Émoi et blocages de routes dans le Chouf après le décès d'une fillette de 10 mois

De protestataires ont bloqué brièvement lundi matin plusieurs routes dans la région de l'Iqlim el-Kharroub (Chouf) pour manifester leur colère après le décès, faute de soins médicaux, de Jouri Sayyed, une fillette de dix mois originaire de la région, suscitant l'émoi à travers le pays. 

Les manifestants ont bloqué les routes des localités de Anout, Daraya  et Chhim, réclamant qu'une unité de soins intensifs soit créée dans l'Iqlim al-Kharroub.  L'imam de Daraya, Ahmad Basbous, a apporté son soutien aux protestataires. Ceux-ci ont aussi coupé brièvement le carrefour de Marj Ali. Toutes ces routes ont par la suite été rouvertes.

Jouri Sayyed est décédée samedi à Mazboud, un village de cette région, après trois jours de forte fièvre et une inflammation aux poumons. Son père n'a pas réussi à lui trouver une place dans une unité de soins intensifs pédiatriques. De nombreuses pharmacies observant ce jour-là une grève, la famille n'a pas pu trouver non plus les médicaments nécessaires. Pour sa part, l'hôpital de Mazboud a indiqué que l'enfant "reçu le traitement complet et approprié, dont tous les médicaments nécessaires", et qu'elle était décédée quelques heures après que ses parents l'aient sortie de l'établissement. Selon les médias locaux, la fillette est décédée alors que ses parents l'emmenaient vers un hôpital de Saïda doté d'une unité de soins intensifs pédiatriques.

Selon l'oncle du bébé, Ayman Sayyed, sa nièce est morte "faute de soins corrects et de médicaments" à l'hôpital où sa famille l'avait emmenée. "Les médicaments n'étaient pas disponibles à l'hôpital donc son père est allé à la pharmacie pour en acheter, mais elle était fermée", a-t-il raconté à l'AFP. De nombreuses pharmacies ont baissé leur rideau depuis vendredi pour protester contre les pénuries de médicaments dans le pays qui vit, selon la Banque mondiale, l'une des pires crises économiques au monde depuis 1850. "Nous vivons dans un pays où les hôpitaux n'ont pas de médicaments et où les pharmacies sont fermées", soupire M. Sayyed.

De son côté, le président de l'ordre des médecins, Charaf Abou Charaf, a précisé que "la pédiatre de la fillette a estimé samedi, après l'avoir examinée, qu'elle souffrait d'un choc sceptique". "Elle lui a donc donné le traitement nécessaire et a contacté un pédiatre à l'hôpital Hammoud à Saïda où se trouve une unité de soins intensifs pédiatriques, a-t-il ajouté. Un lit a été assuré à la fillette". "La Croix Rouge a été contactée pour emmener la fillette, toutefois les parents ne voulaient pas attendre et ils l'ont emmenée en voiture sous leur propre responsabilité", a poursuivi le médecin. M. Abou Charaf a également affirmé que "les affirmations sur les réseaux sociaux selon lesquelles le décès de la fillette est dû à la pénurie du médicament dont elle avait besoin sont incorrectes". Il a enfin appelé les médias à "ne pas répandre des informations inexactes" et à "attendre les conclusions de l'enquête scientifique".

Le ministre sortant de la Santé Hamad Hassan a demandé l’ouverture d’une enquête pour tirer au clair les circonstances de ce drame. La mort de la petite fille, victime de l'effondrement sanitaire du Liban, a provoqué émoi et colère à travers le pays. De nombreux internautes y voient une des nombreuses conséquences de l'effondrement du pays où les pénuries de carburants, d'électricité, de médicaments et d'autres biens de première nécessité se multiplient. Il est désormais pratiquement impossible de mettre la mains sur de simples analgésiques ou des préparations pour bébés.
Dans une vidéo largement partagée en ligne, on voit le père de Jouri Sayyed porter dans ses bras le corps de son enfant enveloppé dans un linge et demander aux journalistes: "A qui dois-je me plaindre? Aux requins qui ont laissé couler le pays?".

Une association d'importateurs de médicaments prévient depuis des semaines que le Liban sera bientôt à court de "centaines de médicaments de base pour les maladies chroniques". Dimanche, le syndicat des pharmaciens a décidé d'interrompre pour deux jours sa grève pour laisser une chance aux autorités de trouver une solution.