« Si Saad Hariri se récuse, l’effondrement sera total. » Nabih Berry n’y est pas allé par quatre chemins. Dans un entretien publié mardi dans les colonnes du quotidien an-Nahar, le chef du législatif a donné le « la » en répondant implicitement aux propos incendiaires du chef du Courant patriotique libre. Dans sa conférence de presse dimanche, Gebran Bassil avait accusé Nabih Berry de partialité en faveur de Saad Hariri, appelant Hassan Nasrallah, en qui il dit avoir davantage confiance, à arbitrer le conflit qui oppose le camp présidentiel au Premier ministre désigné. Dans son interview, M. Berry n’a pas caché ses craintes quant à une détérioration de la situation sécuritaire du pays au cas où le leader du courant du Futur déciderait de rendre son tablier. Expliquant sa position, il a souligné que M. Hariri bénéficie du soutien populaire de la communauté sunnite ainsi que de celui de Dar el-Fatwa (plus haute autorité sunnite du Liban) et des anciens Premiers ministres Fouad Siniora, Nagib Mikati et Tammam Salam. Il a également obtenu l’appui des députés (lors des consultations parlementaires contraignantes), a-t-il rappelé. « C’est précisément pour ces raisons que nous sommes attachés à Saad Hariri et qu’ils (la présidence et son camp) ne veulent pas de lui », a tonné M. Berry. Pour le chef du législatif, l’équation qui se pose aujourd’hui est la suivante : face au blocage du gouvernement, c’est le maintien de Saad Hariri. En réponse à la question de savoir si ce dernier pourrait jeter l’éponge dans le cas où le président de la Chambre annoncerait la mort de son initiative, le leader du mouvement Amal a lancé : « il faudra attendre longtemps (avant qu’éventuellement Saad Hariri se récuse, NDLR). »
Nabih Berry a d’ailleurs assuré que son initiative pour débloquer l’impasse gouvernementale (un cabinet de 24 répartis à égalité entre le camp haririen et ses alliés, le camp aouniste et le camp chiite, sans tiers de blocage) est toujours d’actualité. Une initiative que le leader du CPL a complètement rejetée dimanche, la réduisant à une simple « médiation » dont il dit ne pas connaître les contours, alors qu’il l’avait au départ avalisée, a rappelé Nabih Berry.
Réagissant en outre au recours, par M. Bassil, à sa carte la plus chère, à savoir la défense de ce qu’il considère comme les droits des chrétiens à travers le rejet de la mise en place d’un système de partage par tiers en lieu et place de la parité islamo-chrétienne consacrée par l’accord de Taëf, Nabih Berry a déclaré : « Le camp du président sera le seul à obtenir huit ministres (dont un druze proche de Talal Arslane et un arménien relevant du parti Tachnag) qui relèveront de sa quote-part, alors que les chiites en auront cinq de même que les sunnites. » Le président de la Chambre estime par là que les huit ministres relevant de la part du président font partie de son camp et voteront avec lui alors que les trois ministres qui seront ajoutés à la part de Saad Hariri et du tandem chiite (pour aboutir à une configuration de huit ministres), que ce soit le ministre druze affilié à Walid Joumblatt ou les deux ministres chrétiens des Marada, ne font pas directement partie de ces camps.
Le Hezbollah et le jeu d’équilibriste
De son côté, s’il évite de répondre publiquement à Gebran Bassil qui a clairement voulu faire pression sur lui afin qu’il prenne son parti contre Nabih Berry, le Hezbollah semble toujours mener un délicat jeu d’équilibriste. Malgré des relations en dents de scie avec le CPL, le parti chiite évite vraisemblablement de choisir son camp. Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, une rencontre pourrait ainsi avoir lieu dans les prochaines heures entre le chef du CPL et Wafic Safa, cadre supérieur du Hezbollah. Cette réunion pourrait paver la voie à une reprise des contacts entre Aïn el-Tiné et le camp présidentiel. M. Berry pourrait donc se rendre à Baabda pour une rencontre avec Michel Aoun, ou recevoir M. Bassil à Aïn el-Tiné, selon notre chroniqueur.
Une source proche du Hezbollah confie dans ce cadre à L’Orient-Le Jour que le dossier gouvernemental sera examiné en long et en large lors de l’entretien. « Nous voulons savoir ce que M. Bassil demande au juste », souligne-t-il. Et d’ajouter, sans vouloir donner plus de précisions : « Gebran Bassil a confié le dossier du cabinet au secrétaire général du Hezbollah. Nous voulons donc savoir s’il serait prêt à accepter tout ce que nous pourrions proposer. Nous appuyons toujours l’initiative Berry, d’autant plus qu’elle est la seule à être aujourd’hui sur le tapis. »
Entre-temps, c’est à Abou Dhabi où il s’est rendu il y a quelques jours que Saad Hariri attend l’issue des contacts en cours. Quant au leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, allié de longue date du président de la Chambre, il a de nouveau affirmé être en faveur d’un « compromis politique », lors d’une réunion avec des cheikhs druzes dont la vidéo a fuité sur les réseaux sociaux. « Je vois vers où nous allons et je suis en faveur du compromis », a réaffirmé le leader druze. « Le compromis politique est une nécessité. Celui qui ne fait pas de compromis en politique, qui pense qu’il peut arriver (à ses fins) par la guerre, n’ira nulle part », a-t-il martelé.
commentaires (9)
BERRY MENE LE JEU. LES DEUX BELIERS SONT CONFONDUS.
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
12 h 23, le 23 juin 2021