A peine ouverte, la séance plénière du Parlement consacrée à la lettre qui lui a été adressée par le président de la République, Michel Aoun, au sujet de l'impasse gouvernementale, a été levée vendredi une fois la lecture de la missive achevée. Aucun débat ni prise de parole n'ont donc eu lieu. Une nouvelle réunion doit se tenir demain à 14h.
Un constitutionnaliste qui a requis l'anonymat explique à L'Orient-Le Jour que selon l'article 145 du règlement intérieur de la Chambre, lorsque le président de la République adresse une lettre directement à l'Hémicycle, le président du Parlement doit convoquer les députés à une séance plénière dans un délai de trois jours. Après la lecture du message du chef de l'Etat, le président de la Chambre lève la séance pour 24 heures. La séance se poursuit ensuite le lendemain pour discuter du message du président et prendre la décision ou les mesures qui s'imposent. Toujours selon le même article, lorsque le message est adressé à la Chambre via son président, comme c'est le cas actuellement avec la missive de M. Aoun, le chef du Législatif doit convoquer une séance plénière dans un délai de trois jours pour discuter du message et prendre la décision ou les mesures qui s'imposent. Il semble toutefois que le président du Parlement, Nabih Berry, ait considéré que le message du président Aoun ait été envoyé directement à l'Hémicycle, et c'est ce qui explique le report de 24h. Une façon pour le chef du Législatif de donner du temps aux élus pour préparer leurs interventions et tenter de calmer les esprits, le clivage politique étant à son paroxysme.
C'est mardi dernier que le chef de l'Etat avait adressé à la Chambre sa lettre dans laquelle il accuse le Premier ministre désigné, Saad Hariri, du blocage gouvernemental qui dure depuis plus de neuf mois. Dans son message, le président Aoun affirmait que Saad Hariri, nommé en octobre dernier, était "incapable" de former le gouvernement, alors que le pays continue de sombrer dans une grave crise socio-économique. Constitutionnellement, l'Hémicycle était tenu de se réunir dans un délai de trois jours pour discuter de ce message.
Vendredi, Nabih Berry a ouvert la séance à 14h, en présence des députés, notamment le Premier ministre désigné, et son rival politique Gebran Bassil, gendre du président Aoun et chef du Courant patriotique libre. Une fois la lecture de la lettre achevée, le chef du Législatif a levé la séance et a fixé une nouvelle date de réunion pour demain à 14h. Les députés Ibrahim Moussaoui, César Maalouf et Moustapha Husseini, se sont absentés de la réunion, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
De nombreux observateurs s'attendaient à ce que M. Hariri prenne la parole aujourd'hui pour répondre aux accusations du président Aoun. Une prise de parole de Gebran Bassil était également envisagée.
"Pompier"
Le député Alain Aoun, membre du CPL, a expliqué que le président du Parlement a considéré que la lettre du chef de l'Etat est adressée à toute la Chambre, et c'est pour cela qu'il a reporté la séance de 24h". "Le Premier ministre désigné aura le droit de réponse", a assuré Alain Aoun. Même son de cloche de la part du député Mohammad Hajjar, membre du courant du Futur. "Ce qui s'est passé aujourd'hui est au cœur du règlement intérieur du Parlement", a-t-il affirmé. "Nabih Berry joue le rôle du pompier face à l'obstination du président" Aoun, a-t-il ajouté. "Le but du message du président Aoun était de faire bouger le dossier du gouvernement afin de rendre au pays son équilibre. C'est la conclusion la plus importante qui doit se dégager demain à l'issue des débats", a estimé pour sa part un autre député aouniste, Ibrahim Kanaan. Georges Adwan, député Forces libanaises, s'est contenté pour sa part de dire que la lettre adressée par le président "ne contrevient absolument pas aux usages".
Le cabinet de Hassane Diab a démissionné dans la foulée des explosions meurtrières du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Michel Aoun et Saad Hariri s'accusent mutuellement de blocage du processus gouvernemental. Les deux camps s'écharpent sur la notion du tiers de blocage, minorité qui sert à bloquer l'action du cabinet en cas de besoin, et sur la nomination des ministres chrétiens (...). Les rapports entre M. Hariri et le camp présidentiel sont complètement rompus depuis le 22 mars dernier, date du tout dernier entretien orageux entre le président libanais et le Premier ministre désigné. Entre-temps, le Liban poursuit sa descente aux enfers, avec une crise socio-économique et financière qui ne cesse de s'aggraver depuis l'été 2019, alors que plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Jeudi soir, le leader druze, Walid Joumblatt, allié du président de la Chambre et entretenant des rapports en dents de scie tant avec Baabda ainsi qu'avec M. Hariri, a estimé que la lettre du président constitue une "fuite en avant", refusant de la commenter. Dans une interview accordée à la chaîne locale MTV, il a aussi réitéré son appel à Saad Hariri à faire "des sacrifices" et opter pour le compromis. En mars dernier, Walid Joumblatt et Nabih Berry avaient concocté un projet de solution axé sur la mise en place d'un cabinet de 24 ministres sans tiers de blocage. Une option qui se serait heurtée au veto du tandem Baabda-CPL.
commentaires (12)
Messieurs les incompétents, surtout ne vous pressez pas. On laisse le temps aux députés de préparer leur lecture comme si ce qui se passe dans le pays est une nouveauté ou un fait de dernière minute. Vos salaires continuent à être versés alors que je peuple se nourrit des restes jetées dabs les poubelles. Cessez votre cinéma et prenez vos responsabilités ou dégagez.
Citoyen
21 h 29, le 21 mai 2021