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Moyen-Orient - Éclairage

Le régime syrien passe à la vitesse supérieure à Deraa

Les forces loyalistes ont lancé jeudi une vaste offensive sur l’ancien bastion de l’opposition situé dans le sud du pays.

Le régime syrien passe à la vitesse supérieure à Deraa

De la fumée s’élève au-dessus des zones rebelles de la ville de Deraa, dans le sud de la Syrie, après des raids attribués au régime syrien, le 5 juillet 2018. Mohammad Abazeed/AFP.

La ville de Deraa, située dans le Sud syrien, a connu jeudi ses combats les plus meurtriers depuis sa reprise par les forces loyalistes en 2018. Selon un bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 28 personnes – dont huit combattants prorégime, neuf combattants rebelles et 11 civils parmi lesquels des enfants – ont été tués après que le régime de Damas a bombardé à l’aide d’armes lourdes le quartier de Deraa al-Balad, ancien chef-lieu des opposants, et ses environs, tout en menant en parallèle une poussée au sol depuis trois directions. « Les forces de la 4e division de l’armée syrienne et les milices iraniennes ont commencé une incursion militaire depuis les axes de Gharz, al-Bahar et la place Bosra, explique Mohammed Rasheed, journaliste syrien indépendant. En conséquence, un grand nombre de civils ont été blessés en l’absence de tout point médical à Deraa al-Balad ». Plusieurs détachements de la 4e division, dirigée par Maher el-Assad, frère du président, ainsi que des milices pro-Iran, dont le Hezbollah, étaient arrivés dans la région au printemps 2020, laissant les habitants craindre une offensive militaire prochaine.

En représailles et par solidarité, plusieurs attaques contre des postes de contrôle militaires et sécuritaires ont été signalées jeudi dans des localités voisines. Des combattants locaux ont notamment attaqué le poste de contrôle du village de Saida et capturé 25 de ses hommes. Plusieurs membres des services de renseignement de la Force aérienne syrienne ont également été retenus captifs dans la ville d’al-Hirak. Selon des sources locales relayées par le média Enab Baladi, les combattants locaux auraient également coupé la route internationale entre Damas et le poste-frontière de Nassib, situé le long de la Jordanie, après que Damas et Amman ont annoncé le passage prochain de camions de marchandises syriennes en Jordanie à destination des pays du Golfe. Une opération-clé pour le régime de Bachar el-Assad, censée permettre la restauration des relations avec le royaume hachémite et l’assouplissement des sanctions internationales qui lui sont imposées.

Violation de l’accord

La tension était déjà montée d’un cran à la fin du mois de juin, alors que les forces loyalistes avaient assiégé les quartiers de Deraa tenus par les anciens rebelles. Cette manœuvre faisait suite à une réunion au cours de laquelle un policier militaire russe avait demandé au comité représentatif des habitants de Deraa que ces derniers restituent leurs armes légères en échange de plusieurs faveurs, comme le démantèlement des milices pro-Damas. Une proposition refusée par la population, qui pointait du doigt la violation de l’accord de réconciliation négocié par Moscou entre l’opposition et le gouvernement en juillet 2018, au terme de mois d’affrontements intenses ayant tué des centaines de personnes et forcé des milliers d’autres à se déplacer. Selon cet accord, l’État syrien détient le contrôle de toutes les positions aux mains des rebelles le long de la frontière jordanienne, tandis que les combattants qui refusent de se soumettre doivent rejoindre les territoires aux mains de l’opposition situés dans le nord du pays. Ceux qui choisissent de rester doivent quant à eux restituer leurs armes lourdes et moyennes et peuvent conserver leurs armes légères.

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« Alors que le régime et son allié iranien n’étaient pas tout à fait satisfaits du résultat des négociations, ils ont opéré pour saper le statu quo afin d’étendre leur contrôle dans de nombreuses régions du Sud », observe Abdallah el-Jabassini, chercheur à l’Institut universitaire européen (IUE) et au Middle East Institute, spécialisé dans les microdynamiques de guerre et d’après-guerre dans le sud de la Syrie.

« Le siège, les négociations pour la remise des armes légères et l’offensive militaire qui a suivi contre Deraa al-Balad sont tous un épisode de ce processus, dont d’autres régions du Sud ont déjà été témoins », poursuit-il.

Depuis la conclusion de cet accord, la région est sous haute tension alors que de nombreuses tentatives d’intimidation et d’assassinats ont secoué la province. Selon un rapport du Bureau des martyrs de Deraa, 1 000 tentatives d’assassinats ont eu lieu depuis août 2018, dont 592 ont abouti. Les cibles principales n’étaient autres que d’anciens rebelles ayant rejoint les forces du régime (377 tentatives) et d’autres ne les ayant pas rejoint (235).

Mainmise du régime

Derrière ces exactions se cache surtout la volonté des autorités de Damas d’étendre leur contrôle sur cet ancien bastion de l’opposition. « Il semble que Bachar el-Assad et la Russie se préparent depuis longtemps à cette attaque à grande échelle sur Deraa et ses environs », remarque Oula Alrifai, spécialiste de la Syrie au Washington Institute, pour qui le régime veut réduire au silence et réprimer la dissidence locale dans ce berceau de la révolution syrienne. Selon plusieurs observateurs, la situation s’est davantage tendue dans la province après que ses habitants ont refusé de participer à l’élection présidentielle de mai dernier, « ce qui a été signalé dans plus de 30 localités de Deraa », indique Abdallah el-Jabassini. Au-delà de la volonté de punir la population pour sa rébellion, « l’objectif principal de l’offensive militaire est de mettre fin au statut semi-autonome de la zone, de faire respecter le contrôle des armes et d’étendre la mainmise du régime dans le Sud », ajoute le spécialiste.

Hier, des pourparlers ont débuté dans la province ente l’armée syrienne, des responsables sécuritaires et un comité regroupant des habitants de Deraa. Engagés sous la pression de Moscou, ces derniers ont pour objectif de parvenir à un cessez-le-feu, sans lequel la situation pourrait s’avérer catastrophique pour la population. « Si les négociations échouent et que les parties ne parviennent pas à un accord, la reprise des hostilités aurait des conséquences dévastatrices, entraînant davantage de morts parmi les civils et des vagues de déplacement », observe Abdallah el-Jabassini. « La poursuite des hostilités déclencherait également une propagation des affrontements armés dans la région et pourrait pousser le régime syrien à élargir l’échelle de son opération militaire pour cibler des zones au-delà de Deraa al-Balad », souligne-t-il.

La ville de Deraa, située dans le Sud syrien, a connu jeudi ses combats les plus meurtriers depuis sa reprise par les forces loyalistes en 2018. Selon un bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 28 personnes – dont huit combattants prorégime, neuf combattants rebelles et 11 civils parmi lesquels des enfants – ont été tués après que le régime de Damas a...

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