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Agenda - Hommage au pr Joy Harb

Un artiste, ça prend le large...

« La tristesse durera toujours. » Cette phrase attribuée à Van Gogh me vient à l’esprit lorsque je pense à toi ! Et pourtant, ce n’est tellement pas toi ! Tu étais pour moi la personnification de l’optimisme, de la force, de l’énergie et de l’élégance. À notre première rencontre dans ton beau cabinet d’esthète parsemé de peintures, de sculptures, d’objets magnifiquement insolites, tu as ouvert ton fameux ordinateur et tu m’as montré pêle-mêle les centaines de sourires que tu as façonnés au fil des ans, comme un peintre fait découvrir les moindres mystères de son atelier secret. Il y avait le sourire, mais aussi l’histoire pittoresque, drôle, de chaque personne derrière ce sourire ! J’avais l’impression que chacun de tes patients était un ami, quels que soient sa culture, sa religion, ses moyens financiers.

J’étais fasciné par ton personnage, ta modernité, et toi, tu m’as adopté… Enfin, je crois, en tout cas je l’espère. Nous avions en commun cet amour de la langue française, des belles choses, de l’humour fin, vestiges d’un Liban francophone qui se désagrège au moment où tu nous laisses orphelins de ton sourire empathique et enjoué. Seize ans de collaboration, d’amitié sans un moment de doute, sans une anicroche, ça se fête ! Mais je t’en veux tellement mon Joy, tu ne nous as pas laissé le temps de fêter ça ! Ta clope, ta clope… ton seul petit vice, mais je me dis que c’était ta liberté.

Je m’en veux quand même de ne pas t’avoir obligé comme d’autres d’arrêter. Et puis je pense à Gainsbourg pour me consoler, les artistes prennent le large et impossible de les stopper. Comme Icare, tu es monté très haut dans ton art et souvent tu m’as emmené avec toi, sans jamais me donner de leçon ou inutilement me sermonner. J’ai vite compris par instinct qu’il fallait suivre simplement ta belle et tumultueuse vague pour avancer dans la vie en toute confiance et légèreté. Je pense que c’est le parcours que suivront Joy et surtout Gino qui a repris ton métier pour noble héritage. Dans leurs yeux, leurs mimiques, leurs légers hochements de tête, je te revois, mes yeux brillent de mélancolie, mais je me dis que malgré le spleen qui nous entoure, rien jamais ne se perd. La mort inéluctable nous laisse inconsolables, seule la transmission peut la combattre, car elle distille ces petits fragments de l’être à travers toute personne qui l’a fréquenté un jour, l’a aimé pour toujours. Comme dans le film d’Ettore Scola Nous nous sommes tant aimés, mon cher Joy. Aujourd’hui, permets-moi de briser ton beau sourire, avec une larme de désespoir face à la cruauté de la vie. Mais je te promets, demain je rirai de nouveau en pensant à toi sur une musique de Johnny.


« La tristesse durera toujours. » Cette phrase attribuée à Van Gogh me vient à l’esprit lorsque je pense à toi ! Et pourtant, ce n’est tellement pas toi ! Tu étais pour moi la personnification de l’optimisme, de la force, de l’énergie et de l’élégance. À notre première rencontre dans ton beau cabinet d’esthète parsemé de peintures, de sculptures, d’objets...