une centaine de cantates et d’arias et une cinquante d’opéras dont uniquement une vingtaine ont été exhumés des ruines du passé, notamment grâce au remarquable travail du chef d’orchestre français Jean-Christophe Spinosi, qui aurait ressuscité La verità in cimento en 2003 et enregistré trois autres opéras du prêtre roux (Orlando furioso en 2004, Griselda en 2006 et La fida ninfa en 2008). « Il y eut une première vague lorsque Vivaldi fit éditer ses premiers opus à Amsterdam, au début du XVIIIe siècle. Les concertos italiens (Corelli, Vivaldi, etc.) ont alors envahi l’Europe entière et ils ont inspiré jusqu’à Haendel et Bach », explique Gilles Cantagrel, grand expert de la musique baroque. En effet, durant un séjour à Weimar, le maître absolu du contrepoint et de l’harmonie reçoit des mains du compositeur Johann Gottfried Walther des partitions de Corelli, Albinoni, Frescobaldi, Legrenzi et Vivaldi. Impressionné par la richesse de la musique italienne et particulièrement des concerti pour violon du prêtre vénitien, le génie allemand se met à les recopier de sa main puis à les transcrire, transposer et arranger tout en les imprégnant des couleurs germaniques, remplaçant ainsi l’instrument roi italien, le violon, par l’instrument roi de l’ère baroque allemande, le clavecin. J.S. Bach a ainsi choisi d’enrichir l’écriture de la basse originale de Vivaldi et d’étoffer le discours harmonique et contrapuntique entre les tutti et les soli : neuf œuvres de Bach d’après Vivaldi résisteront à l’épreuve du temps.

Vivaldimania

« Puis, avec l’évolution, la musique que l’on n’appelait pas encore “baroque” fut presque totalement oubliée, Vivaldi en tête. Il s’est maintenu comme musique de supermarchés ou de salles d’attente », note Cantagrel en signalant que ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que cette musique est revenue en vogue. Le disque de longue durée, appelé « microsillon », a en effet ouvert le champ à des œuvres beaucoup plus longues et beaucoup plus nombreuses et a permis de ce fait de raviver la flamme de l’âge d’or baroque : « Il fallait constituer des catalogues (en France, la firme Erato a fait un remarquable travail). Dès les années d’après-guerre, les mélomanes se sont jetés dans des musiques rassurantes, belles, agréables, qu’on pouvait fredonner mieux que l’Art de la fugue. Avec 500 concerti, on avait le choix. » Et d’ajouter : « Cette “Vivaldimania” a propulsé à l’époque le marché du disque qui s’est alors diversifié et considérablement enrichi. » En somme, Vivaldi, mort le 28 juillet 1741 dans l’indifférence et le dénuement, après avoir fixé la forme du concerto de soliste (en révolutionnant le concerto grosso d’Arcangelo Corelli), à travers ses œuvres virtuoses où les tutti contrastent majestueusement avec la dentelle du violon solo, et jonglé entre les différentes formes de l’art lyrique, demeure aujourd’hui, auprès de J.S. Bach et Haendel, un des rois trônant dans les hauteurs lumineuses de l’Olympe de la musique baroque. « Bach est un génie absolu, dans la profondeur de sa pensée, mais on fréquente aujourd’hui de nombreuses œuvres de Vivaldi, et l’on découvre ses opéras. Tant mieux ! » conclut Gilles Cantagrel.

De l’âge baroque aux temps modernes, la musique savante occidentale aurait été marquée par de perpétuelles volte-face cyclothymiques. Si l’époque moderne a été largement influencée par les dissonances « constructives », empreintes d’un expressionisme fiévreux de Schönberg, l’époque romantique a sans doute puisé ses sources dans les titanesques tempêtes...

commentaires (1)

‘ Spring ‘des quatre saisons revisité par Richter est une splendeur qui élève l’âme aux plus hauts sphères,,

Wow

20 h 17, le 10 août 2021

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Commentaires (1)

  • ‘ Spring ‘des quatre saisons revisité par Richter est une splendeur qui élève l’âme aux plus hauts sphères,,

    Wow

    20 h 17, le 10 août 2021

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