Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) Gebran Bassil s'est interrogé sur les raisons qui pourraient pousser le Premier ministre désigné Saad Hariri à se récuser, étant donné que la question de l'octroi de la confiance par son bloc parlementaire à un futur cabinet Hariri "a été réglée". Dans un entretien au quotidien arabophone an-Nahar, M. Bassil a estimé qu'une récusation du leader sunnite, une éventualité qui fait actuellement l'objet de concertations, constituerait "une perte et non une réussite" pour le camp politique aouniste.
Le Liban en pleine crise socio-économique demeure sans gouvernement actif suite à la démission du cabinet de Hassane Diab dans la foulée de la double explosion meurtrière du 4 août. Saad Hariri, qui avait été désigné en octobre 2020, n'est toujours pas parvenu à former son cabinet en raison d'un bras de fer politico-personnel qui l'oppose au chef de l'État Michel Aoun, et à son gendre Gebran Bassil. MM. Hariri et Aoun n'ont jusqu'à présent fait aucune concession concernant leurs revendications en matière de distribution et d'attribution des portefeuilles, en dépit des médiations locales et des pressions internationales. Face à ce blocage, Saad Hariri, qui est rentré dimanche soir des Émirats arabes unis, mène actuellement des concertations avec le président de la Chambre Nabih Berry et les anciens Premiers ministres, Tammam Salam, Nagib Mikati et Fouad Siniora, afin de trancher la question de sa récusation. Les discussions tournent notamment autour du choix d'une personnalité sunnite qui pourrait se poser comme alternative à M. Hariri pour former le cabinet. Il n'était pas clair jusqu'à présent si Saad Hariri envisage de se rendre à Baabda pour présenter une nouvelle mouture de 24 ministres au chef de l'État, avant de rendre son tablier si ce dernier devait la rejeter.
"Si Saad Hariri se récuse, c'est nous qui serons les plus grands perdants", a affirmé M. Bassil, soulignant qu'une telle décision "l'attristerait beaucoup". "Nous avons tout fait pour que la formation du gouvernement réussisse, et nous sommes prêts à faire n'importe quel pas qui pourrait contribuer à ce qu'il poursuive sa mission, ce qui éviterait de perdre plus de temps et mettre un terme à l'effondrement", a-t-il ajouté. "Par le passé, nous nous sommes entendus avec M. Hariri sur plusieurs sujets, et nous pouvons toujours nous mettre d'accord aujourd'hui. De notre côté, rien ne nous empêche de nous entendre avec lui. Je suis prêt, tout comme je l'avais fait auparavant, à discuter de tous les sujets. Nous trouverons un espace commun qui convienne à l'intérêt de tout le monde", a précisé le leader maronite.
Au sujet du CPL et de la nomination par le chef de l'État des deux ministres chrétiens "flottants" dans le nouveau gouvernement, Gebran Bassil a assuré que "le président Aoun n'a jamais demandé de nommer les deux ministres chrétiens". "Selon la logique, le président de la République et le Premier ministre désigné doivent approuver deux noms à partir d'une liste qui leur serait proposée et comprendrait des noms de spécialistes non-affiliés à des partis. Ils devraient se mettre d'accord sur les deux noms, ce qui permettrait d'éviter que le président obtienne le tiers de blocage tout en s'assurant que cette nomination ne relève pas uniquement du Premier ministre désigné", a-t-il indiqué. "Le problème de l'accord sur la confiance, quant à lui, a été réglé, alors pourquoi se récuser ?", s'est enfin interrogé Gebran Bassil.
Main tendue
Selon des sources politiques citées par l'agence al-Markaziya, c'est la première fois que M. Bassil tend à ce point la main à Saad Hariri depuis le début de la crise gouvernementale. Si, dans de précédents discours, le député de Batroun avait déjà affirmé qu'il souhaitait que M. Hariri reste Premier ministre désigné, il accompagnait toujours ses propos de revendications concernant la nomination des ministres chrétiens par Michel Aoun et accusait le leader du Futur de s'en prendre aux droits des chrétiens. Les déclarations de Gebran Bassil, notamment en ce qui concerne la confiance de son bloc parlementaire au gouvernement Hariri et la nomination des ministrables chrétiens, pourraient donc constituer selon ces sources un premier pas vers un nouveau compromis politique. Les milieux politiques attendent maintenant de voir quel écho trouvera cet appel à la Maison du Centre et si la main tendue du chef du CPL pourrait permettre à Saad Hariri d'écarter l'éventualité d'une récusation.
Le groupe parlementaire du Hezbollah a de son côté réitéré son appel aux dirigeants libanais à former "un cabinet de sauvetage efficace", appelant les protagonistes à "trancher" et prendre des décisions. Le Hezbollah faisait notamment référence à la question d'une éventuelle récusation de Saad Hariri. Dans un communiqué lu par le chef du groupe Mohammad Raad, le parti chiite a appelé les responsables chargés de la formation d'un nouveau gouvernement à "trancher" leurs prises de position, afin que la situation "s'éclaircisse" et que les Libanais "ne se fassent plus de souci quant à leur avenir". Il les a également appelés "à ne plus perdre de temps et à saisir les opportunités actuelles, qui pourraient ne plus se présenter plus tard."
commentaires (14)
L’hypocrisie n’a ni limites ni frontières…le drame est qu’il y a des gens qui le croient dur comme fer
mokpo
16 h 16, le 09 juillet 2021